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Évacuation de Marioupol, tensions diplomatiques: où en est-on au 36e jour de l'invasion russe en Ukraine?

La ville de Marioupol détruite par les bombardements russes

La ville de Marioupol détruite par les bombardements russes - AFP

Alors que l'évacuation de la ville portuaire assiégée de Marioupol devait se mettre en place ce jeudi, l'Occident doute des promesses de Moscou, et les tensions diplomatiques sont montées d'un cran.

Au 36e jour de la guerre en Ukraine, Moscou avait promis un cessez-le-feu à Marioupol, afin de mettre en place des couloirs humanitaires dans la ville assiégée. L'évacuation se met difficilement sur les rails, et la journée a surtout été marquée par les craintes de l'Occident quant aux promesses du Kremlin, et par des sanctions majeures, concernant le gaz russe principalement.

· L'évacuation de Marioupol tente de se mettre en place

"Aujourd'hui, c'est l'un des endroits les plus horribles en Europe". C'est de cette manière que le président ukrainien Volodymyr Zelensky évoque Marioupol, ville portuaire du sud de l'Ukraine, bombardée en continu depuis le début de l'invasion russe. Dans la ville assiégée, il resterait environ 160.000 civils à évacuer.

La promesse de Moscou d'un cessez-le-feu pour organiser des couloirs humanitaires a été reçue avec prudence. Ce jeudi matin, Lesia Vasylenko, députée ukrainienne d'opposition, assurait sur BFMTV que l"on ne peut pas croire un seul mot que les Russes nous disent."

"On doit voir toutes les armées se dégager, on doit voir tous ces couloirs humanitaires ouverts pour que le reste des 150.000 habitants de Marioupol puissent sortir de cette ville qui est devenue une ruine totale", a-t-elle estimé sur notre antenne.

Dans la matinée, Kiev a annoncé envoyer 45 bus pour l'évacuation. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) s'est dit de son côté prêt "à diriger" les opérations à partir de vendredi, à condition d'avoir les garanties de sécurité nécessaires. Sur notre antenne jeudi soir, Frédéric Joli, porte-parole du CICR, a cependant estimé qu'il était "illusoire de penser que tout le monde puisse sortir demain."

"Il y a eu deux interventions avortées il y a deux semaines. On espère que cette troisième intervention se soldera par un succès" a-t-il expliqué.

· L'Otan s'attend à des "offensives supplémentaires"

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est montré sceptique ce jeudi au sujet des nouvelles stratégies militaires annoncées par Moscou, supposé "réduire radicalement" sa présence dans les régions de Kiev et Tcherniguiv. Pour l'Otan, les forces russes "ne se retirent pas, mais se repositionnent" en Ukraine et l'Alliance s'attend à des "offensives supplémentaires" dans le pays.

Des doutes qui pourraient se justifier par la situation sur le terrain. Ce jeudi, peu après 16 heures, nos envoyés spéciaux présents à Kiev ont pu constater une violente explosion dans l'hypercentre de la capitale, après plusieurs jours d'accalmie. D'après nos journalistes, les vitres d'un immeuble, dans un quartier militaire, auraient été soufflées, sans que l'on ait plus d'informations sur l'origine de la frappe.

Autre annonce qui contredit les promesses du Kremlin: d'après une responsable ukrainienne, une personne a été tuée et quatre autres ont été blessées dans des tirs sur un convoi humanitaire, aux abords de la ville de Tcherniguiv.

"Les combattants russes ont tiré sur un convoi de volontaires près de Tcherniguiv. Cinq bus qui se dirigeaient vers la ville pour évacuer des civils ont été l'objet de tirs", a annoncé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains auprès du Parlement. "Une personne est morte, quatre sont grièvement blessées", a-t-elle précisé.

La responsable ukrainienne a accusé les troupes russes de "ne pas laisser la moindre possibilité d'évacuer les civils de Tcherniguiv assiégée, en laissant des dizaines de milliers de civils sans nourriture, sans eau, sans chauffage".

· Moscou franchit un pas dans la guerre du gaz

Les tensions économiques entre la Russie et l'Occident pourraient avoir pris un nouveau tournant ce jeudi. Le Kremlin a annoncé qu'à partir de ce vendredi 1er avril, la Russie ne livrerait plus de gaz aux clients occidentaux refusant de payer en roubles. Une mesure qui toucherait surtout l'Union européenne et les "pays inamicaux" de la Russie, alors que le prix du gaz est pourtant libellé dans la devise des contrats en cours, soit le plus souvent en euros ou en dollars.

"Ils doivent ouvrir des comptes en roubles dans des banques russes. Et de ces comptes ils devront payer le gaz livré, et cela dès demain", a déclaré Vladimir Poutine à la télévision, après avoir signé un décret en ce sens, ajoutant qu'en cas de refus "les contrats en cours seront arrêtés".

La réponse de l'Europe ne s'est pas fait attendre. Le chancelier allemand Olaf Scholz a affirmé dans la foulée que les pays européens continueraient bel et bien de payer le gaz russe en euros et en dollars, comme c'est "écrit dans les contrats".

L'Allemagne et la France, sont même allées plus loin dans leurs déclarations: les deux pays "se préparent" à un potentiel arrêt des importations de gaz russes, selon le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

"Il peut y avoir une situation dans laquelle demain (...) il n'y aura plus de gaz russe", et "c'est à nous de préparer ces scénarios-là, et nous les préparons", a déclaré le ministre lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand Robert Habeck.

· Les dirigeants européens interdits de territoire en Russie

Autre moment d'escalade dans les tensions diplomatiques: la Russie a annoncé en fin d'après-midi interdire l'entrée sur son territoire à l'ensemble des dirigeants européens, ainsi qu'à la majorité des eurodéputés. Une mesure directement liée aux sanctions occidentales imposées à l'encontre de Moscou depuis le début de son invasion en Ukraine.

"Les restrictions s'appliquent aux plus hauts dirigeants de l'Union européenne, y compris un certain nombre de commissaires européens et de chefs d'organes militaires européens, ainsi qu'à la vaste majorité des députés du Parlement européen, qui font la promotion de politiques antirusses", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

Si aucune liste des personnes ciblées n'a été publiée, des personnalités publiques, et des journalistes qui "ont soutenu les sanctions illégales contre la Russie" ou "incité à la russophobie" sont également concernés. La diplomatie russe a par ailleurs assuré avoir informé la représentation européenne à Moscou de cette décision.

L'acteur français, réputé proche de Vladimir Poutine, a affiché ce jeudi soir une position claire au sujet du conflit en Ukraine. Dans un communiqué transmis à l'AFP, Gérard Depardieu a dénoncé les "folles dérives inacceptables" du président russe. Par ailleurs, le comédien a annoncé que la totalité des recettes de ses trois concerts prévus début avril au Théâtre des Champs-Elysées "reviendrait aux victimes ukrainiennes".

"Le peuple russe n'est pas responsable des folles dérives inacceptables de leurs dirigeants comme Vladimir Poutine", a déclaré dans un communiqué à l'AFP la star, qui doit se produire au TCE, à Paris, du 1er au 3 avril.

Le monstre sacré du cinéma français, qui possède la nationalité française et russe, avait obtenu un passeport russe en janvier 2013, après avoir affiché son désaccord sur la politique ficale du gouvernement français.

À plusieurs reprises, Gérard Depardieu avait vanté les mérites de son nouveau pays, "une grande démocratie" selon lui, et de son dirigeant. Mais début mars, au sixième jour de l'invasion russe en Ukraine l'acteur avait appellé à "arrêter les armes et négocier", dénonçant une "guerre fratricide".

Louis Augry