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L'étroite marge de manoeuvre de Trump face à Poutine

Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés pour la première fois ce vendredi durant le G20 à Hambourg. Cette entrevue entre les deux principaux leaders mondiaux, sur fond de soupçons d'ingérence russe dans la dernière élection américaine, était aussi attendue que délicate pour le chef d'Etat américain.

"Alchimie positive" et "échanges vigoureux": voilà pour la conclusion officielle. Mais si la première rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump, ce vendredi à Hambourg en marge du sommet du G20, a été aussi scrutée, c'est qu'elle charriait deux enjeux principaux. Les pilotes aux commandes des deux géants mondiaux ont évoqué les dossiers géopolitiques les plus sensibles du moment (de la situation syrienne au dernier essai balistique de la Corée du nord en passant par le rattachement de la Crimée à la Russie).

En outre, l'attitude ambivalente de Donald Trump vis-à-vis de Vladimir Poutine, soupçonné d'avoir cherché à peser sur l'élection présidentielle américaine au profit de l'actuel chef d'Etat américain tandis que l'équipe de campagne du milliardaire new-yorkais est accusée d'avoir entretenu des connexions avec le Kremlins et des dirigeants russes, fournissait un sous-texte particulier à cette entrevue. Un sujet longuement évoqué par les deux hommes, selon les mots du chef de la diplomatie US, Rex Tillerson. 

Trump ne sait pas sur quel pied danser

Et visiblement, Donald Trump ne sait pas sur quel pied danser sur ces deux fils rouges. Ulysse Gosset, éditorialiste sur les questions internationales à BFMTV, a tout d'abord relevé les variations du président américain au plan international vis-à-vis de son homologue russe avec lequel il a pourtant annoncé sa volonté de fonder des relations de bonne intelligence:

"On a vu un Trump changeant au cours des derniers mois. Dans cette phase actuelle, c’est le durcissement qui l’emporte. Il a accusé la Russie d’être un perturbateur en Europe. Là, on pense à l’Ukraine. En même temps, Vladimir Poutine n’a fait aucun geste susceptible d’apaiser la tension par rapport à l’Ukraine. C’est pourquoi, de nouvelles sanctions ont été à nouveau votées par les Américains."

Le dossier syrien propose une gageure au moins aussi importante à l'heure où les deux leaders ont cherché à mettre sur pied un nouveau plan de cessez-le-feu entre les différentes parties: "La Syrie est un autre dossier compliqué. On avait le sentiment que les deux pays pouvaient travailler ensemble pour lutter contre le terrorisme. Mais là aussi, une tension a mûri quand Trump a dit que si le régime de Bachar al-Assad renouvelait les attaques chimiques contre ses opposants il pourrait intervenir et frapper. Les Russes ont réagi en disant que c’était inacceptable", a développé Ulysse Gosset. 

A l'issue de leur entretien à Hambourg, un cessez-le-feu dans le sud de la Syrie - signé en Jordanie - a été officialisé.

Le risque d'un isolement

Et ces équations internationales se compliquent encore pour le président des Etats-Unis. Ce rendez-vous avec Vladimir Poutine a masqué un péril auquel est confrontée l'Amérique de Donald Trump: le risque de solitude. François Durpaire, consultant de BFMTV pour la politique américaine, a ainsi analysé: "Pour Donald Trump, l’objectif de ce G20 va au-delà de ce dossier syrien, c’est de ne pas apparaître comme une Amérique seule, de ne pas figurer dans un G19 contre un! Le risque est là. On voit une stratégie de contournement se mettre en place. On voit le monde continuer à avancer, notamment sur le climat, sans les Etats-Unis."

Ces difficultés diplomatiques entrent directement en écho avec la scène intérieure à laquelle Donald Trump doit rendre des comptes: "La marge de manœuvre de Donald Trump est très étroite. Il doit satisfaire l’électorat qui a voté pour lui, continuer à être protectionniste et isolationniste et éviter que cette stratégie de contournement fasse qu’un monde sans les Etats-Unis se mette en place", a poursuivi François Durpaire.

Une rencontre internationale marquée par la politique américaine

C'est également pour une raison mi-géopolitique, mi-intérieure que la poignée de main, la photo, les premières discussions de vive-voix ont été l'objet de toutes les attentions des journalistes américains transportés sur place. "Il y a aussi les sujets qui ne sont pas à l’agenda officiel", rappelle Thierry Arnaud, chef du service politique de BFMTV et qui se trouve en Allemagne.

François Durpaire a aussi noté le mutisme du maître de la Maison blanche avant l'entretien. "On peut remarquer que Donald Trump a été très sibyllin, et très prudent. C’est quand même assez rare de sa part. Il en a dit le moins possible parce qu’il sait qu’il est un peu piégé. Il sait que tout geste allant vers Vladimir Poutine peut-être interprété. Il faut voir le contexte américain comme un retour d’ascenseur, avec beaucoup d’Américains qui estiment que l’élection a été faite par la Russie. Il est là dans une situation très embarrassée."

Selon Ulysse Gosset, les intérêts convergents des deux hommes pourraient offrir la clé permettant de s'extraire de la nasse de ces problèmes: "Ce sont deux dirigeants autoritaires qui ont intérêt à faire du business ensemble." Il reste encore au président américain de gagner la bataille de l'opinion.

Robin Verner