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Guerre en Ukraine: en quoi le naufrage du croiseur Moskva constitue un revers majeur pour la Russie

Ce porteur de missiles, fleuron de la flotte russe depuis près de 40 ans, servait notamment à éviter un déploiement de l'armée ukrainienne. Il a coulé jeudi après avoir été touché par un missile ukrainien, selon Kiev.

Négligence ou coup de force de l'armée ukrainienne? Le croiseur Moskva, navire amiral de la flotte russe en mer Noire a coulé jeudi après avoir été gravement endommagé. Si Kiev revendique l'attaque, Moscou préfère s'en tenir à un incendie accidentel.

"Lors du remorquage du croiseur Moskva vers le port de destination, le navire a perdu sa stabilité en raison de dommages à la coque subis lors de l'incendie à la suite de la détonation de munitions. Dans des conditions de mer agitée, le navire a coulé", a déclaré jeudi soir le ministère russe de la Défense.

Une dernière conclusion qui dénote avec le précédent constat qui indiquait que l'incendie à bord était "circonscrit", et que le croiseur "gardait sa flottabilité".

Une perte hautement symbolique

Quelles que soient les circonstances du naufrage, il s'agit pour la Russie de Vladimir Poutine de l'un de ses plus gros revers et d'une humiliation majeure.

Mis en service en 1983 d'abord sous le nom de Slava, le Moskva est le plus important porteur de missiles russe en mer Noire. Équipé de seize lanceurs de missiles antinavire ainsi que d'une variété d'armes anti-sous-marins et anti-aériennes, il avait été affecté en 2015 en Méditerranée pour protéger la base aérienne russe de Hmeimim, en Syrie. C'est notamment de là d'où partaient les avions russes pour bombarder la ville d'Alep.

C'est la première fois depuis la guerre des Malouines (avril-juin 1982) entre le Royaume-Uni et l'Argentine qu'un navire de guerre est coulé, rapporte Le Monde. C'est pourquoi la chute du Moskva est largement commentée.

La perte de ce navire de commandement est "un coup dur" porté à la flotte russe dans la région, a déclaré jeudi le porte-parole du Pentagone John Kirby, avec "des conséquences sur leurs capacités" de combat, le navire étant un "élément-clé de leurs efforts pour établir une domination navale en mer Noire". 

Le Moskva "assurait la couverture aérienne des autres vaisseaux pendant leurs opérations, notamment le bombardement de la côte et les manoeuvres de débarquement", a détaillé de son côté le porte-parole de l'administration militaire régionale d'Odessa Sergueï Bratchouk, sur Telegram.

Quant au président ukrainien Volodymyr Zelensky, celui-ci a enfoncé le clou dans un message vidéo faisant référence aux Ukrainiens comme "ceux qui ont montré que les navires russes ne peuvent qu'aller au fond".

Un tournant dans la guerre

Avec la perte du Moskva, la Russie se retrouve donc amputée d'une arme majeure dans son offensive contre l'Ukraine débutée il y a maintenant 51 jours. Invité de France Info ce vendredi matin, le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU à New York, analysait:

"C'est un coup remarquable de la part de l'Ukraine qui va désorganiser la flotte russe au large d'Odessa. Cette ville ne peut pas être prise pas la terre."

Pour le général à la retraite, il n'y a pas de raison de penser que les Ukrainiens ne sont pas derrière ce coup dur porté à l'armée russe. "Il faut arrêter de penser que les Ukrainiens ne peuvent pas escalader dans les attaques alors que les Russes n’arrêtent pas de le faire", affirme-t-il.

Surtout, la chute du Moskva marque un tournant dans la guerre. Ce qui devait être éclair vire à l'enlisement. Sur BFMTV jeudi, Ulysse Gosset, notre éditorialiste spécialisé sur les relations internationales, rappelait:

"L'offensive russe devait durer une semaine. Finalement c'est un échec sur plusieurs plans. Poutine a réussi à réunifier les Ukrainiens, la résistance face à la prise de Kiev s'est accentuée, et la communication de Zelensky fait qu'il est devenu le symbole de la résistance de toute une nation."

Il est notamment reproché à Poutine d'avoir sous-estimé la volonté de combattre des Ukrainiens. Pour le général Trinquand, "depuis 2014 l'Ukraine s'est unie et cette invasion ne fait que renforcer cette union".

Enfin, ce revers est d'autant important pour la Russie que Poutine souhaite terminer son offensive avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.

Mathieu Ait Lachkar