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Grèce

Grèce: le crépuscule des néo-nazis d’Aube dorée?

Des étudiants grecs manifestent dans les rues d'Athènes contre les néo-nazis d'Aube dorée, mercredi 25 septembre 2013.

Des étudiants grecs manifestent dans les rues d'Athènes contre les néo-nazis d'Aube dorée, mercredi 25 septembre 2013. - -

Le parti néo-nazi qui multipliait violences et provocations dans une relative impunité, depuis son entrée au Parlement grec il y a un an, est dans le collimateur du gouvernement et de la police depuis la mort d'un rappeur antifasciste.

Le meurtre d'un rappeur antifasciste, il y a une semaine, a été un déclencheur. Depuis, les manifestations, parfois violentes, contre le parti néonazi Aube dorée, se sont multipliées en Grèce. La police, jusque-là accusée de complaisance avec cette formation ouvertement raciste et xénophobe, multiplie désormais les descentes dans ses locaux.

Mercredi, plusieurs partis politiques de gauche et syndicats ont ainsi appelé à défiler à Athènes et dans une dizaine de villes du pays. Parmi eux le Parti socialiste (Pasok), qui partage le pouvoir avec la droite au gouvernement, et le principal parti d'opposition Syriza. A Athènes, 10.000 personnes ont manifesté derrière des banderoles indiquant "Pavlos vit, brisons les nazis!" ou appelant à "faire disparaître le monstre du nazisme".

La semaine dernière déjà, des militants antifascistes s’étaient rassemblés à Athènes, Salonique et Patras, dans des défilés qui s’étaient conclus par des échanges violents entre militants "antifa" et forces de l'ordre.

A l'origine de cette mobilisation, la mort le 18 septembre dernier de Pavlos Fryssas, un rappeur de 34 ans, sympathisant d'un petit mouvement d'extrême-gauche. Le jeune homme avait été poignardé à la sortie d’un bar par un individu avec qui il avait eu un échange houleux, à l’issue de la rencontre entre l’Olympiakos et le PSG. Arrêté, ce dernier avait reconnu l'homicide et indiqué "faire partie d'un parti politique". La police avait par la suite trouvé des preuves de son appartenance à Aube dorée.

Violences et provocations

De ce parti, on retient des images de blousons noirs, de crânes rasés et d’un emblème, le méandre, qui selon ses membres puiserait ses racines dans l’Antiquité, tout en lorgnant furieusement sur la croix gammée. Aube dorée, qui se revendique du nazisme, a profité de la crise pour faire son entrée au Parlement grec le 6 mai 2012. Il possède depuis 18 députés sur les 300 que compte le Parlement grec.

Ses représentants défraient régulièrement la chronique pour leurs sorties, voire leur violence. Ainsi, le 7 juin 2012, le porte-parole du parti Ilias Kasidiaris avait frappé une députée communiste avec laquelle il débattait sur un plateau de télévision. Plus récemment, le 17 mai dernier, des "Heil Hitler" se sont fait entendre à l'intérieur du Parlement, après l'exclusion d'un député néo-nazi.

Plus grave, le parti est soupçonné depuis son entrée au Parlement d’avoir multiplié agressions et provocations en toute impunité. En septembre 2012, deux députés auraient ainsi mené eux-mêmes une descente contre des vendeurs à la sauvette immigrés, près d’Athènes. Le lendemain, un autre aurait renchéri dans la ville de Messolonghi. Leur immunité parlementaire a depuis été levée.

En disgrâce dans les sondages

Il y a deux semaines, des colleurs d’affiche du Parti communiste ont été attaqués à coups de barres cloutées dans le quartier populaire de Pérame, près du port du Pirée. Ce même secteur où Pavlos Fryssas a été poignardé six jours plus tard. Deux agressions portant la signature présumée d’Aube dorée.

Deux agressions de trop. Depuis, le parti est tombé en disgrâce dans l'opinion: un sondage publié lundi dans un quotidien de droite crédite Aube dorée de 5,8% des intentions de vote, contre 8,3% avant le drame. Un autre, publié dimanche, crédite le parti de 7% des intentions de vote, contre 8,5% avant la mort de Pavlos Fryssas. Avant le drame, les enquêtes d’opinion attibuaient régulièrement au parti néo-nazi des scores allant jusqu’à 13%.

La police fait le ménage dans ses rangs

La police, jusque-là pointée du doigt pour avoir toléré ces violences, s’est également trouvée contrainte de faire le ménage dans ses rangs. Depuis les derniers événements, elle a ordonné une enquête dans trois commissariats de la banlieue sud-ouest de la capitale, soupçonnés d’avoir toléré des violences orchestrées par Aube dorée.

Et depuis, les têtes tombent. Lundi, deux généraux en poste dans le sud et dans le centre de la Grèce ont démissionné, et plusieurs cadres de la police sur l’île d’Eubée, au nord d’Athènes, ont été suspendus parce qu’ils n’avaient pas enquêté sur la présence d’armes dans les locaux d’Aube dorée.

Les forces de l’ordre ratissent également les locaux du parti. Mardi, une perquisition à Agrinio, dans le centre de la Grèce, a conduit à l’interpellation d’un policier, soupçonné d’avoir participé avec un député d’Aube dorée à la destruction d’étals de marchands immigrés. De nouvelles arrestations pourraient suivre, puisque d'autres perquisitions doivent être menées dans les prochains jours.

Mathilde Tournier