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Quatre questions pour comprendre où en est le Brexit

Theresa May devant sa résidence.

Theresa May devant sa résidence. - Oli SCARFF / AFP

Mercredi soir, Theresa May a pu se dérober au couperet, sortant vainqueur du vote de défiance organisé contre elle au sein de son Parti conservateur. Mais tout reste à faire concernant le Brexit.

Qu'est-ce qui est plus tenace et plus opaque que le brouillard britannique? La question du Brexit. Mi-novembre, Chris Mason, journaliste politique à la BBC, amusait son monde en révélant son impuissance devant les tractations en cours lors d'un duplex: "Je n'ai pas la moindre idée de ce vers quoi nous nous dirigeons. Je pense que vous feriez aussi bien de demander son analyse à Mr. Blobby (un personnage de dessin animé, NDLR). Quelque chose me dit qu'elle sera aussi bonne que la mienne". 

Depuis cet éclat d'honnêteté, la donne a un peu changé. La Première ministre britannique, Theresa May, a repoussé le vote qui devait avoir lieu mardi à la Chambre des Communes autour de son accord sur le Brexit avec les instances européennes. Et ce, mercredi soir, elle est sortie gagnante d'un vote de défiance au sein de sa propre formation, le Parti conservateur. Une occasion de faire le point et d’essayer de comprendre, en quatre questions, où en est le Brexit

> Où en est Theresa May? 

Les grands moments de l'Histoire attirent naturellement la lumière sur les grands personnages de la scène publique. Et c'est peu dire que la Première ministre britannique est dans la tourmente. Si elle l'est depuis qu'elle s'est installée au 10, Downing Street en juillet 2016, dans la foulée de la victoire du Brexit lors du référendum, ces derniers jours ont été particulièrement inconfortables. 

En début de semaine, elle a choisi de repousser in extremis le vote sur le texte résultant de ses négociations avec l'Union européenne dont l'examen devait prendre place à la Chambre des Communes mardi. La raison? Elle allait au devant d'une défaite catastrophique. Mais, à titre personnel, l'échéance la plus urgente de son agenda n'était de toute façon pas celle-ci. Le vote de défiance prévu mercredi soir, chez les Tories (et plus précisément au sein d'un comité constitué par les députés maison), c'est-à-dire "son" Parti conservateur, revêtait une tournure plus inquiétante encore. Perdre ce scrutin revenait à perdre le pouvoir. Elle a cependant emporté l'épreuve, par 200 voix contre 117. 

Un triomphe à même de la renforcer? A peine un sursis. Certes, sa victoire signifie que pendant un an, sa famille politique ne pourra rien essayer pour l'éjecter. Toutefois, comme l'ont noté les Tories partisans d'un "hard Brexit" (ou Brexit "dur"), le vote a surtout montré que plus du tiers des parlementaires de son parti désapprouvaient sa politique au point de vouloir la renverser. L'un d'entre eux, Jacob Rees-Mogg a lâché mercredi soir: "Selon toute normalité constitutionnelle, elle doit renoncer puisqu'elle ne peut plus faire passer son accord au Parlement". 

De surcroît, lors des débats autour du vote sur son éventuelle défiance, Theresa May a rivé de sa propre initiative un clou à son cercueil politique en cours de préparation. Selon le Guardian, elle a reconnu devant les députés de sa majorité qu'elle n'était pas faite du bois dont on fait les vainqueurs d'élections générales. Des propos qui ne pouvaient tomber dans les oreilles de sourds, dans la mesure où l'idée que Theresa May ne pourra en aucun cas demeurer la cheffe de file des conservateurs lors de ce prochain rendez-vous électoral national, normalement en 2022, fait son chemin. 

> Qu'est-ce qui bloque? 

En cette fin de semaine, Theresa May a donc pu rallier Bruxelles et le Conseil européen, où elle doit s'entretenir avec chefs d'Etats et de gouvernements. Son objectif est clair: obtenir de nouvelles garanties de la part de ses partenaires afin d'améliorer un accord initial dont peu de gens (si ce n'est personne) ne veut vraiment chez elle. 

