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Grèce

Grèce: offensive judiciaire contre les néo-nazis d'Aube dorée

Le député et porte-parole d'Aube dorée, Ilias Kasidiaris, à son arrivée au tribunal d'Athènes, mardi matin.

Le député et porte-parole d'Aube dorée, Ilias Kasidiaris, à son arrivée au tribunal d'Athènes, mardi matin. - -

Plusieurs cadres d'Aube dorée ont été présentés mardi devant un juge d'instruction en vue de leur mise en examen. Un grand coup porté au parti néo-nazi, qui ne disparaîtra pas pour autant.

Un an après son entrée au Parlement grec, le parti néo-nazi Aube dorée est-il en train de vivre son crépuscule? La journée de mardi a marqué le début d'une offensive judiciaire contre cette organisation extrémiste, qualifiée de "criminelle" par le parquet de la Cour suprême grecque, après l'arrestation spectaculaire de plusieurs de ses cadres samedi.

Quatre députés, sur les dix-huit que compte le parti, ont ainsi été présentés devant un juge d'instruction en vue de leur mise en examen. Parmi eux, le porte-parole Ilias Kasidiaris, tenu pour responsable de l'entraînement de milices d'assaut au sein du parti, et Yiannis Lagos, connu des services de police et soupçonné de proxénétisme, selon les informations du quotidien Ta Nea. Le chef et fondateur du parti, Nikos Michaloliakos, doit quant à lui être présenté devant les juges mercredi; son adjoint Christos Pappas, jeudi.

Samedi, après l'arrestation de vingt-deux militants d'Aube dorée, le parquet a ouvert des poursuites pour "constitution, participation et direction d'une organisation criminelle". Le rapport établi par le vice-procureur de la Cour suprême dresse une longue liste de crimes et d'actes de violences commis contre des immigrés, notamment pakistanais, et des opposants. Au total, "des dizaines d'infractions" ont été recensées, dont les premières remontent à 1987, à l’époque où Aube dorée n’était encore qu'un obscur groupuscule.

Revirement des autorités

Parmi celles-ci, le crime qui aura constitué le déclencheur tragique de cette spectaculaire offensive des autorités grecques contre le parti: le meurtre de Pavlos Fryssas, un rappeur antifasciste poignardé par un membre d'Aube dorée le 18 septembre dernier au Pirée. Le gouvernement et la police étaient jusque-là critiqués pour leur inertie, voire leur complaisance, face à la montée en puissance de cette formation, devenue troisième force politique du pays à la faveur de la crise.

D'Aube dorée, on connaissait déjà des images de blousons noirs, de crânes rasés et un emblème, le méandre, qui selon ses membres puiserait ses racines dans l'Antiquité, tout en rappelant furieusement la croix gammée. Dans le rapport judiciaire, le témoignage d'un ancien membre décrit "des actions où prenaient part 50 à 60 motos, avec deux personnes sur chacune. Celui qui était à l’arrière tenait un bâton (…) avec lequel il frappait tous les Pakistanais qu’il rencontrait".

Un an de quasi-impunité

Depuis son entrée au Parlement, le 6 mai dernier, Aube dorée est suspectée d'avoir multiplié ce type d'agressions dans une quasi-impunité. En septembre 2012, deux députés auraient ainsi mené eux-mêmes une descente contre des vendeurs à la sauvette immigrés près d'Athènes. Le lendemain, un autre aurait renchéri dans la ville de Messolonghi. En janvier, un Pakistanais a été tué à coups de couteau par deux néo-nazis présumés dans la capitale grecque.

Début septembre, des colleurs d’affiche du Parti communiste ont à leur tour été attaqués à coups de barres cloutées, dans le quartier populaire de Pérame, près du port du Pirée. Ce même secteur où Pavlos Fryssas a été poignardé six jours plus tard.

Réorganisation des troupes

A l'issue de leur probable inculpation, un tiers des cadres d’Aube dorée risquent d'être placés en détention provisoire. Mais pour Dimitris Psarras, auteur d'un Livre noir de l’Aube dorée, cette purge par le haut ne marquera pas pour autant l'extinction du parti – seulement une mise en veilleuse: "Aube dorée a des militants, une mécanique et de l’argent", souligne-t-il.

Pour lui, l'incarcération du mentor et du premier cercle de cette formation, décrite par le rapport judiciaire comme "extrêmement hiérarchisée", risque de simplement perturber le parti. Son numéro deux, Christos Pappas, pointe-t-il, "s’est rendu 24 heures après les autres, et il a eu le temps de procéder à des changements", c'est-à-dire une réorganisation de ses troupes.

Pas d'interdiction possible

En outre, la Constitution grecque ne prévoit pas la possibilité d’interdire un parti. Et tant qu'ils ne sont pas condamnés définitivement, les députés conservent leur mandat, ainsi que leurs droits civils et politiques.

Le Parlement grec réfléchit donc sur la suite à donner au versement de leurs indemnités et au maintien de leur droit de vote des textes législatifs. Le gouvernement a également déposé un projet de loi destiné à suspendre le financement des partis dont les responsables sont renvoyés devant la justice. Il a en revanche exclu lundi la tenue d’élections anticipées.

Mathilde Tournier et avec AFP