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Moyen-Orient

Édito - Egypte, Tunisie: les islamistes n'ont pas droit à la démocratie

Des manifestations étaient attendues ce vendredi dans les rues du Caire.

Des manifestations étaient attendues ce vendredi dans les rues du Caire. - -

Les Frères musulmans, au pouvoir à la fois en Égypte et, sous le nom d'Ennahda, en Tunisie, forment un groupe tenace et organisé. Ils ont gagné des élections, et veulent façonner une Constitution avec aussi peu d'apport laïc que possible.

Non sans ruse, les Frères tentent donc d'utiliser leur majorité législative pour imposer leur vision confessionnelle et anti-occidentale de la Constitution. Ils usent de tous les artifices pour voter leur texte, bourré de phrases ambigües qu'ils sauront un jour interpréter, sur la "sacralité de l'Islam", ou le rôle de l'État pour protéger les religions (10 % des Égyptiens sont chrétiens).

Les anti-islamistes - appelons-les laïcs - ont peur que les Frères se confectionnent une Constitution, puis obtiennent ensuite une nouvelle victoire électorale qui leur permettra de verrouiller le nouveau système à tout jamais. Le principe des Frères: "arriver au pouvoir par tout moyen, et ne jamais le lâcher." Cela fait peur, et fait hurler une moitié dans chacun des pays.

Les islamistes, eux, craignent de perdre les prochaines élections pour cause d'incurie - après tout il faut administrer ces deux pays en crise et dénués de touristes alors que les élus finassent sur la Constitution. Les islamistes ne savent pas bien gouverner, tout le monde l'a compris. Ils craignent donc de retourner aux urnes, et de perdre leur Constitution! Donc ils temporisent.

La crise est inévitable

En Égypte, l'armée a estimé que l'heure était venue de débloquer la situation, et tant pis pour les formes démocratiques: destitution du gouvernement des Frères. L'ennui, c'est que le monde extérieur n'est pas friand de coups.

En Tunisie, le gouvernement islamiste reste pour l'instant aux commandes. Il ne cesse de reporter la rédaction de la Constitution. Et l'armée tunisienne est infiniment plus en retrait qu'en Égypte - pas de coup à prévoir.

Les rues de Tunis et du Caire ne se ressemblent pas ce soir:

À peine quelques milliers de manifestants tunisiens sont dans les rues de Tunis pour protester le meurtre de l'homme politique de gauche Mohamed Brahmi le 25 juillet. C'est le deuxième personnage politique de la gauche sociale, après Chokri Bélaïd le 6 février, a trouvé la mort aux mains d'un islamiste radical.

Il y aura probablement davantage de manifestants dans les prochains jours. Un suspect salafiste aurait commis les deux crimes, selon la police tunisienne. Le désarroi en Tunisie est profond: les partisans d'Ennahda sont contents d'avoir à arrêter un meurtrier plus islamiste qu'eux, cela les rend légalistes et anti-Al-Qaïda. 

Les opposants d'Ennadha hésitent entre une réaction légaliste et un coup d'État, et prennent le meurtrier pour un instrument d'Ennahda.

Au Caire, tout est plus intense. L'armée agit à visage découvert, le gouvernement technocrate intérimaire est inaudible. Les pro-armée et les pro-Frères campent sur leurs places respectives, s'affrontent dans la rue à l'occasion. Mais l'armée veille, et ne saurait reculer.

Les laïcs et les islamistes sont incapables de s'entendre:

La Révolution en Tunisie et en Égypte a renversé des régimes autoritaires laïcisants et assis sur les forces de sécurité (armée en Égypte, police en Tunisie). Maintenant, pour la première fois, les laïcs progressistes et les islamistes sont face à face. Chacun sait que l'autre veut le corseter à tout jamais. Voilà bien le problème que les dictateurs avaient résolus, en s'imposant à tous par la force.

C'était efficace, ça a marché pendant des décennies, mais ça ne pouvait pas durer. L'histoire est en train de s'écrire, de manière inédite, et en direct, dans les rues du Caire et de Tunis. L'Occident ne sait pas sur qui miser: les laïcs adeptes du coup d'État, ou les islamistes faux démocrates.

Harold Hyman & journaliste spécialiste de géopolitique