Parmi les nombreuses pommes de discorde qui pendent dans le jardin anglais ces temps-ci, comme les modalités de la rupture avec l'Union européenne jugées trop molles par les tenants d'une ligne intransigeante, un thème revient sans cesse. Il s'agit du "filet de sécurité" devant enserrer l'Irlande du Nord, dont les unionistes et de nombreux membres de la droite britannique ne veulent pas entendre parler. 

Le "filet de sécurité" ou backstop dans le lexique des politiques locaux, désigne en effet le statut spécial qui serait dédié en cas de Brexit à l'Ulster, voisine de la République de l'Irlande qui, pour sa part, reste européenne, et viserait à la maintenir dans le Marché unique. Pour les députés nord-irlandais du DUP (Parti démocratique unioniste), qui ne sont que dix aux Communes mais apparaissent comme des alliés cruciaux des conservateurs, c'est inacceptable. Ils estiment qu'avec un tel dispositif, leur territoire serait davantage lié à l'Union européenne, et donc de l'Irlande, qu'au Royaume-Uni. A terme, ils craignent que le procédé se révèle un premier pas vers une réunion avec l'Eire. 

En face, on n'est pas plus coulant. L'Union européenne a montré son hostilité devant la perspective de retravailler et biffer ce document de 585 pages. 

> Quand le Parlement va-t-il examiner l'accord? 

Reporter le vote de l'accord à la Chambre des Communes, c'est une chose, trouver une nouvelle date en est une autre. Le gouvernement a promis qu'il aurait lieu d'ici au 21 janvier. Et il semble désormais très probable qu'il ne se tienne pas avant le mois de janvier. Les députés n'ont plus qu'une semaine devant eux avant les vacances de Noël, qui commencent vendredi prochain. Or, dans l'agenda consulté ici par le Guardian, rien ne relève de discussion autour du Brexit la semaine prochaine, sauf la déclaration de Theresa May lundi qui résumera sa visite au Conseil européen. 

Et chaque jour vaut cher à présent, car la date butoir est fixée au 29 mars. D'après les termes du Traité de Lisbonne, un pays ayant activé l'article 50 portant sur le retrait des institutions continentales a deux ans pour conclure ses négociations avant qu'il ne soit mis fin automatiquement au partenariat. Le 29 mars, accord ou pas accord, le Royaume-Uni coupera donc les ponts avec Bruxelles, à moins que les Britanniques obtiennent une rallonge pour négocier. Mais, en principe, la durée n'est extensible qu'en cas d'élections... ou de nouveau référendum. 

> Un nouveau référendum est-il possible? 

Car il faut bien poser la question: l'affaire étant si embrouillée, se pourrait-il que les Britanniques soient appelés à se prononcer à nouveau sur l'appartenance de leurs contrées à l'Union européenne? L'hypothèse soulève deux épineux problèmes. Tout d'abord, revenir sur un débat touchant si profondément à la notion que les citoyens se font de leur souveraineté deux ans après que ceux-ci l'ont tranchée, et sans que la classe politique soit parvenue à appliquer leur décision, aurait des airs de déclarations de guerre à l'égard des tenants du Brexit et de transgression des voies démocratiques. Le second souci tient à la faisabilité même de cette consultation. The Independent note que l'organisation d'un nouveau référendum ne pourrait être autorisée que par la Chambre des Communes. 

Or, aucune majorité en ce sens ne se dégage. Les conservateurs, pour l'essentiel, souhaitent le Brexit, leurs alliés nord-irlandais aussi et les travaillistes sont divisés. Leur leader, Jeremy Corbyn y est tiède voire opposé et les plus chauds supporteurs d'un second référendum dans son camp proviennent des rangs de ses principaux adversaires intérieurs. Et puis, comme le souligne le site du quotidien: "Même si la proposition d'un nouveau référendum venait à passer, le Brexit aurait toutes les chances bien sûr de l'emporter à nouveau". 

Robin Verner