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Migrants morts au large de la Grèce: quelles sont les règles d'intervention en mer Méditerranée?

Une centaine de migrants ont été sauvés ce mercredi matin au large de la Grèce.

Une centaine de migrants ont été sauvés ce mercredi matin au large de la Grèce. - STRINGER / Eurokinissi / AFP

Le naufrage d'un bateau de pêche sur lequel transitaient des migrants a fait au moins 79 morts mercredi en mer Ionienne, en faisant l'un des pires drames de ce type survenus en Méditerranée.

Au moins 79 migrants sont morts en mer Ionienne au large de la Grèce, après le naufrage du bateau du pêche sur lequel ils avaient embarqués. Les recherches se poursuivent ce jeudi, alors que des centaines de personnes étaient potentiellement à bord, selon des garde-côtes grecs, laissant craindre que le bilan s'alourdisse dans les prochaines heures.

"Il pourrait s'agir de la pire tragédie maritime de ces dernières années en Grèce", a affirmé Stella Nanou, du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), sur la chaîne de télévision publique ERT.

Si 104 personnes ont pu être secourues selon le dernier bilan fourni ce jeudi matin, les autorités portuaires grecques assurent que le bateau avait été repéré par un avion de surveillance de l'agence européenne Frontex, mais que les passagers avaient refusé toute aide.

Porter assistance à un bateau en détresse, un principe fondamental

Le sauvetage d'un bateau en mer est régi par de nombreux traités internationaux instaurant un principe de base: venir en aide aux naufragés, quelle que soit leur nationalité. En effet, "sauver des vies en mer n’est pas un choix, ni un sujet de débat politique, mais une obligation séculaire", rappelle le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi.

De fait, la convention des Nations unies sur le droit de la mer institue notamment depuis 1982 l’obligation de porter assistance "à quiconque est trouvé en péril en mer".

Le droit maritime impose ainsi que, lorsqu’un navire est en détresse, les bateaux les plus proches lui viennent en aide quitte à dévier de leur trajectoire. Seule condition: "que le commandant puisse le faire sans mettre son propre navire et son équipage en danger", selon le code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

Les États tenus de venir en aide aux naufragés au large de ses côtes

Les États disposent par ailleurs eux aussi d’obligations bien précises dans ce domaine en fonction du lieu du naufrage. En effet, la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979 stipule que quand un navire circule à moins de 22,2 km des côtes, il est situé dans les eaux territoriales de l’État à proximité et que le pays concerné doit le secourir ou participer à la mise en œuvre des opérations de secours.

La convention de 1979 impose non seulement de secourir les naufragés, mais aussi de mettre en place des centres de recherche en mer ou "Maritime Rescue Coordination Centers" pour organiser le sauvetage de migrants.

Par ailleurs, elle "oblige les États à assurer les premiers soins médicaux aux naufragés ainsi que les mettre dans un lieu sûr". Ce lieu d'accueil peut se situer sur ses côtes, mais aussi sur des côtes étrangères proches, à condition que le pays concerné accepte.

Le pays à l'origine du sauvetage n'a donc pas obligation d'accueillir les rescapés sur son sol. C'est là que la situation se complique et peut donner lieu à certains imbroglios quand des pays refusent de voir arriver des migrants sur leur territoire. Des amendements apportés aux principales conventions maritimes imposent cependant depuis 2004 une mise en lieu sûr dans un délai raisonnable des migrants.

Pour les bateaux faisant naufrage en Méditerranée centrale, les passagers doivent être accueillis par des ports situés en Italie ou à Malte, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). En Libye, aucun centre d’accueil n’existe pour les réfugiés qui y seraient placés en détention automatiquement en cas d’arrivée sur le territoire.

Frontex en soutien

Afin d'aider les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à assumer la prise en charge des naufragés, une Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes intervient également en mer Méditerranée depuis 2004.

Trois opérations au total ont été déployées pour couvrir l’ensemble des eaux méditerranéenne: l'opération Themis s'occupe de la Méditerranée centrale, l'opération Poséidon de la Méditerranée orientale et l'opération Indalo couvre la Méditerranée occidentale.

Des patrouilles y sont effectuées afin de venir en aide aux migrants naufragés, tout en opérant un travail de sécurisation des frontières de l’UE.

Des tensions entre pays

Le pays d’accueil des naufragés est ensuite censé s’occuper de leur asile, selon le HCR. Une responsabilité que tous les États n’acceptent pas d’endosser. C’était notamment le cas en novembre dernier lorsque l’Italie avait refusé de prendre en charge la plupart des migrants naufragés de l’Ocean Viking, autorisant seulement quelques uns à descendre à quai. Le sujet avait causé de vives tensions entre Rome et Paris, avant que le navire n’accoste finalement à Toulon.

La prise en charge des migrants avait ensuite été répartie entre différents pays, comme cela est permis, même si aucun quota n'a jamais été officiellement fixé. Dans le cas de l'Ocean Viking, un tiers des migrants ont été pris en charge par la France, les deux-tiers restant étant relocalisés dans 9 pays européens volontaires.

Concernant le naufrage survenu mercredi, l'association d'aide aux migrants SOS Méditerranée a dénoncé, comme souvent, ce jeudi sur Twitter "l'absence dramatique de mécanismes de recherche et de sauvetage efficaces" qui a, selon l'ONG, "transformé la Méditerranée en une fosse commune".

SOS Méditerranée rappelle les "obligations de coordonner et de mener des opérations de sauvetage en mer" incombant aux États.

Depuis 2015, plus de 25.000 personnes sont mortes ou déclarées disparues en mer Méditerranée et dans l'océan Atlantique en tentant de gagner l'Europe, rapporte Frontex dans ses derniers chiffres publiés en février.

Juliette Desmonceaux