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Italie

Emoi en Italie après l'irruption de douaniers français dans un centre pour migrants

Un policier français à la gare italienne de Bardonecchia (photo d'illustration).

Un policier français à la gare italienne de Bardonecchia (photo d'illustration). - PIERO CRUCIATTI / AFP

L'ambassadeur de France à Rome a été convoqué ce samedi par le ministère italien des Affaires étrangères, donnant à cette affaire des airs d'incident diplomatique.

"Un acte grave, considéré totalement en dehors du cadre de la collaboration entre Etats frontaliers". Voilà les mots très durs employés par le ministère italien des Affaires étrangères pour évoquer l'irruption vendredi soir de douaniers français dans un centre pour migrants situé dans la gare d'une commune italienne frontalière de la France. 

Un véritable incident diplomatique qui a été dénoncé unanimement par la classe politique italienne et a conduit à la convocation de l'ambassadeur de France en Italie, Christian Masset, au ministère italien des Affaires étrangères, ce samedi après-midi. La France a tenté dans la foulée de s'expliquer, par le biais d'un communiqué partagé par Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des comptes publics. 

Responsables politiques indignés

D'après Paris, la présence des douaniers français à l'intérieur d'un local de la gare de Bardonecchia était parfaitement légale. Vendredi soir, une équipe de la brigade ferroviaire des douanes françaises de Modane était en contrôle sur le TGV Paris-Milan, indique le communiqué signé du ministre français de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, chargé des douanes. 

L'ONG Rainbow4Africa - qui occupe depuis décembre un local de la gare de cette station alpine pour accueillir des migrants en transit vers la France - s'était plainte de cette "irruption" des agents français souhaitant qu'un Nigérian y effectue un test urinaire. Elle a été très rapidement soutenue par des responsables politiques locaux puis nationaux, indignés d'une possible ingérence française sur le territoire italien.

"Ces agents en uniforme et identifiés comme douaniers français ont suspecté un voyageur, de nationalité nigériane et résident italien, de transport in corpore de stupéfiants. En application de l'article 60 bis du code des douanes, les agents ont demandé à la personne si elle consentait à un test urinaire de détection de stupéfiants, ce qu'elle a accepté par écrit à 19h15", stipule le communiqué français.

Contrôle urinaire sur un Nigérian résidant en Italie

"Afin de réaliser ce contrôle dans des conditions de respect de la personne, les agents ont attendu l'arrivée du train pour utiliser le local attenant à la gare de Bardonnechia, mis à la disposition de la douane française en application des accords du bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) de 1990", estime le gouvernement.

Les agents ont demandé à l'ONG d'accéder aux sanitaires pour effectuer le contrôle, qui s'est finalement avéré négatif, précise encore le communiqué. Mais le ministère italien des Affaires étrangères s'est notamment étonné de n'avoir pas eu de réponse rapide des autorités françaises à ses demandes, d'où la convocation de l'ambassadeur français à Rome.

Un haut fonctionnaire en charge de l'UE a exprimé à l'ambassadeur "la ferme protestation du gouvernement italien pour la conduite des agents des douanes françaises, considérée comme inacceptable", brandissant de récents échanges entre les douanes françaises et les chemins de fer italiens précisant que le local de la gare de Bardonecchia n'était plus accessible car désormais utilisé par une organisation humanitaire.

L'extrême-droite demande l'expulsion de diplomates français

"Au lieu d'expulser des diplomates russes, il faut ici éloigner les diplomates français", avait réagi avant toutes ces explications le président de la Ligue Matteo Salvini (extrême-droite), arrivé en tête des dernières législatives grâce à une coalition avec Silvio Berlusconi.

Luigi Di Maio, chef du Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-système) arrivé en tête du scrutin, s'est démarqué en attendant les explications françaises et en tweetant sobrement que l'Italie avait bien fait de convoquer l'ambassadeur français pour "clarifier complètement" les faits.

Sur Twitter, le chef de file du Parti démocrate a dénoncé des "faits graves". "Ce n'est pas comme ça que la nouvelle Europe se fera", a écrit Maurizio Martina. Enrico Letta, ancien chef du gouvernement italien, a quant à lui évoqué cette "intrusion" comme une "énième erreur sur la question des migrants". "Après l'Europe s'étonne de l'issue des élections en Italie", a-t-il ajouté.

Le station de ski de Bardonecchia, dans le Piémont voit arriver un flux régulier de migrants, même si les trains pour la France sont fortement contrôlés. Certains passent par la route d'un col, longue de 16 km, qui sépare Bardonecchia de Névache, le premier village français.

Charlie Vandekerkhove avec AFP