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Mort de Lisa dans l'Eure: le drame aurait-il pu être évité?

Une fillette de trois ans est morte à Conches-en-Ouche, dans l’Eure, victime d'un arrêt cardio-respiratoire après avoir subi de multiples violences.

La mort de Lisa aurait-elle pu être évitée? Y a-t-il eu des dysfonctionnements dans le processus d'alerte? L’information judiciaire, ouverte après la mort de la petite fille de 3 ans "victime de violences fréquentes" à Conches-en-Ouche dans l’Eure devra notamment le déterminer.

La petite fille de 3 ans est morte au CHU Charles-Nicolle de Rouen dimanche matin. Dans la nuit, les sapeurs-pompiers étaient intervenus au domicile familial pour un arrêt cardio-respiratoire de la petite fille.

Le certificat de la fillette a révélé la présence de "gros hématomes visibles sur l’ensemble du corps", a rapporté mardi au cours d’une conférence de presse, Rémi Coutin, le procureur de la République d’Évreux. La petite fille présentaient des traces de violence sur plusieurs parties du corps.

Ces hématomes sont, d’après le procureur de la République d’Évreux "d’âges différents". Ce certificat médical coïncide avec les déclarations de la mère et du beau-père, les deux suspects ayant reconnu les violences répétées au cours de leur garde à vue.

La mère de Lisa a expliqué "qu’elle et son compagnon ont commencé à frapper la petite fille deux ou trois mois après leur mise en ménage, soit à la fin 2022, au début de l’année 2023", a détaillé le procureur de la République.

Aucun signalement connu

Des personnes avaient-elles connaissance de cette situation? Avaient-elles repéré les traces sur le corps de la fillette de 3 ans.

"À la présente date, il est établi que ni la justice, ni la gendarmerie, ni l’aide sociale à l'enfance n’avaient reçu de signalement au sujet de la situation de cette enfant", a déclaré le procureur de la République d’Évreux.

Néanmoins, la petite fille était scolarisée depuis la rentrée, en moyenne section. "On peut s’interroger sur le fait qu’il n’y ait pas eu de remontée d’informations", a souligné Rémi Coutin.

Mardi, RMC révélait la suspension à titre conservatoire par le rectorat de l’académie de Normandie de la directrice de l’école maternelle où était scolarisée Lisa, ainsi que l’ouverture d’une enquête administrative.

"Il semblerait que la petite fille était absente de l'école toute la semaine précédant les faits, a précisé le procureur. Le juge d'instruction va s'interroger sur le fait que la situation de cette petite fille, victime de violences régulières, n'a pas été signalée.”

"La directrice est une excellente professionnelle"

Invité sur BFMTV, le maire de Conches-en-Ouche, Jérôme Pasco, déplore une "responsabilité collective", défendant le professionnalisme de la directrice d'école. Il déplore toutefois un contexte de "mensonges" et de "manipulations" de la part de la mère.

"Quand vous avez un enfant qui arrive avec un bleu, que la mère dit ‘vous la connaissez, c’est Lisa, elle est speed, elle s’est cognée’, quand la fille est absente et qu’on appelle les parents et qu’ils nous disent oui elle est malade, elle à la grippe ou le Covid, vous avez un contexte de mensonge, de manipulation", insiste-t-il.

Un contexte "qui fait que les parents cachent à tout prix, l’indicible et les horreurs qu’ils commettent sur leurs enfants et c’est très difficile d'essayer d’isoler, d’identifier et de remonter ces informations-là", souligne Jérôme Pasco.

"C’est le drame de la folie, c’est le drame de l’isolement de personnes recluses, isolées, qui n’ont pas d'interaction sociale avec qui que ce soit", regrette le maire.

Le 119 injoignable?

L’état de santé de Lisa aurait néanmoins alerté une personne dans la sphère proche du couple. "Il semblerait qu’une amie de la famille ait voulu, quelques jours avant les faits, signaler les faits de maltraitances de Lisa via le numéro 119 (Ndlr: Allô enfance en danger)", a rapporté le procureur de la République d’Evreux au cours de sa conférence de presse.

D’après la déclaration de l’amie, cet appel n’a pu aboutir et elle ne l’aurait pas renouvelé ensuite. Des informations mises au conditionnel par le parquet.

"Des investigations supplémentaires vont être diligentées pour confirmer ou pas" ces déclarations.

Contactée par BFMTV.com, "119 Enfance en danger" indique qu'une enquête est en cours afin notamment de déterminer si l'appel a bien eu lieu et si le protocole a été respecté.

"Ça arrive qu'il y ait de la suractivité, qu'on reçoive beaucoup d'appels, donc on est obligés de filtrer avec des pré-écoutants. S'il s'agit d'une situation d'urgence, ils basculent immédiatement l'appel à des écoutants, qui sont des professionnels de l'enfance. Si ce n'est pas une situation d'urgence, on propose à l'interlocuteur d'attendre ou de rappeler plus tard", détaille "119 Enfance en danger".

"Si cet appel a eu lieu, et qu'il n'a pas été basculé, c'est peut-être que les éléments n'étaient pas suffisants pour considérer qu'il s'agissait d'une situation d'urgence", explique encore la plateforme.

Le frère aîné de Lisa, âgé de 6 ans, a été pris en charge à l'Aide sociale à l'enfance après la mort de sa soeur.

Sa mère et son beau-père ont reconnu "s'être livré de façon régulière à des violences de moindre intensité" sur ce dernier, a rapporté Rémi Courtin. La mère de Lisa et son beau-père ont été mis en examen et écroués pour meurtre sur mineur.

Charlotte Lesage