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TGV Lyon-Turin: l'écrivain Erri de Luca risque la prison ferme

Erri de Luca risque de la prison ferme pour avoir "incité au sabotage" de la ligne Lyon-Turin.

Erri de Luca risque de la prison ferme pour avoir "incité au sabotage" de la ligne Lyon-Turin. - Marco Bartorello - AFP

L'écrivain italien avait pris position avec virulence contre la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin. Accusé d'incitation au sabotage, il connaîtra son sort lundi.

Lundi, Erri de Luca sera fixé sur son sort. L'écrivain italien, écologiste et longtemps militant d'extrême gauche, est accusé d'"incitation au sabotage" du chantier du tunnel ferroviaire Lyon-Turin, et risque huit mois de prison. Tout a commencé par une interview donnée à plusieurs médias italiens, en septembre 2013, dont le Huffington Post: dans l'entretien, il avait affirmé que la "TAV (la ligne à grande vitesse)" devait "être sabotée", et avait confirmé son soutien sans faille au mouvement s'opposant au projet de liaison rapide entre Lyon et Turin.

"Erri de Luca a bien utilisé le mot sabotage", a fait valoir avec force arguments le procureur de Turin Antonio Rinaudo à l'audience du 21 septembre. Pour lui, il s'agit d'un "discours public" prononcé dans un "contexte précis" et ayant conduit à des "actes concrets et illégaux". Conclusion: "on ne peut invoquer la liberté d'expression dans ce cas (…) En raison de sa notoriété internationale, ses paroles ont un poids déterminant et ses phrases une force suggestive".

"Ni un martyr, ni une victime"

"Ce réquisitoire est un message sur la liberté d'expression", avait affirmé Erri de Luca lors d'une suspension de séance.

Au micro de France Inter mardi, l'intellectuel, prix Fémina étranger en 2002 pour Montedidio, a assuré être "incriminé par un article du droit pénal qui remonte à l'époque fasciste", et n'avait jamais été appliqué à un écrivain. "Je suis le premier, mais mon intention est d'être le dernier" attaqué de la sorte. Une chose est sûre, celui qui affirme être "ni un martyr, ni une victime", ne fera appel de la décision.

Dans sa plaidoirie, son avocat Me Vitale avait demandé sa relaxe, évoquant les paroles de Charles de Gaulle, qui avait déclaré "on n'emprisonne pas Voltaire" lorsque Jean-Paul Sartre s'était opposé à l'usage de la torture en Algérie. L'avocat de la partie civile, la société TELT (Tunnel euralpin Lyon Turin) en charge de la section transfrontalière, Me Alberto Mittone, avait pour sa part évoqué la responsabilité de la parole:

"Celui qui donne des interviews, parle aux journalistes ou va à la télévision ne peut pas dire que ses paroles ne porteront pas à conséquence".

Valls et Hollande s'étaient émus de sa situation

Depuis ce réquisitoire, l'intellectuel italien a reçu de nombreux soutiens du monde entier. Une pétition européenne, lancée par son comité de soutien, a ainsi reçu la signature de plus de 500 personnalités du monde de la culture, issues de 20 pays différents. Le sculpteur Daniel Buren, l'actrice Isabelle Huppert ou encore le cinéaste britannique Ken Loach figurent parmi les signataires.

En France, Manuel Valls et François Hollande s'étaient émus de son sort à l'occasion de la dernière édition du salon du livre, tout en affirmant respecter les décisions de justice. Dernière signataire en date côté français, la maire de Lille Martine Aubry. La garde des Sceaux Christiane Taubira a elle aussi montré son soutien dimanche sur Twitter.

Si Erri de Luca est condamné, qu'il s'agisse de prison ferme ou avec sursis, il ne risque pas pour autant de dormir immédiatement en prison. Selon son avocat, la peine ne peut être appliquée qu'une fois considérée comme définitive. Dans ce cas, l'écrivain aura encore plusieurs mois pour se préparer à son séjour en prison.

A. K. avec AFP