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Océanie

Décolonisation de la Polynésie française: tempête dans un verre d'eau

Le siège de l'ONU, à Manhattan, New york

Le siège de l'ONU, à Manhattan, New york - -

La France devra-t-elle quitter la Polynésie française après la résolution, adoptée le 17 mai à l'ONU, qui reconnaît le droit à l'archipel à "l'autodétermination"? Eléments de réponse avec Harold Hyman.

L'accession à l'indépendance des peuples colonisés reste un sujet vendeur à l'Assemblée générale de l'ONU. Celle-ci a voté ce 17 mai 2013 passé une résolution reconnaissant le droit à la Polynésie française à l'autodétermination. Intitulée "application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Droit de la Polynésie française à l’autodétermination", cette résolution "prie le Gouvernement français, agissant en sa qualité de Puissante administrante, d’intensifier son dialogue avec la Polynésie française afin de faciliter et d'accélérer la mise en place d’un processus équitable et effectif d’autodétermination...".

Sur son site, l'ONU est encore plus directe. "L'Assemblée générale place la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser", écrit-elle.

La France dénonce une "ingérence"

Dès lors, Tahiti est indépendante? Non, pas si vite. Car la réponse du Quai d'Orsay ne s'est pas fait attendre. Dès le 17 mai, jour de l'adoption de la résolution (et audience à laquelle la France ne s'était pas déplacée), Paris a opté pour une réponse des plus cinglantes.

"Cette résolution est une ingérence flagrante, une absence complète de respect pour les choix démocratiques des Polynésiens, un détournement des objectifs que les Nations unies se sont fixés en matière de décolonisation", a fait valoir la France.

À y regarder de près, c'est le "processus d'autodétermination" qui fâche Paris, puisque cela fait penser au monde extérieur que la Polynésie est une colonie qui ne dit pas son nom.

Pourtant, le "processus" que demande la résolution n'est pas si terrible que cela. Paris ne surjouerait-elle pas un peu sa douleur? Sans doute et pour deux raisons:

- parce que l'Assemblée générale ne peut voter des résolutions contraignantes, à la différence du Conseil de Sécurité;

- parce que ce qu'il existe déjà une demande de l'Assemblée générale pour la Nouvelle-Calédonie, et que l'on ne s'en offusque guère à l'Élysée ou au Quai d'Orsay.

Les coulisses d'un vote polémique

En effet, l'Assemblée générale a voté une résolution en décembre 2012, sur la "Question de la Nouvelle-Calédonie" posé au comité de "décolonisation". Résolution qui n'exige même pas l'indépendance comme ultime étape! Et les les satisfecits s'accumulent sur l'attitude de la France, sur la bonne application de l'Accord de Nouméa de 1998 signé entre les Caldoches, les partis kanak indépendantistes, et Lionel Jospin.

Alors pourquoi la question de l'autodétermination a-t-elle refait surface ce mois-ci? C'est le gouvernement éconduit d'Oscar Temaru, indépendantiste, qui a obtenu que la question soit mis au vote avant de quitter le pouvoir. Mais à peine réélu président de la Polynésie française, Gaston Flosse a demandé instamment à l'Assemblée générale de l'ONU d'annuler le vote de la résolution polémique. Une requête qui ne devait, a priori, pas poser de problème au président de cette assemblée... Sauf que le parrain de cette résolution, l'ambassadeur des Îles Salomon, a refusé de la retirer, sans même consulter sa capitale, et préféré la maintenir. Résultat: la résolution a pu être légalement mise à l'ordre du jour et adoptée par une faible majorité.

Tuvalu, Nauru, Îles Salomon, voilà les trois qui ont poussé cette résolution au vote. Et à Paris, certains milieux diplomatiques se demandent si l'ambassadeur salomonien n'a pas simplement dépassé son propre gouvernement. Un syndrome d'euphorie diplomatique qui affecte parfois les délégations à New York.

Harold Hyman et journaliste spécialiste de géopolitique