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Corruption, narcotrafic... Comment l'image de ville violente colle à Marseille dans les séries et au cinéma

Pax Massilia, la nouvelle série d'Olivier Marchal, est sortie le 6 décembre 2023 sur Netflix.

Pax Massilia, la nouvelle série d'Olivier Marchal, est sortie le 6 décembre 2023 sur Netflix. - Laurent Le Crabe/Netflix

"Pax Massilia", la nouvelle série d'Olivier Marchal, met en scène une cité phocéenne ancrée dans une guerre des gangs, sur fond de trafic de stupéfiants. Une représentation de Marseille récurrente au cinéma ou dans les séries certes exagérée, mais qui s'inspire d'une certaine réalité. Pourtant, la ville n'a jamais été aussi populaire.

"Marseille est une ville qui réserve de mauvaises surprises à ceux qui ne savent pas l’apprivoiser." Ces mots, prononcés dès le premier épisode de Pax Massilia, la nouvelle série d’Olivier Marchal sortie le 6 décembre, résument parfaitement la vision souvent donnée à la cité phocéenne dans la fiction.

Connue pour son vieux-port, sa Bonne Mère, la ferveur de ses supporters de foot ou encore le bleu de ses calanques, Marseille est pourtant rarement présentée par ce prisme. Bac Nord de Cédric Jimenez, Bronx d’Olivier Marchal, Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin ou encore Marseille avec Gérard Depardieu: la cité phocéenne est souvent réduite à la violence, la corruption, le trafic de stupéfiants ou encore sa police.

"J’ai tourné dans les quartiers"

Pax Massilia, sortie sur Netflix le 6 décembre, ne déroge pas à la règle. Nouvelle série d’Olivier Marchal (36 Quai des Orfèvres, Braquo, Section Zéro), elle met en scène un groupe de policiers aux méthodes douteuses sur fond de guerre des gangs et de trafic de stupéfiants. Le premier épisode donne directement le ton entre fusillade dans un cimetière, fusillade à la plage, victime collatérale, techniques d’interrogatoire musclées et répliques un poil clichées.

La série marque le retour d’Olivier Marchal dans la cité phocéenne, qu’il a déjà pris comme décor, notamment avec Bronx pour Netflix.

"J’ai tourné trois fois comme réalisateur à Marseille, j’ai fait deux films et une série. Puis j’ai tourné quatre ou cinq films comme acteur. C’est une ville que j’aime beaucoup. C’est une ville où je vais habiter. Je pense avoir été adopté par la ville", assure-t-il au micro de BFM Marseille Provence.

Pour montrer au mieux cette ville si chère à son cœur, il n’a pas hésité à utiliser ses habitants comme figurants. "J’ai tourné dans les quartiers, j’ai été super bien reçu. On a intégré beaucoup de jeunes de ces quartiers, notamment la cité Consolat. On a intégré plein de jeunes à la sécu, ils ont joué leur propre rôle. Ils ont été super, on s’est fait plein de copains", raconte le réalisateur.

"Le trait est grossi"

Pax Massilia montre donc une certaine réalité de la cité phocéenne, une qui fait régulièrement l’actualité. Depuis le début de l’année, près de 50 personnes sont mortes dans des fusillades liées au trafic de stupéfiants à Marseille. "Nous sommes dans un cycle de conflits entre deux grands clans de trafiquants, dans une logique de vendetta, c'est-à-dire de tuer pour venger la mort d'un des leurs", expliquait la préfète de police des Bouches-du-Rhône, Frédérique Camilleri, en août dernier.

La violence fait partie du quotidien de la cité phocéenne, c’est un fait, mais la ville est loin de se résumer à cela. En allant encore une fois dans le polar, Olivier Marchal alimente un imaginaire, entre grand banditisme et guerre des gangs. Ce dont il se défend.

"On peut toujours reprocher 'vous allez encore montrer Marseille avec la violence' mais la violence est dans toutes les grandes villes. Elle n’est pas plus à Marseille qu’ailleurs. Paris on n’en parle pas parce que c’est la capitale et il n’est pas de ‘bon ton’ de dire qu’il se passe des choses. Paris il s’y passe autant de choses qu’à Marseille", assure le principal intéressé auprès de BFM Marseille Provence.

