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Titan: comment va se dérouler l'enquête sur l'implosion du sous-marin?

Les autorités s'attachent désormais à comprendre les causes de l'implosion, mais l'enquête est compliquée par la localisation de l'accident ou encore par le nombre de pays impliqués.

Place aux enquêtes. Une semaine après la disparition du submersible Titan alors qu'il se rendait sur le site de l'épave du Titanic, de multiples questions se posent autour des causes de l'implosion du véhicule, qui a tué les cinq personnes à bord. Quelle est l'origine du drame? Les matériaux utilisés sont-ils en cause? Comment éviter un tel accident dans le futur? Quelles poursuites judiciaires pourraient être engagées?

Pour répondre à ces interrogations, il n'y aura pas une seule et unique investigation. Car l'implosion du Titan s'est produite dans les eaux internationales, à bord d'un navire d'une société privée, et a causé la mort de personnes de différentes nationalités: anglaises, pakistanaises, françaises et américaines. Le propriétaire, OceanGate Expeditions, est en outre établi aux États-Unis mais le submersible était immatriculé aux Bahamas.

Collaboration internationale

Conséquence: plusieurs pays sont également impliqués dans l'enquête. Au Canada, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a commencé à enquêter de son côté "sur l'événement mortel mettant en cause le navire Polar Prince", le bateau canadien duquel était parti le petit submersible de tourisme, a annoncé sa présidente Kathy Fox. Il ne se prononce pas sur d’éventuelles responsabilités civiles ou pénales.

Une deuxième enquête préliminaire, distincte, a ainsi été ouverte par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour savoir si "des lois pénales, fédérales ou provinciales ont pu être enfreintes" et donc si une enquête criminelle est nécessaire ou non.

Les garde-côtes américains, très mobilisés durant la phase de sauvetage, mènent aussi une enquête, en lien avec l'Agence de la sécurité des transports américains (TSA).

"Mon objectif principal est d'empêcher un événement similaire en formulant les recommandations nécessaires pour améliorer la sécurité du secteur maritime dans le monde entier", a déclaré Jason Neubauer, enquêteur en chef des garde-côtes américain, ce dimanche lors d'une conférence de presse.

Les enquêteurs américains ont par ailleurs annoncé ce dimanche que le Bureau français d'enquête sur les accidents de mer (BEA mer) participera à ce travail d'investigation, en collaboration également avec la Marine accident investigation branch (MAIB) du Royaume-Uni.

Premiers interrogatoires

"Il n'y a pas de boîte noire, vous ne pourrez donc pas suivre les derniers mouvements du véhicule lui-même mais autrement, le processus d'enquête n'est pas différent de celui d'un accident d'avion", détaille auprès de la BBC Ryan Ramsey, ancien capitaine de sous-marin dans la Royal Navy britannique.

Ce samedi, les enquêteurs du BST canadien étaient ainsi déjà à bord du Polar Prince à Saint-Jean-de-Terre-Neuve, rapporte Radio Canada, pour commencer à interroger les 17 membres d’équipage et les 24 autres personnes à bord, dont des proches des victimes.

Une équipe du BST "examine le lieu de l'événement et de l'épave, interroge les témoins et recueille toutes les informations pertinentes", a détaillé Kathy Fox.

L'enquête vise à établir d’éventuels problèmes liés à la sécurité sur le bateau. Les enregistrements audio et d'autres systèmes du navire ont ainsi été saisis.

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Collecte et analyse des débris

Mais la priorité des enquêteurs est de récupérer les débris du véhicule au fond de l'océan. Un recueil initial de preuves est en cours, notamment de "débris sur le site de l'incident", a expliqué Jason Neubauer. Il s'agit là de cartographier le lieu de l'accident.

Jeudi dernier, des débris ont été localisés près de l'épave du Titanic. "Le champ de débris lui-même raconte une histoire. L'emplacement des pièces, la distance qui les sépare, la direction dans laquelle elles s'alignent...", explique à CBC News Tom Maddox, directeur général de la société Underwater Forensic Investigators, dont l'objectif est de recréer des scènes d'accident.

Le même véhicule télécommandé qui a trouvé les débris du submersible la semaine dernière, l'Odysseus 6K, continue ainsi ses recherches, fournissant également des séquences vidéo et des relevés de capteurs. Ensuite, un autre véhicule remontera les éventuels débris découverts, trop lourds pour le premier.

Les pièces remontées à la surface seront ensuite examinées par les enquêteurs. Chaque morceau sera analysé de près au microscope, en se concentrant sur la direction des filaments de fibre de carbone, à la recherche d'un indice qui pourrait indiquer l'endroit exact où la rupture s'est produite et pourquoi.

Une conception mise en cause

Selon les gardes-côtes, le Titan a implosé à cause de la pression durant la descente, ce qui aurait tué instantanément les cinq passagers. L'enquête devrait s'articuler autour du submersible lui-même et sur sa conception non-conventionnelle, notamment par la combinaison de fibre de carbone et de titane utilisée, pointée du doigts par plusieurs spécialistes.

En outre, la plupart de ce types de bateau doivent être certifiés, c'est-à-dire qu'un organisme externe doit les inspecter pour vérifier qu'ils respectent certaines normes or, ce n'était pas le cas du présent véhicule. L'entreprise a expliqué que c'était parce qu'il s'agissait d'un navire expérimental et tellement innovant que les méthodes d'évaluation actuelles ne convenaient pas.

"C'est peut-être une bonne chose s'il s'agit d'un bateau d'exploration qui repousse les limites de la recherche", a déclaré à la BBC le professeur David Andrews de l'University College de Londres. "Mais dès que l'on commence à gagner de l'argent en transportant des passagers, on commence à froncer les sourcils."

18 à 24 mois

La présidente du BST canadien a indiqué qu'une telle enquête pouvait habituellement durer entre 18 et 24 mois, ajoutant néanmoins tenter "d'aller plus vite, car nous savons que tout le monde veut des réponses, notamment les familles".

Des profondeurs sous-marines peu hospitalières, la pression, les conditions météorologiques et les forts courants sont autant de facteurs qui compliquent toutefois la tâche... Sans parler de la visibilité quasi-nulle au fond de l'océan. Ici, seule la technologie du sonar peut être utilisée pour la navigation du robot de recherche.

Le responsable de l'enquête des gardes-côtes, Jason Neubauer, a déclaré que la recherche des victimes restait à l'ordre du jour, malgré les maigres chances de retrouver les corps.

Salomé Robles