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Les pompiers français sont-ils suffisamment équipés pour faire face à des feux massifs tout l'été?

Un sapeur-pompier à l'œuvre à Louchats, en Gironde, le 17 juillet 2022.

Un sapeur-pompier à l'œuvre à Louchats, en Gironde, le 17 juillet 2022. - THIBAUD MORITZ / AFP

Dans un document destiné aux candidats à l'élection présidentielle de 2022, la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France avait alerté sur le vieillissement des Canadair français, mais également sur le manque de volontaires.

Durant l'été 2019, les sapeurs-pompiers professionnels de France avaient déjà tiré la sonnette d'alarme. 85% d'entre eux avaient signé un préavis de grève, s'étalant du 26 juin au 31 août. Invité à l'époque sur BFMTV pour s'exprimer sur ce mouvement, Xavier Boy, à la tête de la fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels, se voulait alarmiste.

"Notre service public de secours est en danger. On est malade d'un manque d'effectifs, d'un manque de moyens. On note un désengagement de l'État", expliquait-il.

Trois ans plus tard, alors que deux feux toujours incontrôlés ravagent la Gironde, et que les incendies sont promis à se multiplier cet été sous l'effet des fortes chaleurs, une interrogation se dessine. Les pouvoirs publics n'ont ils pas pris au sérieux les avertissements de la profession, rendant plus difficile pour les soldats du feu de combattre aujourd'hui les incendies?

Des Canadair vieillissants

C'est du moins ce que pense Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde et du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) 33. Parmi ses griefs, la répartition actuelle des Canadair sur le territoire hexagonal. La France compte 12 de ces avions bombardiers d'eau. Problème: à l'année, ils sont tous stationnés sur une base à Nîmes (Gard), là où le risque incendiaire est normalement le plus élevé, et deux sont détachés en Corse durant l'été.

Mais lorsqu'un feu se déclare dans un territoire plus éloigné, comme en Gironde, une telle organisation vient retarder l'arrivée des avions. La zone de La Teste-de-Buch, actuellement ravagée par les flammes, est située à deux heures de vol de Nîmes.

"Dans un incendie, ce sont les premières minutes qui comptent. (...) Je suis convaincu que si nous avions eu des Canadair à proximité, nous n'en serions pas là", a ainsi déclaré Jean-Luc Gleyze à nos confrères de Sud-Ouest vendredi 14 juillet, réclamant à l'État les moyens anti-feux adaptés aux menaces qui pèsent sur son département.

Autre problème concernant la flotte française de Canadair: son vieillissement. Trois des appareils sont actuellement immobilisés pour maintenance. Certains d'entre eux sont vieux de 25 ans, ce qui correspond à la fin de vie d'un appareil aérien. La France a bien commandé deux nouveaux appareils de ce type, mais ils ne seront pas livrés avant 2025.

Enfin, les pilotes manquent aussi à l'appel, puisque l'Hexagone ne compte à ce jour que seize commandants de bord en activité.

"Il faudrait qu'on soit 22 de façon à assurer une permanence des avions sur les feux en période de risque", a détaillé à TF1 Christophe Govillot, commandant à bord d'un Canadair.

Dans un document destiné aux candidats à l'élection présidentielle de 2022, la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) avait, là encore, déjà alerté. Dans un chapitre intitulé "être prêt à assumer les exigences futures face au défi climatique", les professionnels appelaient à "la modernisation de la flotte des 12 avions CL 415 'Canadair', âgés pour les deux tiers de plus de 25 ans". Ils réclamaient leur renouvellement par "16 avions bombardiers d'eau du même type, dont deux financés à 90% par l'Union européenne dans le cadre de la constitution d'une flotte européenne".

Un manque de volontaires

Dans le même document, les professionnels appelaient à renforcer massivement la politique de recrutement des pompiers volontaires. On en dénombre actuellement 197.000 en France. Quand on rapporte ce chiffre à nos voisins européens, le constat est sans appel. L'Autriche et ses 9 millions d'habitants, contre 67 millions pour la France, dispose par exemple de 242.000 volontaires.

"Sachant que le périmètre des missions des sapeurs-pompiers français est le plus large de toute l’Europe, l’augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires, socle du modèle français de secours, est un impératif", peut-on ainsi lire dans le document qui avait été transmis aux 12 candidats de la présidentielle d'avril dernier.

Un objectif de 250.000 pompiers volontaires a bien été fixé, mais il devrait être atteint d'ici à 2027. Un constat qui a poussé le 15 juillet sur RMC Grégory Allione, président de la FNSPF, a appelé à décliner le "quoi qu'il en coûte" mis en place lors de la pandémie de Covid-19, "au niveau de la protection civile".

"Il y avait une phrase de notre président, qui était le 'quoi qu'il en coûte' lors d'une situation grave pour notre pays au niveau sanitaire. Je crois qu'en ce moment le 'quoi qu'il en coûte' en matière de protection civile doit être présent", a-t-il déclaré.

L'impact de l'aide à la personne

Face à un été de tous les dangers, cette hausse du personnel se justifie d'autant plus que les interventions pour aide à la personne, qui constituent la majorité de l'activité des sapeurs-pompiers en France, ne faiblissent pas. En 2019, dans les colonnes du journal Le Monde, André Goretti, président d'honneur de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers, pointait du doigt les carences de l'État, notamment concernant les déserts médicaux.

"On nous demande chaque année d'assurer de plus en plus de missions, avec de moins en moins d'effectifs", déplorait-il.

Toujours en 2019, Xavier Boy rappelait sur BFMTV "qu'en un peu moins de 15 ans, c'est un million d'interventions en plus". Une dynamique qui dans le contexte actuel, marqué par la mobilisation massive des sapeurs-pompiers pour lutter contre les feux de forêt, pourrait venir rompre le "contrat opération" des soldats du feu.

"Notre contrat opérationnel de protection des personnes, des biens et de l'environnement est soumis à rude épreuve", a ainsi expliqué à l'Agence France-Presse Grégory Allione. Et ce dernier pourrait même craquer, "si l'on devait être soumis à plusieurs gros départs de feu en même temps sur le territoire, craint-il.

Jules Fresard