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Des huitres aux yaourts, que valent les médailles au Salon de l’agriculture et pourquoi elles attirent autant

Temps fort du Salon de l'agriculture, le Concours général agricole devrait distribuer cette année plus de 5.000 médailles. Les producteurs y voient un enjeu important, pour leur notoriété et pour leurs ventes.

Or, argent ou bronze. Pas question ici de Jeux olympiques de Paris, mais des médailles du Concours général agricole (CGA). Une institution vieille de 153 ans qui est liée au Salon international de l'agriculture. Comme les athlètes, les producteurs sont nombreux à vouloir décrocher une médaille tandis que les consommateurs sont, eux aussi, très regardants sur la présence de ce logo sur les produits.

20.500 producteurs participants

"C'est le seul concours au monde avec un véritable cahier des charges", défend Olivier Alleman, commissaire général du CGA, qui a été nommé en octobre 2023 pour trois ans de plus à ce poste par le ministre de l'Agriculture qui est co-propriétaire du concours.

Cette année, 20.500 producteurs participent au concours dans des catégories très variées allant des traditionnels animaux et vins, en passant par les huîtres et le piment d'Espelette. "C'était d'abord un concours B to B entre agriculteurs, ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale qu'il s'est ouvert au grand public", rappelle Olivier Alleman auprès de BFMTV.com.

Le concours des animaux demeure le plus ancien et le plus emblématique du CGA avec de nombreux visiteurs qui viennent assister à la présentation de chaque vache, cheval ou même chat lors du Salon. "C'est l'excellence française. Quand on arrive là, même sans prix, c'est une grande fierté", reconnaît, au micro de BFMTV, Laura Lafage, éleveuse dans le Lot qui a remporté une médaille d'or avec l'une de ses vaches.

Laura Lafage, éleveuse dans le Lot, a remporté une médaille au Concours général agricole.
Laura Lafage, éleveuse dans le Lot, a remporté une médaille au Concours général agricole. © BFMTV

Ce prix vient récompenser une préparation importante et de "tout le travail accompli", se satisfait la Lotoise. Pour ce concours, les éleveurs préparent au mieux leurs animaux plusieurs mois avant le Salon puisqu'ils sont présélectionnés dans chaque catégorie à travers les foires agricoles avant de partir à Paris.

Un droit d'entrée au concours

Le concours dédié aux produits est quelque peu différent puisque chaque candidat est libre de s'inscrire si son produit respecte le cahier des charges d'une catégorie donnée. Le montant est de 100 euros pour chaque produit candidat au CGA. Les équipes du concours réalisent ensuite des prélèvements d'échantillon chez les candidats "pour nous assurer qu'ils sont représentatifs de la production habituelle et qu'ils ne sont pas conçus particulièrement pour le concours", insiste Olivier Alleman.

Chaque produit est ensuite anonymisé puis soumis aux jurés lors des séances de dégustation qui sont organisées le Salon de l'agriculture.

Plus de 6.000 personnes sont mobilisées pour participer, bénévolement à ces jurys. Sur chaque table de dégustation, la moitié sont des professionnels de la filière et les autres sont des "consommateurs avertis".

"Il leur est possible de suivre une formation d'une journée dans une catégorie avant le concours. Ils seront alors privilégiés pour devenu juré, sinon le Concours général agricole se tourne vers d'autres personnes", détaille le commissaire général. "La dimension intergénérationnelle est aussi intégrée dans chaque composition de jury afin de s'adapter au goût de tous les consommateurs."

Dégustation anonyme

Ce sont les jurés qui "sont souverains" dans l'attribution ou non de médailles à un produit tandis que le candidat a, lui, interdiction d'assister à la dégustation. "Je ne connaissais pas le panel et je ne savais même pas où ça avait lieu", confirme Clément de la Raitrie, directeur commercial de la laiterie de la Ferme de Viltain (Yvelines) qui a décroché trois médailles au concours. Ce n'est que le soir venu qu'un candidat peut connaître son résultat sur le site du CGA.

Olivier Alleman rappelle aussi que la participation au concours, même si elle représente un coût pour chaque candidat, ne signifie pas l'obtention automatique d'une médaille.

