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Syrie

"L'odeur de la faim fait peur": le témoignage bouleversant d'un photographe syrien à Alep

Une photo prise par le photographe Karam Al-Masri à Alep, après un bombardement le 24 septembre 2016

Une photo prise par le photographe Karam Al-Masri à Alep, après un bombardement le 24 septembre 2016 - AFP

Kidnappé, emprisonné, torturé: en cinq ans de guerre, Karam Al-Masri a connu toutes les horreurs. Ce jeune photographe syrien âgé de 25 ans témoigne de son quotidien, dans l'enfer d'Alep, assiégée et bombardée.

"Alep brûle, je n'ai plus ni porte, ni fenêtre, les immeubles brûlent tout autour de moi." Karam Al-Masri, un jeune Syrien de 25 ans, est photographe et travaille pour l'AFP. Sur le blog de l'agence de presse, Making-of, il livre un témoignage bouleversant de son quotidien à Alep, la seconde ville du pays, assiégée depuis plusieurs mois et bombardée par le régime avec le soutien de la Russie.

"Mon existence depuis le début des bombardements d'Alep se résume à essayer de rester en vie. C'est comme si j'étais dans une jungle dans laquelle je tente de survivre jusqu'au lendemain. Fuir les bombardements, les barils. Quand les avions approchent, j'essaie de me réfugier dans un autre immeuble, quand il y a des tirs d'artillerie, je descends vers les étages inférieurs. C'est une fuite constante."

"Je pensais: demain ça sera mon tour"

Le jeune homme a connu toutes les horreurs de la guerre. Karam Al-Masri a été emprisonné et torturé à deux reprises: par le régime syrien et par Daesh. Lorsque la guerre éclate en 2011, Karam Al-Masri est arrêté par le service des renseignements politiques et passe un mois derrière les barreaux dont une semaine en isolement total dans une cellule d'un mètre carré. Deux ans plus tard, il est kidnappé par Daesh avec deux de ses amis, un ambulancier et un photographe.

"Nous avons été conduits tous les trois dans un endroit inconnu. C'était pire que dans les prisons du régime. C'était très, très dur. (...). Je pensais: demain ça sera mon tour, après demain ça sera mon tour."

"J'ai tout perdu"

Après plus de cinq mois de captivité, il est relâché avec son collègue photographe. L'ambulancier n'a pas eu leur chance: il a été décapité après cinquante-cinq jours de détention. "Ils ont filmé la vidéo et nous l'ont montrée." Durant cette captivité, Karam Al-Masri a perdu sa famille. Ses parents sont morts quand leur immeuble s'est effondré après qu'un baril d'explosifs a été largué. Il ne l'apprend qu'à sa sortie de prison. "J'ai tout perdu."

Aujourd'hui, le jeune homme vit avec la peur et la faim. "Il y a des jours où je mange un repas et d'autres, rien du tout." Depuis le début du siège, il a perdu près de 10 kg. Sur son profil WhatsApp, application grâce à laquelle il communique avec l'étranger, il écrit: "L'odeur de la faim fait peur." Les quelque 250.000 habitants des quartiers rebelles de la ville ne reçoivent plus d'aide de l'extérieur depuis deux mois et sont privés d'eau à cause des bombardements. Son quotidien est marqué par l'horreur. 

"Les massacres et les bombardements, c'est devenu habituel, tout comme les images des enfants sous les décombres, des blessés, les corps déchiquetés. Je suis blasé, ce n'est plus comme avant. Lors du premier massacre, quand j'ai vu un homme à la jambe arrachée, je me suis senti mal et me suis évanoui (...). Maintenant c'est une scène habituelle pour moi."

Ci-dessous, l'un de ses reportages pour l'AFP.

Le régime accusé de barbarie

L'armée syrienne a pris ce mardi le contrôle d'un quartier rebelle situé près de la citadelle dans le centre d'Alep, a affirmé une source militaire. Le quartier de Farafira avait été pris par les rebelles en 2012, lorsque ces derniers avaient conquis la moitié de l'ancienne capitale économique.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, les bombardements ont tué plus de 150 personnes, essentiellement des civils, depuis le début, la semaine dernière, de l'offensive du régime, accusé de barbarie à l'ONU. La trêve, entrée en vigueur le 12 septembre, n'a duré qu'une semaine.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV