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"Je me suis effondrée au sol": un trek dans le désert marocain vire au désastre, 200 femmes frappées par une épidémie

Touchées par une gastro-entérite aigüe, une quinzaine de marcheuses ont été hospitalisées fin octobre. Les participantes blâment les conditions d'hygiène du campement et tiennent pour responsable l'organisateur de l'événement.

Drapées de rose du t-shirt au bandana, elles avaient enfilé chaussures de marche et lunettes de soleil pour faire face à l'ardeur du soleil marocain. Entre 800 et 900 femmes se sont lancées dans un trek "d'orientation et solidaire" à travers les dunes du désert le 26 octobre. Cinq jours de marche proposés par l'opérateur français Désertours pour la bonne cause: la sensibilisation au cancer du sein.

Entamé sourire aux lèvres par les participantes, le "Rose trip" a rapidement viré au cauchemar. "Selon les informations données par l'équipe médicale sur le terrain, environ 200 personnes ont présenté des signes plus ou moins sévères de gastro-entérite aigüe fébrile avec douleurs abdominales", indique Mutuaide, chargé de couvrir l'événement, dans un rapport consulté par BFM Marseille Provence et BFM Toulon Var.

"Je me suis réveillée en catastrophe vers 10h30 (...), prise de vomissements, très mal à la tête, très mal au ventre. En sortant des toilettes, j'ai eu un malaise vagal. Je me suis effondrée au sol", rembobine Isabelle Brunel, une trekkeuse, au micro de BFMTV.

Karen Lacquit, infirmière, n'a par chance pas été contaminée. Mais elle a "vu des allées et des toilettes saturées par les excréments". Les participantes "étaient extrêmement malades, avec des diarrhées et des vomissements abondants", raconte-t-elle au micro de BFM Lyon. "C'était la putréfaction dans tout le camp."

"Virulence inédite"

Dans un communiqué publié jeudi 2 novembre, Désertours décrit une épidémie d'"ampleur" et de "virulence inédite". À tel point qu'une quinzaine de personnes ont dû être exfiltrées vers des hôpitaux marocains "pour lutter contre la déshydratation".

Les participantes ont depuis regagné la France, notamment via un vol spécialement affrété par Mutuaide.

D'après l'assureur, "la majorité des résultats de copro (un examen des selles, NDLR) réalisées à la clinique d'Errachidia se sont avérées négatives, indiquant probablement une origine virale pour ces dernières. Il est donc très difficile sans plus d'information de conclure sur l'origine exacte de l'agent pathogène".

Les cuisines et les toilettes séparées par quelques mètres

Pour faire la lumière sur les causes de cette contagion à grande échelle, une enquête sanitaire a été ouverte. Désertours assure coopérer "pleinement".

De l'avis des trekkeuses, les conditions d'hygiène du campement sont à l'origine de l'épidémie. "Les cuisines et les sanitaires ne sont pas très loin, séparés de quelques mètres. L'évacuation de toutes ces toilettes, c'était un tuyau qui allait derrière les tentes sanitaires, qui allait dans une fosse qui avait été creusée. Tout était à l'air libre", se souvient Isabelle Brunel.

Karen Lacquit n'a pas vraiment de doutes non plus. "La transmission des bactéries s'est probablement faite par ce biais-là. Parce qu'après, nous consommions la nourriture sous forme de buffet", souligne l'infirmière lyonnaise.

Filippo Costanza, le mari d'une marcheuse, blâme directement l'organisateur du "Rose trip":

"Désertours a essayé d'échapper à tout. Ils ne se réveillent que maintenant. Mais maintenant, c'est trop tard. Là, ils vont essayer de faire quelque chose pour leur communication, mais il n'y a plus rien à faire. Ils ont fait signer des décharges. Ils ont abandonné des gens. Non assistance à personnes en danger", s'exaspère l'intéressé à l'antenne de BFM Marseille Provence.

Vers une action en justice?

Depuis leur retour en France, les marcheuses s'organisent pour glaner et rassembler le maximum de témoignages. Elles envisagent de porter l'affaire en justice.

Pour sa part, Désertours affirme que "Rose Trip" s’engage à partager tout nouvel élément afin d’aider les participantes à comprendre ce qu’il s’est passé". L'opérateur se dit conscient que "les conditions dues au désert ont rendu la situation d’autant plus douloureuse pour les participantes" et leur apporte son soutien.

Selon Mutuaide, l'hécatombe aurait pu être plus importante encore sans "l'efficacité, le professionnalisme et l'engagement de l'équipe médicale" accompagnant les trekkeuses.

Jimmy Comte et Raphael Blandamour avec Florian Bouhot