"Chaque année, dans certaines catégories, aucune médaille n'est attribuée. Il ne s'agit pas d'un palmarès, il n'y a pas forcément de médaille d'or décernée dans chaque catégorie", précise-t-il à BFMTV.com.

C'est ce qu'il s'est passé pour la brasserie La Parisienne, installée à Pantin (Seine-Saint-Denis). Elle est la seule à avoir été récompensée avec une médaille de bronze dans la nouvelle catégorie des bières sans alcool, mise en place cette année.

"On est satisfait de la médaille et d'avoir été les seuls, mais on regrette le manque d'encouragement derrière. Une médaille de bronze, ce n'est pas représentatif du travail fourni", explique Julien Perrod, maître brasseur qui annonce déjà ne pas vouloir "s'arrêter en bas de l'échelle" pour cette nouvelle bière.

La décision d'afficher ou non la médaille sur les bouteilles de bière sans alcool n'est pas encore prise puisque Julien Perrod renvoie ce choix à sa direction. Ce petit macaron a, en effet, un coût: "ils sont libres d'apposer ou non la médaille sur leur produit. Si c'est le cas, ils doivent reverser 4 centimes d'euros sur chaque produit vendu au Concours général agricole", confirme Olivier Alleman. L'argent ainsi collecté est "une sorte de rente qui permet d'assurer le bon fonctionnement du concours".

Un label qui attire les fraudes et booste les ventes

La médaille attire d'ailleurs les fraudes. "Chaque année, je dresse des PV après des contrôles réalisés dans les supermarchés", indique le commissaire général, soit parce qu'un produit a apposé une médaille à laquelle il n'a pas le droit, soit parce que c'est une médaille d'une mauvaise année. Selon Olivier Alleman, 266.000 euros ont ainsi été récoltés en 2023.

Si la médaille suscite autant de convoitises, c'est qu'elle comporte un intérêt économique important. "C'est entre 18 et 40% de vente en plus sur une année", souligne Olivier Alleman auprès de BFMTV.com et cela, qu'importe qu'il s'agisse d'une médaille d'or, d'argent ou de bronze. "Nos études ont relevé que 83% des consommateurs vont se tourner vers un produit médaillé plutôt qu'un autre dans un rayon."

C'est ce qui motive notamment La Ferme de Viltain à afficher très rapidement la médaille sur ses yaourts. "On a encore un stock d'opercules de yaourt à écouler, mais dès qu'il faudra en réimprimer, on va en refaire avec la médaille dessus", indique Clément de la Raitrie, le directeur commercial de la laiterie.

"C'est un investissement important que de participer au concours, mais un investissement que l'on juge rentable", poursuit-il à BFMTV.com. "Un consommateur, dans un rayon de yaourts, repère la médaille au milieu d'une foultitude de références."

Cette influence sur les ventes peut même se retrouver à une échelle plus grande. La Ferme de Viltain a été récompensée pour l'un de ses yaourts proposés dans le milieu scolaire. La présence d'une médaille suscite "un peu plus d'intérêt pour l'acheteur public même s'il doit respecter certaines contraintes de la loi. Ça peut déclencher plus de vente".

Gage de qualité?

Pour autant, dans le rayon d'un supermarché, une médaille au Concours général agricole ne veut pas dire que le produit est le meilleur de tous. "Il est important de dire et de se rappeler que tout le monde ne participe pas au concours", souligne Julie Vanhille, secrétaire générale de l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC).

"On sait que les consommateurs ont tendance à se fier à ce genre de label car dans les rayons, ils ne savent pas toujours quoi acheter. En voyant la petite médaille, ils vont se tourner vers ce produit plutôt qu'un autre", poursuit-elle auprès de BFMTV.com

Mais dans le contexte d'inflation des produits alimentaires, certains consommateurs misent moins sur la qualité que sur le prix. "Il faut faire attention à ces produits médaillés qui affichent parfois quelques centimes ou quelques euros de plus après l'obtention de la médaille", alerte Julie Vanhille. "Un producteur va avoir tendance à augmenter son prix car il augmente ses ventes."

Julie Vanhille admet que la médaille du CGA a l'avantage de se baser sur un cahier des charges avec des critères établis, par rapport à d'autres labels qui ne sont "que du marketing" comme un produit "élu produit de l'année" ou "saveur de l'année".

Amaury Tremblay