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Europe

Ukraine: l'accord de Minsk 2, déprimant mais utile

Le président russe Vladimir Poutine, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Francois Hollande et le président ukrainien Petro Poroshenko à Minsk, mercredi 11 février 2015

Le président russe Vladimir Poutine, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Francois Hollande et le président ukrainien Petro Poroshenko à Minsk, mercredi 11 février 2015 - Tatyana Zenkovich - Pool - AFP

EDITO - Sur le plan militaire, les Occidentaux et l'Ukraine ont cédé à Poutine et à ses alliés séparatistes la possibilité de définir le front d'ici à dimanche 15 février. Cependant, quelques subtiles avancées ont été acquises pour l'État ukrainien.

Après une nuit blanche à quatre - Angela Merkel, François Hollande, Petro Porochenko, Vladimir Poutine -, la solution trouvée jeudi à la crise dans l'est de l'Ukraine semble insaisissable. Car Minsk 2 est un accord très semblable à Minsk 1, signé en septembre, dans cette même ville de Biélorussie. Minsk 1 n'a guère duré. N'en sera-t-il pas de même pour Minsk 2 ?

Minsk 2 encourage la guerre

Les différences entre les deux accords, aussi minimes soient-elles en apparence, donnent quelques indices. Tout d'abord, l'avantage des séparatistes est évident: dans Minsk 2, le front entre les belligérants est avancé de plusieurs kilomètres à Donetsk et ailleurs, à l'avantage des rebelles.

La ville loyaliste de Debaltseve est désormais cernée aux neuf dixièmes par l'armée séparatiste. Dans la ville, nœud ferroviaire important, où l'on estime à 7.000 le nombre de soldats ukrainiens assiégés, on se prépare à un siège dans le meilleur des cas, à une déroute dans le pire.

Si Debaltseve se rend, alors les séparatistes auront avancé l'emprise stratégique du Kremlin en Ukraine. Les deux forces armées vont donc s'affronter à Debaltseve, à cause de Minsk 2. C'est déprimant.

Les bienfaits de Minsk 2

L'accord contient pourtant quelques avancées subtiles pour Kiev. Minsk 2 ne fait plus mention de "fédéralisation", un concept explosif, prisé par le Kremlin: il impliquait la délégation de pouvoirs étendus aux républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. Cette fédéralisation aurait permis à ces deux républiques d'exister en dehors du système politique ukrainien, avec une option sécessionniste permanente et des possibilités de rapprochement avec la Russie - une sorte de rattachement lent.

Autre bienfait de l'accord: la neutralité de la République d'Ukraine n'est plus exigée par le Kremlin. Un jour, l'État ukrainien pourra donc effectivement acheter des armes à l'ouest.

Enfin, les élections futures dans cette région du Donbass se feront selon la loi ukrainienne actuelle ! Exit, donc, les référendums fantaisistes organisés par des milices.

La guerre maintenant, mais l'Ukraine pourrait être sauvée

Ces détails sont d'une portée militaire nulle, mais sans doute apprendrons-nous un jour que Poutine s'est trouvé face à trois clients peu commodes: Hollande, Merkel, et naturellement Porochenko. Le principal bienfait de Minsk 2 est sans doute de voir Poutine céder ne serait-ce qu'un peu sur ses objectifs. Le président russe n'a pu dicter sa volonté sur les principes, alors que sur le terrain militaire ses agents séparatistes ont l'ascendant.

Certes, les armes parlent dans l'immédiat. Mais après, les principes d'unité nationale seront des valeurs sûres pour une nation qui se reconstruit mentalement comme l'Ukraine: le dépeçage de l'est du pays, et son rattachement à la Russie, ne sera plus une question de principes, mais d'armes. C'est pourquoi la guerre continuera, car sur les principes les Occidentaux ont subtilement gagné. Il faudra ne pas galvauder cet aspect si l'on veut une Europe où le droit compte pour quelque chose.