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L'Italie envisage d'adopter un congé pour les femmes souffrant de règles douloureuses

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - AFP

Après le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et la Tanzanie, l'Italie envisage d'adopter un congé pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Une proposition de loi qui divise.

Un congé pour règles douloureuses en Italie? Une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel de trois jours pour les femmes qui justifient par un certificat médical souffrir de dysménorrhée, la douleur qui précède ou accompagne les règles, a été déposée mi-mars.

Selon le magazine Capital, le texte est "actuellement à l'étude au sein d'une commission dédiée au travail". Un journaliste des Nouvelles News précise que la proposition de loi aurait même été déposée en avril 2016.

"C'est un vrai problème pour les femmes"

Dans tous les cas, ce congé ne fait pas l'unanimité. Pour certains médias italiens, comme Marie Claire, une telle initiative serait une avancée pour les droits des femmes et un pas de plus pour leur intégration dans le monde du travail, un "porte-étendard du progrès et de la durabilité sociale". L'association Osez le féminisme salue également cette initiative.

"C'est une bonne chose de reconnaître que les règles peuvent être douloureuses et invalidantes pour certaines femmes", se réjouit Claire Serre-Combe, la porte-parole de l'association, jointe par BFMTV.com. "C'est un vrai problème pour les femmes, on ne peut garder des œillères sur le sujet. Et que les pouvoirs publics s'en emparent, c'est encore mieux."

Pour Yasmine Candau, présidente de l'association EndoFrance, c'est une bonne nouvelle. "De nombreuses femmes qui souffrent d'endométriose (une maladie gynécologique qui entraîne douleurs et infertilité, ndlr) sont incapables de se lever quand elles ont leurs règles", assure-t-elle pour BFMTV.com.

"Chaque mois, elles ont des absences pour maladie. Certaines au sein de notre association ont même perdu leur emploi ou ont été rétrogradées à cause de ces nombreuses absences", ajoute Yasmine Candau, qui estime que la France est en retard dans la prise en charge de cette maladie qui touche une femme sur dix. "Toutefois, il faut de la mesure, car toutes les endométrioses ne nécessitent pas un arrêt systématique car certaines femmes ne souffrent plus avec un traitement adapté."

"Il ne faudrait pas que ça accroisse les inégalités"

Mais pour d'autres, ce congé risque de pénaliser les femmes alors qu'en Italie, seules 61% d'entre elles travaillent. "Si les femmes recevaient des jours supplémentaires de congés payés, les employeurs pourraient être encore davantage enclins à embaucher des hommes", selon le magazine Donna Moderna. Un bémol que partage aussi Claire Serre-Combe.

"Les femmes sont déjà largement discriminées dans le monde du travail. Cela risque de créer un frein supplémentaire pour leur accès à l'emploi et d'aggraver les écarts de salaires, il ne faudrait pas que cela accroisse les inégalités."

"Marre qu'on raconte n'importe quoi sur les règles"

La militante pointe par ailleurs un autre "revers de la médaille": "c'est assez intrusif pour la vie privée". Certains craignent aussi que ce type de congé n'entretiennent les clichés sur les femmes victimes de leurs humeurs durant leurs cycles menstruels. Selon Claire Serre-Combe, ce type d'initiative doit s'accompagner d'un travail de déconstruction des stéréotypes. "Dès qu'une femme s'énerve, pleure ou est nerveuse, ce sont forcément ses hormones qui lui jouent des tours." Ce que l'association, qui en a "marre qu'on raconte n'importe quoi sur les règles", a initié avec un site intitulé Sang tabou.

Si la proposition était validée, l'Italie ne serait ainsi pas le premier pays à adopter un tel congé. Comme le rappelle L'Obs, "le Japon a été le premier pays à se saisir de cette cause en 1947 en instaurant le seirikyuuka, un 'congé physiologique'" même si peu de Japonaises en font usage. La Corée du Sud, l'Indonésie mais aussi Taïwan et plusieurs provinces chinoises proposent également un congé similaire.

En Zambie, un pudique "jour des mères"

L'année dernière, au Royaume-Uni, une telle initiative a été prise par Coexist, une petite entreprise. "J'ai géré beaucoup de femmes durant ma carrière et j'en ai vu certaines pliées en deux pendant leurs règles", expliquait la codirectrice de la société au Bristol Post.

En janvier dernier, la Zambie a adopté une loi autorisant les femmes à prendre un jour de congé en cas de règles douloureuses, baptisé pudiquement "le jour des mères". Comme l'assurait la BBC, les Zambiennes n'ont pas besoin de fournir un certificat médical et un employeur qui refuserait ce droit à ses employées féminines peut même être condamné. Mais à chaque fois, la création de ce congé ne s'est pas faite sans être émaillée de controverses.

Céline Hussonnois-Alaya