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Rhône: l'inquiétude grandit à Pierre-Bénite, où les taux de "polluants éternels" sont anormalement élevés

Sol, eau, air et même lait maternel: une contamination d'ampleur aux perfluorés a été détectée dans une commune du sud de Lyon, où débute la Vallée de la chimie.

"Polluants éternels": le terme a de quoi troubler et susciter l'anxiété. C'est à cette famille qu'appartiennent les substances perfluoroalkylées (PFAS), plus connues sous le nom de perfluorés, retrouvées en quantités bien supérieures la normale à Pierre-Benite.

Capucine vit dans cette commune plantée au bord du Rhône, juste au sud de Lyon. Une zone d'où s'élance la Vallée de la chimie, avec son contingent d'industries étirées sur une dizaine de kilomètres.

Avec son compagnon, la jeune femme élève sa fille, Sophia. Jusqu'à la découverte d'une enquête réalisée par Martin Boudot et l'équipe de l'émission Vert de Rage, dont une première mouture est diffusée ce jeudi soir sur France 2, elle la nourrissait de lait maternel. Depuis, elle hésite.

Car l'étude menée conjointement par les auteurs de l'enquête et un scientifique hollandais met en lumière des taux anormalement élevés de perfluorés dans l'eau, le sol, l'air et le lait maternel. Et fait le lien avec deux entreprises de Vallée de la chimie: la multinationale Arkema et Daikin.

Des résultats d'analyses alarmants

Avec treize autres habitantes de Pierre-Bénite, Capucine a décidé de soumettre son lait maternel à des analyses. Les résultats sont alarmants: on trouve dans les échantillons passés au crible jusqu'à trente fois plus de perfluorés que le seuil recommandé par l'Union européenne.

Pire encore pour la jeune femme au chignon: "je suis la quatrième qui a le plus haut taux sur les quatre PFAS qui sont dosés". Elle ajoute: "Ça paraît bizarre à dire mais je suis presque contente que les résultats soient si graves. S'il y avait eu des résultats à peu près moyens, je pense que ça ferait moins bouger les choses. C'est un mal pour un bien. Je préfère le voir comme ça, c'est ce qui me rassure un peu."

Désormais, le couple s'interroge: doivent-ils remettre à plus tard leur projet d'avoir un deuxième enfant?

"Ce stade, il faut le fermer"

À Pierre-Bénite, Capucine et son compagnon ne sont pas les seuls chez qui les révélations de Vert de Rage ont éveillé des doutes. Au stade du Brotillon plus qu'ailleurs, les questions sont légion.

Situé à quelques encablures des usines, cet écrin concentre des taux de perfluorés 86 fois supérieurs aux standards. "Ce stade, il faut le fermer. Il faut faire quelque chose très vite. Il y a un danger imminent", alerte le scientifique hollandais ayant analysé les prélèvements des journalistes.

En ce jour de mai, Stéphanie y a emmené son fils la boule au ventre. "Je l'ai envoyé quand même parce qu'il a pleuré pour aller à l'entraînement. Mais autrement, il ne serait pas venu. J'ai vraiment peur."

La mairie n'est pas en reste et envisage une fermeture du stade. Mais elle attend avant cela le feu vert de la préfecture du Rhône. Cette dernière, avertie à l'occasion d'une réunion publique en présence de Martin Boudot, a lancé "une surveillance approfondie des rejets de perfluorés", ces derniers n'étant actuellement pas réglementés. Les résultats n'ont pas encore été communiqués.

Une enquête ouverte par le ministère de l'Écologie

Invité de notre antenne mardi, Martin Boudot a estimé à plus de 200.000 le nombre de robinets potentiellement concernés par ces concentrations inquiétantes de polluants. Si le journaliste d'investigation rappelle que l'exposition prolongée aux perfluorés peut faire naître des cancers, des soucis rénaux ou hormonaux, il précise que dans ce cas précis les risques doivent encore être mesurés.

Les industries mises en cause dans ce qui s'apparente à un scandale sanitaire ne se sont pas encore exprimées publiquement. Arkema a simplement affirmé à Martin Boudot que les polluants détectés résultent d'"anciens procédés industriels" auxquels l'entreprise n'a plus recours. La multinationale prévoit de ne plus "du tout" utiliser de produits chimiques de ce genre "à l'horizon 2024.

Le ministère de l'Écologie a ouvert une enquête. D'autres devraient également être dilligentées dans les semaines à venir.

Victoria Garnier avec Florian Bouhot