Le réalisateur se défend d’avoir voulu montrer Marseille comme infréquentable mais plutôt dans toute sa pluralité. "C’est vrai que Marseille, Grenoble, Saint-Étienne, Lyon, c’est un peu la cuvette du grand banditisme français mais c’est ça qui fait partie de la légende. Cette ville, elle me fait penser à un taureau. C’est fougueux, c’est beau, c’est animal, ça sent la mort, ça sent la fête. Y’a la poussière, y’a la fureur. C’est une ville qui me fait penser à tout ça", continue-t-il.

Un constat que soutiennent ses acteurs. Pour Nicolas Duvauchelle, "on est dans une série réaliste mais ce n’est pas le réel. J'ai vécu à Marseille un mois, il ne m'est rien arrivé, c'était très cool. Cette ville a depuis longtemps cette image de bandit". Lani Sogoyou, qui a grandi à Marseille, explique quant à elle que "le trait est grossi parce que c’est ce qui marche mais c’est des problématiques qu’on pourrait retrouver partout".

“Quand je regarde Marseille dans cette série, je retrouve le Marseille que je connais. Ça vit au rythme de Marseille, c’est l’énergie de Marseille, ça parle comme à Marseille”, ajoute l’actrice.

Marseille, deuxième ville la plus tournée

Si l'équipe de Pax Massilia se défend de toute mauvaise publicité, la mairie de Marseille tend à aller dans leur sens. "Une personnalité disait 'qu’on parle en bien ou en mal de toi, l’essentiel c’est qu’on parle de toi'. Donc effectivement ça fait de la publicité quand même pour Marseille", assure Jean-Marc Coppola, adjoint au maire de Marseille en charge de la culture, à BFM Marseille Provence.

"Je crois que Marseille est montrée à la fois dans sa pluralité et dans son authenticité. Je vois bien que tous les tournages qui ont eu lieu ces dernières années ne donnent pas une image négative, au contraire elle reste attractive", ajoute-t-il.

"Niveau touristique, les chiffres en progression montrent que c’est une ville qui intéresse. Les touristes étrangers disent ‘ce qu’on aime ici à Marseille, c’est votre authenticité’. Il n’y a rien à cacher, il n’y a pas à enfermer dans un genre", assure Jean-Marc Coppola.

La municipalité se réjouit que la cité phocéenne soit aussi attractive auprès des artistes, Marseille étant la deuxième ville la plus tournée de France après Paris. En 2022, la ville recensait 1469 jours de tournages -8 longs-métrages, 21 fictions TV, 80 films et photos publicitaires, etc-, soit 82,5 millions de retombées économiques.

Plus belle la vie, Robert Guédiguian, loin du polar

Jean-Marc Coppola estime que les polars ont représenté un quart des tournages en 2022.

"Il y a plein d’histoires à raconter et il y a d’autres réalisateurs qui racontent Marseille telle qu’elle est. Je pense à Robert Guédiguian avec Marius et Jeanette. D’autres aussi qui ont pu filmer. Puis il y a les séries qui montrent aussi Marseille dans toute sa pluralité: Léo Mattéi, La Stagiaire, Plus belle la vie", détaille l'adjoint à la culture.

Car si l'image de Marseille est souvent renvoyée aux polars et à ses faits divers, toutes les fictions tournées dans la cité phocéenne ne sont pas empreintes de violences. La preuve avec sa série phare, Plus belle la vie, dans laquelle ce genre d'intrigues reste mineur.

Les fans de la première heure pourront citer Karim -joué par Rachid Hafassa-, le père d'Abdel (Marwan Berreni) et un ancien trafiquant qui deviendra un personnage emblématique de la série. Mais Plus belle la vie n'est pas connue pour ses fusillades, ses guerres des gangs mais plutôt pour raconter le quotidien des habitants du quartier du Mistral, abordant de nombreuses questions de société au passage.

Les films de Robert Guédiguian s'éloignent aussi drastiquement du genre policier. Marius et Jeanette, sorti en 1997, raconte les amours de deux Marseillais vivant au nord de l'Estaque. Son dernier, Et la fête continue!, revient sur le drame de la rue d'Aubagne et le parcours d'une infirmière qui se lance dans la course municipale. Un rôle inspiré par Michèle Rubirola, qui a porté la gauche à l'hôtel de ville en 2020.

Tout n'est pas que fusillades, stupéfiants et police dans la représentation faite de Marseille. La ville reste quand même loin de l'image idéalisée de la capitale, notamment avec la série Emily in Paris. L'Américaine jouée par Lily Collins serait-elle la bienvenue dans la cité phocéenne? À cette question, l'adjoint chargé de la culture à la mairie de Marseille sourit: "On est ouvert à tous les projets. Il n’y a pas de problème."

Marine Langlois