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Luka Rocco Magnotta, un homme à "la soif incommensurable de gloire"

Luka Rocco Magnotta, le jour de son extradition, le 18 juin 2012.

Luka Rocco Magnotta, le jour de son extradition, le 18 juin 2012. - SPVM - AFP ; Montage BFMTV.com

INTERVIEW - Stéphane Bourgoin, spécialiste des serial-killers, analyse la personnalité et la vie de celui que l'on surnomme le "dépeceur de Montréal".

Luka Rocco Magnotta, soupçonné d'être "le dépeceur de Montréal", comparaît à partir de ce lundi devant la justice canadienne pour une série d'actes atroces, perpétrés en mai 2012. Stéphane Bourgoin, spécialiste français des tueurs en série, revient pour BFMTV.com sur le profil et la vie de cet homme, qui a toujours cherché à devenir célèbre, quel qu'en soit le prix.

Quelle a été son enfance?

"L’enfance d’Eric Newman Clinton, son véritable nom, se déroule dans une petite ville de l’Ontario, au Canada. Sa famille est dysfonctionnelle à tous les étages: le père, presque toujours absent, finit par partir, l’alcoolisme est latent dans la maison, et les enfants sont quasiment tous laissés à l’abandon. Luka Rocco Magnotta va être principalement élevé par sa grand-mère, décrite comme une figure castratrice. Il devient un enfant très introverti, martyrisé par ses camarades à l’école, puis un adolescent mythomane, assez efféminé".

Le web a permis d’exhumer sa jeunesse interlope...

"Lorsqu’il a une vingtaine d’années, il devient escort-boy, se prostitue, et essaye de percer dans le milieu du X gay. Sur plusieurs blogs dédiés à sa gloire, que lui-même alimente sous différentes identités, il prétend que Luka Rocco Magnotta est une grande vedette dans le porno… ce qui est totalement faux: il n’a fait que de brèves apparitions dans huit films. Par la suite, il va tenter de percer dans la télé-réalité dans deux émissions canadiennes, mais ne franchira pas l’étape des sélections. En parallèle, il va se créer différents personnages, dont certains vont commettre de menus larcins, comme des petites escroqueries. Au total, on lui connaît quelque 126 identités".

Si sa culpabilité est prouvée, qu’est-ce qui l’a poussé à tuer selon vous?

"Il a une soif incommensurable de gloire, or tout ce qu’il entreprend échoue lamentablement: l’escorting, le porno gay, la télé-réalité... Le fait de commettre ce meurtre et de poster la vidéo sur Internet est pour lui une manière de devenir célèbre. C’est le premier tueur dans l’histoire des crimes qui veut réellement devenir connu au travers de ses crimes. Mais il aussi toujours été fasciné par la mort et la violence. Il avait à un moment créé un blog où il évoquait ses fantasmes nécrophiles, et il avait posté différentes vidéos où il torturait des animaux".

Est-ce la première fois qu’un meurtrier poste la vidéo de son acte sur Internet?

"Non, d’autres avant lui l’avaient déjà fait. En 2003, l’Allemand que l’on a surnommé 'Le cannibale de Rotenburg' avait posté la vidéo du dépeçage de sa victime. Il y a aussi eu ces deux jeunes adolescents qui avaient posté la vidéo d’un de leurs 21 meurtres de sans-abri, sur le même site d’images extrêmes que celui choisi par Luka Magnotta en 2012".

Comment pensez-vous qu’il va réagir face à la justice?

"Dans la vidéo, on ne le voit pas tuer sa victime. Sa défense va donc être de plaider non coupable. Il reconnaît avoir fait cette vidéo, il accepte de pouvoir être condamné pour profanation de cadavre, mais il réfute catégoriquement le meurtre et affirme que quelqu'un d'autre a tué. Cependant, ce procès tant médiatisé représente pour lui un aboutissement, la lumière qu’il a tant attendu. Mais d’après les récits de témoins qui l’ont aperçu récemment, il s’est métamorphosé physiquement en prenant une trentaine de kilos, et est zombifié par les médicaments. Cela risque de peser sur son attitude durant les audiences".

Alexandra Gonzalez avec Matthias Tesson