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Ukraine

Guerre en Ukraine: pourquoi le sort de la centrale nucléaire de Zaporijia inquiète à nouveau

La plus grande centrale d'Europe, aux mains des Russes depuis mars 2022, est au cœur d'accusations croisées entre Kiev et Moscou. Les deux forces belligérantes pointent ce mercredi comme la date d'une possible offensive du camp adverse.

La situation est extrêmement tendue. Le Kremlin averti ce mercredi d'un possible "acte subversif" ukrainien aux "conséquences catastrophiques" dans la centrale nucléaire de Zaporijia, contrôlée par la Russie. De son côté, l'Ukraine a accusé ce mardi Moscou de préparer une "provocation" dans cette même centrale.

Plus tôt, l'armée ukrainienne a affirmé que des "objets similaires à des engins explosifs ont été placés sur le toit extérieur des réacteurs 3 et 4".

"Leur dénotation ne devrait pas endommager les générateurs, mais donner l'impression de bombardements depuis le côté ukrainien", a poursuivi l'armée, avertissant que Moscou "fera de la désinformation à ce sujet".

Dans le même temps, un conseiller du géant russe du nucléaire Rosatom assurait que "le 5 juillet, durant la nuit, en pleine obscurité, l'armée ukrainienne [allait] essayer d'attaquer la centrale nucléaire de Zaporijia", affirmant que Kiev prévoit de faire usage "d'armes de précision à longue portée" et de drones.

Évacuation russe

Selon les renseignements ukrainiens, la Russie évacue ses troupes de la centrale et de ses alentours. Le GUR affirme, en effet, que le personnel, dont les employés ukrainiens de la centrale, a été invité à se rendre en Crimée et que les patrouilles militaires ont été fortement réduites. D'après cette même source, cette évacuation doit s'achever ce mercredi.

Les spécialistes de l'Institut de l'Étude de la Guerre (ISW), un think-tank américain, ont également affirmé que les employés russes de la centrale avaient déjà été envoyés en Crimée occupée.

Toujours selon l'ISW, trois scénarios pourraient accompagner cette retraite russe: déverser de l'eau irradiée de la centrale dans le barrage de Kakhovka pour perturber une éventuelle traversée ukrainienne, créer un panache radiologique pour couvrir une grande zone du sud de l'Ukraine ou provoquer un petit rayon radiologique immédiatement concentré sur la prévention des avancées ukrainiennes près de la centrale.

L'institut précise qu'il est pour l'heure peu probable que la Russie - comme l'Ukraine - ne cause intentionnellement un incident radioactif à la centrale de Zaporijia.

Exercices de simulation

Toutefois, l'Ukraine se prépare à l'éventualité. Comme le rapporte SkyNews, des habitants de la région autour de la centrale ont commencé à fuir, se dirigeant notamment en direction de la Moldavie ou d'autres régions ukrainiennes.

En outre, les autorités ukrainiennes ont procédé à des exercices en simulant l'évacuation des milliers de personnes vivant toujours dans la ville de Zaporijia. Le Monde raconte que des points de rassemblement sont mis en place ou encore que les forces de police s'entraînent à réguler les départs pour éviter les embouteillages qui ont paralysé les axes principaux du pays au début de l’invasion.

Le gouvernement distribue par ailleurs des consignes à appliquer en cas d'urgence nucléaire.

Il a quelques semaines, le 22 juin, Volodymyr Zelensky avait déjà accusé la Russie de préparer un "attentat terroriste" impliquant une fuite "de radiations" à la centrale de Zaporijia, une accusation immédiatement rejetée comme "mensonge" par le Kremlin. Trois jours plus tard, Kyrylo Boudanov, chef de la direction principale du renseignement ukrainien, renchérissait de son côté: "La situation n’a jamais été aussi grave".

"Ne paniquez pas"

Des propos qui ont suscité une nouvelle vague d'inquiétude dans un pays marqué par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986. Peu après la déclaration du président ukrainien, le ministère de la Santé a publié sur Telegram des recommandations à suivre en cas d'incident nucléaire, tout en rappelant que les comprimés d'iode n'étaient nécessaires qu'en cas d'incident avéré".

"Lisez et partagez mais ne paniquez pas! Ne jouez pas le jeu de l'ennemi", a exhorté le ministère. "Le président Zelensky n'a rien dit de nouveau. La Russie est un pays terroriste qui, comme d'un singe avec une grenade, on peut attendre tout".

À Kiev, des habitants faisaient ainsi la queue devant certaines pharmacies de la capitale pour acheter ces fameuses pastilles d'iode, destinées à prévenir un cancer de la thyroïde en cas d'émissions radioactives provoquées par un accident nucléaire grave. Mais le médicament ne protège pas contre des éléments radioactifs comme le césium 134 ou 137.

Vendredi, le chef du renseignement ukrainien, Kyrylo Budanov, a affirmé que Moscou avait approuvé un plan visant à faire exploser la centrale, avait miné quatre des six groupes électrogènes, ainsi qu'un bassin de refroidissement et avait creusé de nombreuses tranchées tout autour.

Pendant seize mois d’occupation, Moscou aurait transformé la centrale nucléaire en base militaire avec du matériel lourd, notamment des chars, affirment également les services de renseignement ukrainiens. L'installation servirait de bouclier, "sachant que l'armée ukrainienne ne la prendra jamais pour cible, pour éviter tout incident".

Elle serait également une arme de dissuasion massive au moment où Kiev lance une contre-offensive dans la région.

"Plein soutien" d'Emmanuel Macron

Tombée aux mains de l'armée russe le 4 mars 2022, la plus grande centrale d'Europe a été visée par des tirs et a été coupée du réseau électrique à plusieurs reprises. La destruction en mai du barrage de Kakhovka situé dans la zone du sud occupée par la Russie a suscité de nouvelles inquiétudes, notamment concernant la pérennité du bassin servant à refroidir les six réacteurs de la centrale. 

"Malheureusement, l'attaque terroriste contre la centrale hydroélectrique de Kakhovka n'a pas fait l'objet d'une réponse rapide et à grande échelle. Cela pourrait inciter le Kremlin à commettre de nouveaux méfaits", a déploré Volodymyr Zelensky dans un tweet ce mardi.

Ce dernier a par ailleurs indiqué avoir averti son homologue français Emmanuel Macron, lors d'une conversation téléphonique, que les Russes "préparaient des provocations dangereuses" dans la centrale. "Nous sommes convenus de contrôler au maximum la situation, avec l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique)", a-t-il ajouté.

Le président français a rappelé de son côté son "plein soutien" au directeur de l’AIEA concernant la sécurité de la centrale. En visitant la centrale le 15 juin, Rafael Grossi avait estimé que la situation y était "grave" mais en cours de stabilisation.

Salomé Robles avec AFP