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Canicule: 40°C, la nouvelle norme estivale en France?

Une photo prise le 19 mai 2022 à Saint-Gilles, dans le sud de la France, montre une plante sauvage sur un sol craquelé par la sécheresse lors d'un épisode de chaleur exceptionnel en France.  (Photo d'illustration)

Une photo prise le 19 mai 2022 à Saint-Gilles, dans le sud de la France, montre une plante sauvage sur un sol craquelé par la sécheresse lors d'un épisode de chaleur exceptionnel en France. (Photo d'illustration) - NICOLAS TUCAT / AFP

La multiplication des vagues de chaleur ces dernières décennies impose de nouvelles manières de s'adapter à ces chaleurs extrêmes.

La nouvelle norme. Alors que ce mardi la France sera confrontée à une nouvelle journée caniculaire, les températures devraient à nouveau battre des records et largement dépasser la barre des 40°C. Selon les prévisions, il fera même jusqu'à 41°C à Auxerre, 40°C à Lille ce jour tandis que ce lundi, 42,6° ont été relevés à Biscarrosse, 42°C à Nantes ou encore 41,4°C à la Roche-sur-Yon.

Jadis exceptionnelles, les températures dépassant les 40°C semblent peu à peu devenir habituelles. Dans un article consacré au sujet, Sciences&Vie constate que ce seuil n'avait été franchi qu'à une seule reprise par décennie entre 1950 et 1980. Mais la situation a bien changé: chaque année depuis 2008, au moins une des 155 stations de mesure du réseau de Météo-France a atteint cette barre à au moins une reprise, exception faite de 2014.

Cette augmentation de la fréquence est liée à la multiplication des vagues de chaleur sur le territoire. Celle enregistrée actuellement est la 45e recensée depuis 1947. Mais dans le détail, 9 ont eu lieu avant 1989, soit 38 depuis cette année-là. En 2022, la vague de chaleur du mois de juin a marqué par sa précocité et son intensité.

Des événements plus si exceptionnels

Des données qui montrent une normalisation de ces températures auparavant inhabituelles. Le phénomène est confirmé par plusieurs scientifiques dont François Gemenne, chercheur spécialiste des questions climatiques et co-auteur du dernier rapport du Giec, qui lors de son ultime passage sur l'antenne de RMC a insisté sur la multiplication "d'événements exceptionnels".

"Très clairement, ces événements qu’on considérait avant comme des événements exceptionnels, vont devenir la norme. C’est l’un des effets du changement climatique. Ça va être d’augmenter l’intensité et la fréquence de ces phénomènes exceptionnels", explique-t-il, prenant comme exemple, pour la France, les graves inondations de l'an passé et les puissantes vagues de chaleur de ces dernières semaines.

Dans sa réflexion, il est rejoint par Françoise Vimeux, climatologue à l'Institut de Recherche pour le développement, qui sur l'antenne de France Inter ce lundi, va même plus loin, assurant que des pointes à 50°C pourraient être enregistrées en France "dans quelques années."

"Il ne fera pas 50°C toute la journée, mais pourquoi pas 50°C pendant une ou deux heures dans le sud de la France", martèle-t-elle.

"Que le début"

Cette augmentation progressive des températures est une préoccupation mondiale et à court terme, certaines régions du globe devraient devenir inhabitables. Dans une tribune incendiaire publiée dans le Guardian, Bill McGuire, professeur émérite de risques géophysiques et climatiques à l'UCL (University College London), dresse le tableau de ce à quoi devrait ressembler le futur en Grande-Bretagne, elle-même touchée par cette canicule qui explose tous les records outre-Manche.

Selon lui, tout ceci "n'est que le début" et il est "désormais pratiquement impossible d'éviter une dégradation climatique dangereuse." Par conséquent, "lorsque nos enfants auront notre âge, ils aspireront à un été aussi 'cool' que 2022, car bien avant la fin du siècle, une chaleur de plus de 40°C n'aura rien d'extraordinaire dans le monde mutilé par le climat dont ils héritent", ironise-t-il.

Dans cette longue lettre ouverte publiée dans le média britannique, Bill McGuire liste ainsi les nombreux effets que ces nouvelles normes auront sur notre existence. "Les services de santé et de bien-être vont s'effondrer", commence-t-il, avant de prédire "des conditions de vie de plus en plus désespérées pour beaucoup." Selon lui, dans les décennies à venir, "les étés devraient devenir de plus en plus chauds et durer plus longtemps, écrasant les autres saisons et réduisant l'hiver à quelques mois mornes ponctués de tempêtes et d'inondation destructrices."

Avec la même pointe d'ironie dans le propos, François Gemenne expliquait, sur les réseaux sociaux, que ces températures de 40°C seront, dans un futur proche, un "bon souvenir."

"Dans quelques années, nous nous souviendrons avec émotion de l'époque actuelle, où le thermomètre n'atteignait les 40°C que quelques jours par an", écrit-il.

Comment s'adapter?

Afin de limiter l'impact de cette nouvelle norme, des solutions existent, alors que les zones urbaines sont les endroits où il risque de faire le plus chaud.

"Clairement, les villes sont un vrai problème. Il y a tout un tas de solutions mises sur la table par le rapport du Giec, et c'est absolument nécessaire", confirme Françoise Vimeux.

Parmi les pistes évoquées par la climatologue, la végétalisation, l'isolement thermique ou encore le fait de repeindre des surfaces en couleur blanche. Ce thème de la végétalisation des villes avait longuement été abordé la semaine passée sur notre antenne par Anne Sénéquier, médecin et co-directrice à l’Observatoire de la Santé à l’IRIS.

"Un toit noir comme Paris, c'est 89°C en pleine chaleur, alors qu'avec un toit végétalisé, on tombe à 29°C", expliquait-elle alors.
"Il faut choisir des espèces d'arbres liées au microclimat local, peu consommatrices d’eau, qui produisent beaucoup d’ombre donc avec un feuillage important, qui poussent vite, et qui sont pérennes dans le temps", détaille-t-elle encore, ajoutant qu'il faut modifier la morphologie des villes en profondeur mais que cela "ne va pas assez vite."

Finalement, pour François Gemenne, ces nouvelles températures devront également "modifier certains rythmes de travail, les horaires de certaines activités."

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV