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Vatican: l'implacable réquisitoire du pape François contre l'incurie de certains prélats

Le pape fait un signe de la main en passant dans le hall Paul VI, au Vatican, le 22 décembre 2014. Il a lundi formulé des "vœux" s'apparentant en réalité à un sévère réquisitoire contre les dérives de certains prélats.

Le pape fait un signe de la main en passant dans le hall Paul VI, au Vatican, le 22 décembre 2014. Il a lundi formulé des "vœux" s'apparentant en réalité à un sévère réquisitoire contre les dérives de certains prélats. - Andreas Solaro - AFP

C'est peu de dire que le souverain pontife veut réformer l'Eglise catholique. Dans un discours, lundi, François n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer l'incurie de la curie romaine allant jusqu'à parler de "fossilisation mentale et spirituelle" ou de "schizophrénie existentielle". Entre autres.

Ce discours ne risque pas d'apaiser des tensions déjà vives au sein du Vatican. Dans ses vœux au gouvernement de l'Eglise, le pape argentin a énuméré lundi quinze "maladies" qui menacent la curie romaine, le gouvernement de l'église. Dans un réquisitoire implacable, François a condamné, sans désigner personne nommément, la mondanité, l'hyperactivité, la manipulation des collaborateurs, la corruption des mœurs, les rivalités, les calomnies et la zizanie qui règnent au Saint-Siège.

Dans le cadre très solennel de la Salle Clémentine au Vatican, il a ainsi convié les membres du haut clergé à "un véritable examen de conscience". "L'Alzheimer spirituel", "la fossilisation mentale et spirituelle", "le cœur de pierre", "le terrorisme des bavardages", "la schizophrénie existentielle" menacent les cardinaux. Mais aussi "l'exhibitionnisme mondain", "la planification d'expert-comptable", "les cercles fermés", "les têtes d'enterrement"...

"La guérison est le fruit de la prise de conscience de la maladie", a plaidé le pape, dans un silence de plomb, en appelant les cardinaux à laisser "l'Esprit saint" inspirer leurs actions, sans se reposer sur leurs dons intellectuels ou d'organisation.

Quand un pape loue des vertus de "l'autodérision", de "l'humour"

Depuis son élection en mars 2013, François avait déjà souvent tempêté contre des attitudes mondaines, carriéristes voire dissolues, mais jamais en des termes aussi virulents. Il a appelé chacun à ne pas tomber dans les différents pièges que tend le pouvoir clérical. Facétieux, le pape argentin a évoqué la tentation de "se sentir immortel" et a invité les prélats à se rendre dans les cimetières où reposent "tant de gens qui se considéraient comme indispensables".

Lui qui ne prend jamais de vacances a conseillé à ses collaborateurs d'éviter la "maladie" de l'hyperactivité. Il s'en est aussi pris aux "têtes d'enterrement", appelant à ne jamais perdre "l'autodérision". "Cela fait du bien une bonne dose d'humour!", a-t-il lancé aux cardinaux.

Dénoncer la vie "souvent dissolue" de certains prélats

La double vie est un des fléaux les plus graves dénoncés: certains "créent leur monde parallèle, dans lequel ils mettent de côté ce qu'ils enseignent avec sévérité aux autres et mènent une vie cachée et souvent dissolue". Certains prélats "sont totalement prisonniers de leurs passions, leurs caprices et leurs manies", a insisté le pape. 

Il a aussi dénoncé implicitement la lutte de pouvoirs qui se poursuit aujourd'hui dans le petit Etat, parfois entre pro et anti-pape François: "Certains sont capables de calomnier, diffamer et discréditer les autres, jusque dans les journaux". Des cardinaux se sont ainsi querellés par médias interposés autour du synode d'octobre sur la famille, en particulier sur la question des divorcés remariés et des homosexuels.

Le "pape de l'autre bout du monde", qui a expliqué qu'il se sentait parfois "anticlérical", a engagé une profonde réforme de la curie, qui devrait se traduire par des fusions de "ministères" et une ouverture aux laïcs, mais pas avant 2016.

Pour tenter de détendre l'atmosphère à la fin de son discours, François a conclu sur une boutade montrant que son exigence ne signifiait pas, loin de là, qu'il tenait tous les membres de la curie en piètre estime: "Les prêtres sont comme des avions. Ils font la une quand ils tombent, alors qu'il y en a tant qui volent".

David Namias avec AFP