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Séismes en Turquie et en Syrie: de nombreux habitants encore à la rue, un an après la catastrophe

Des enfants dans les rues, près d'un camp de fortune et d'immeubles détruits, près d'un an après les séismes qui ont fait plus de 60.000 morts en Turquie et en Syrie, à Jandairis, en Syrie, le 3 février 2024

Des enfants dans les rues, près d'un camp de fortune et d'immeubles détruits, près d'un an après les séismes qui ont fait plus de 60.000 morts en Turquie et en Syrie, à Jandairis, en Syrie, le 3 février 2024 - Aaref WATAD

Plus de 60.000 personnes sont mortes lors des séismes survenus en Turquie et en Syrie le 6 février 2023. Un an après, nombre d'habitants ne sont toujours pas relogés et demandent que des acteurs immobiliers soient traduits en justice.

Un drame dont les cicatrices restent encore bien visibles. Un an après le séisme du 6 février 2023, qui a fait plus de 60.000 morts en Turquie et en Syrie, près de 700.000 sinistrés turcs vivent toujours dans des villes-conteneurs déployées pour accueillir les déplacés après la catastrophe. Pour entretenir leur mémoire, la Turquie organise depuis dimanche 4 février et jusqu'à mardi une série de commémorations.

Plus de 2 millions de bâtiments endommagés en Turquie

Selon le dernier bilan daté de vendredi 2 février, 53.537 personnes ont perdu la vie dans la catastrophe en Turquie et au moins 6.000 en Syrie. Des chiffres très élevés qui classent le tremblement de terre parmi les 10 plus meurtriers de ces cent dernières années.

La Turquie estime par ailleurs que 38.901 bâtiments ont été immédiatement détruits par les secousses et que plus largement, plus de 2,3 millions de bâtiments ont été endommagés.

En Syrie, le bilan est plus incertain. La ville de Jandairis, sous contrôle des factions syriennes pro-turques concurrentes, a notamment subi un lourd tribut. Des centaines de familles sinistrées vivent toujours dans des tentes de fortune, seuls les plus chanceux ayant pu être relogés dans des camps de déplacés en dur.

Une femme marche devant les décombres d'habitations, un an après les séismes en Turquie et en Syrie, le 12 janvier 2024 à Antakya, en Turquie
Une femme marche devant les décombres d'habitations, un an après les séismes en Turquie et en Syrie, le 12 janvier 2024 à Antakya, en Turquie © Ozan KOSE

"Le temps s'est arrêté"

Un an après les faits, la douleur de nombreux habitants reste encore vive. "Un an a passé. Mais le temps s'est arrêté pour nous", confie Mesut Hancer, dont la fille Irmak, 15 ans, est morte dans le séisme.

"J'ai aussi perdu ma mère, mon frère, ma belle-sœur et mes nièces dans le séisme. Mais perdre son enfant n'a rien de comparable", jure-t-il.

"Pas un instant ne passe sans que nous ne pensions à elle", ajoute en pleurs la mère, Gülseren Hancer.

Des bâtiments pas toujours aux normes

Outre la douleur de perdre des proches, certains habitants pointent du doigt des promoteurs et entrepreneurs immobiliers dont ils estiment qu'ils ont une responsabilité dans l'étendue des dégâts causés par les séismes.

Nebahat Pacala, qui a perdu son mari, sa fille et sa petite-fille, assure avoir répété aux entrepreneurs qu'ils construisaient sur un sol instable et violaient les normes de construction.

Des nombreuses tentes hébergent encore des déplacés près d'un an après le séisme survenu en Turquie et en Syrie, à Jindayris, en Syrie, le 1er février 2024
Des nombreuses tentes hébergent encore des déplacés près d'un an après le séisme survenu en Turquie et en Syrie, à Jindayris, en Syrie, le 1er février 2024 © Aaref WATAD
"Ils ont construit une salle de prière en sous-sol et ont coupé des colonnes" porteuses, assure la sexagénaire.

Les murs de son appartement gonflaient également à cause d'infiltrations d'eau, "mais les entrepreneurs ont menacé mon fils lorsque nous les avons alertés", affirme-t-elle.

La volonté d'obtenir justice

"Je ne me tairai pas tant que justice ne sera pas faite", assure de son côté Zahide Seker, une habitante, auprès de l'AFP.

La quadragénaire a perdu presque toute sa famille après l'effondrement de son immeuble à Kahramanmaras, dans le sud-est de la Turquie, et craint que certains acteurs immobiliers échappent à la justice.

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17:20

Les associations de victimes dénoncent notamment le fait que les procès ne visent que les promoteurs, épargnant les responsables politiques et fonctionnaires chargés des permis de construire. Peu après le drame, les autorités avaient aussi été sévèrement critiquées par la population pour leur manque de réactivité et la lenteur des secours.

Des preuves perdues?

Si des familles de victimes ne veulent pas en rester là, leurs avocats redoutent cependant qu'avec la disparition de certaines preuves sous les traces des bulldozers, justice ne puisse être rendue.

"Pendant que tout le monde était concentré sur ses proches décédés, les preuves ont été retirées et les décombres dégagés", affirme Ömer Gödeoglu, l'un de ces avocats.

En 2019, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'était félicité d'une loi d'amnistie controversée adoptée l'année précédente, qui a régularisé près de six millions de logements construits illégalement à travers le pays.

Cette loi a offert un toit à 145.000 personnes à Kahramanmaras. Mais au lendemain du séisme, ses détracteurs l'ont accusée d'être l'une des raisons du lourd tribut payé par la population.

Juliette Desmonceaux avec AFP