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Nuage toxique, radioactivité, effets secondaires: l'incendie d'une usine à Rouen suscite l'inquiétude des habitants 

Incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, le 26 septembre 2019

Incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, le 26 septembre 2019 - Philippe Lopez - AFP

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L'inquiétude grandit à Rouen, au lendemain du spectaculaire incendie qui a touché une usine classée Seveso dans la nuit de mercredi à jeudi. Si les autorités tentent d'être rassurantes, les fumées et les suies dues à l'explosion font craindre un risque sanitaire aux habitants. Alors peut-il y avoir des risques sur la santé, comme le redoutent les Rouennais?

Plusieurs explosions, une odeur acre et un vaste panache de fumée noire. Dans la nuit de mercredi à jeudi, un violent incendie a éclaté dans une usine Lubrizol classée Seveso, seuil haut, à Rouen (en Seine-Maritime). Aucune victime n'est à déplorer mais les habitants ont été appelés à rester confinés et les établissements scolaires ne rouvriront leurs portes que lundi. L'incendie est éteint depuis vendredi matin.

Jeudi à l'aube, un nuage de fumée noire long s'élevait dans le ciel, sur près de 22 km, a indiqué la préfecture. Une couleur liée à la présence d'hydrocarbures sur ce site, fabriquant notamment des additifs pour lubrifiants. Ce sont des fûts d'huile qui ont éclaté, provoquant les bruits d'explosion, a assuré le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand.

  • Des prises de parole qui se veulent rassurantes
"Nous n'avons pas d'éléments qui permettent de penser qu'il y a un risque lié aux fumées", a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner sur RTL.

Les "premières analyses n'ont pas fait apparaître de toxicité aiguë sur les principales molécules que nous suivons, ce qui est plutôt rassurant", a déclaré Pierre-André Durand jeudi. Une cellule d'information de la préfecture de Seine-Maritime est joignable au 02.32.76.55.56.

Des prises de parole qui se veulent rassurantes, mais qui ne suffisent pas à apaiser les inquiétudes, à en croire certains commentaires visibles sur les réseaux sociaux.

Les internautes s'interrogent après l'incendie d'une usine classée Seveso à Rouen.
Les internautes s'interrogent après l'incendie d'une usine classée Seveso à Rouen. © BFMTV
  • "Maux de gorge, nausées, envies de vomir"

Nausées, vomissements... L'AFP a recueilli plusieurs témoignages de personnes fortement incommodées après l'incendie survenu à Rouen. Le bâtiment de France 3 à Rouen a notamment dû être évacué jeudi matin en raison de salariés victimes de ces symptômes. 

"Mal de gorge, envie de vomir, mais la fumée ne présente aucun danger... Ben voyons", s'agace un internaute sur les réseaux sociaux. 

Selon le médecin du SAMU, Benoît Jardel, qui s'est exprimé lors d'une conférence de presse à la préfecture de Seine-Maritime, retransmise par le journal Paris Normandie, des effets secondaires sont normaux, mais pas forcément inquiétants:

L'odeur "très entêtante peut effectivement donner des maux de tête voire aller jusqu'à des vomissements mais elle n'est pas synonyme de situation toxique", assure-t-il. 

Ces conséquences pourraient être dues à un gaz, le mercaptan, qui s'est notamment dégagé de l'usine. C'est "un gaz qui, dès une très très faible concentration, provoque des réactions sur l'organisme mais il faudrait des concentrations très importantes pour avoir des choses à long terme", ajoute le médecin.

Vendredi matin, trois personnes, préalablement atteintes par des pathologies respiratoires antérieures à l'incendie, ont été hospitalisées pour des complications, indique Benoît Jardel.

Dans les combustions d'hydrocarbures et d'huile, "il y a une toxicité d'abord aiguë, et c'est ce qu'on dose d'ailleurs très régulièrement", due à l'oxyde d'azote et l'oxyde de soufre, note le docteur Alain Ducardonnet, consultant santé pour BFMTV. Ce "sont des éléments hyper irritants pour les poumons", poursuit-il. Le deuxième aspect de cette combustion, la suie: "Ce sont des micro-particules, c'est comme le diesel mais en très grande quantité. Donc ça c'est quelque chose qui immédiatement ne donne pas d'éléments particuliers sauf qu'elles sont très fines et qu'elles vont tout au fond du poumon", poursuit le médecin, pointant "une toxicité qui peut éventuellement être à plus long cours".

"Il faut être prudent dans les jours à venir et nettoyer correctement tous les espaces dans lesquels les enfants vont jouer parce que ces suies d'incendie sont, je le répète, des produits toxiques et potentiellement cancérogènes à moyen et long terme", conseille le docteur Gilles Dixsaut sur BFMTV, président du Comité francilien contre les maladies respiratoires.

  • "Un risque de pollution de la Seine"
"Soyons sérieux, on retrouve des oiseaux morts sur les quais et des poissons qui flottent sur la Seine...", écrit un internaute sur Facebook. 

Dès jeudi, les autorités ont alerté sur un "risque de pollution de la Seine". Vendredi, des galettes d'hydrocarbures sont apparues à la surface de la Seine, à Rouen, a indiqué la préfecture, expliquant qu'un bateau équipé d'un chalut anti-pollution devait les ramasser dans l'après-midi, rapporte l'AFP.

"Des barrages anti-pollution ont été mis en place sur la Seine. Quelques irisations résiduelles en aval peuvent subsister", indique la préfecture dans un communiqué publié vendredi à 16 heures.
Les internautes s'interrogent après l'incendie d'une usine classée Seveso à Rouen.
Les internautes s'interrogent après l'incendie d'une usine classée Seveso à Rouen. © BFMTV
  • Des éléments radioactifs sur le site?

C'est une des inquiétudes majeures qui s'expriment. Selon un rapport de l'inspection des installations classées dépendant du ministère de la Transition écologique, évoqué par Le Parisien, des éléments radioactifs se trouvaient sur le site de l'usine "sous forme de sources scellées".

"Pour tout son process de fabrication, cet établissement n'avait pas de produits radioactifs. Il avait en revanche des appareils de mesure qui comportent un élément radioactif scellé et qui n'ont pas présenté de difficultés", a assuré le préfet Pierre-André Durand lors d'une conférence de presse vendredi matin.

Ces éléments "n'ont pas été exposés au feu ni dégradés. Ils ont été vérifiés ensuite", a réitéré la préfecture dans son communiqué daté de vendredi après-midi.

  • Un risque de formation d'un nuage toxique?

En janvier 2013, une fuite de gaz, le mercaptan, avait provoqué un nuage nauséabond qui s'était répandu jusqu'en Île-de-France et en Angleterre, incommodant des millions de personnes, rappelle l'AFP.

"Il y a une présence de suie qui peut être assez marquée dans certaines zones du territoire", admet le préfet. Un phénomène accentué du fait de la pluie, et qui serait composé "d'additifs d'huile de moteur et d'hydrocarbures", a détaillé le préfet de Seine-Maritime.

Contactée vendredi après-midi par BFMTV.com sur l'éventuelle formation d'un amas nuageux semblable, la préfecture du département n'avait pas donné suite à nos appels vendredi soir.

Clarisse Martin