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Espagne: le gouvernement annonce qu'il va gracier mardi les indépendantistes catalans incarcérés

Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez en conférence de presse le 20 novembre 2020

Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez en conférence de presse le 20 novembre 2020 - Fernando Calvo © 2019 AFP

"Demain, guidé par l'esprit de concorde de la Constitution, je proposerai au conseil des ministres d'accorder la grâce aux neuf condamnés" a annoncé ce lundi le Premier ministre espagnol.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a annoncé lundi à Barcelone que son gouvernement allait donner mardi son feu vert à la grâce controversée des neuf dirigeants indépendantistes catalans condamnés à la prison pour la tentative de sécession de l'automne 2017.

"Demain, guidé par l'esprit de concorde de la Constitution, je proposerai au conseil des ministres d'accorder la grâce aux neuf condamnés" pour leur rôle dans cette tentative de sécession à des peines allant de neuf à 13 ans de prison, a annoncé le dirigeant socialiste dans le théâtre du Liceu, alors que des personnes dans le public réclamaient en criant une "amnistie" totale.

Une "amnistie" réclamée

Dans une mise en scène soigneusement orchestrée, Pedro Sanchez a affirmé que "le gouvernement espagnol avait opté pour la réconciliation" et "pensait que cette mesure de grâce allait ouvrir cette voie". Devant le théâtre, protégé par une force présence policière, plusieurs centaines de militants séparatistes manifestaient.

Alors que la grâce va exempter les condamnés du reste de leur peine et leur permettre de sortir de prison, l'amnistie, dont le gouvernement ne veut pas entendre parler, reviendrait à effacer totalement le délit.

La tentative de sécession de la riche région du nord-est de l'Espagne a constitué l'une des pires crises politiques qu'ait vécue l'Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. Malgré son interdiction par la justice, le gouvernement régional de l'indépendantiste Carles Puigdemont avait organisé un référendum d'autodétermination, émaillé de violences policières dont les images avaient fait le tour du monde.

Quelques semaines plus tard, le parlement catalan avait déclaré unilatéralement l'indépendance de la région, provoquant la réaction immédiate du gouvernement espagnol, alors aux mains des conservateurs, qui avait destitué le gouvernement régional et mis la région autonome sous tutelle. Poursuivis par la justice, les dirigeants indépendantistes avaient quitté l'Espagne, comme Carles Puigdemont, ou s'étaient retrouvés derrière les barreaux.

La condamnation pour sédition de neuf d'entre eux en octobre 2019 à des peines allant de 9 à 13 ans de prison avait entraîné des manifestations massives en Catalogne dont certaines avaient dégénéré en guérilla urbaine, en particulier à Barcelone. Rejetée par le Tribunal Suprême qui les avait condamnés, leur grâce n'est pas du goût de la majorité des Espagnols. Selon un récent sondage de l'institut Ipsos, 53% d'entre eux y sont en effet opposés, alors qu'une large majorité (68%) y est favorable en Catalogne.

Un pari politique ?

Vent debout, la droite a mobilisé le 13 juin plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de Madrid contre cette grâce, uniquement motivée, selon elle, par la volonté de Pedro Sanchez, dont le gouvernement minoritaire est soutenu par une partie des indépendantistes, de se maintenir au pouvoir. 

Pedro Sanchez, qui a prévu de s'adresser à la Chambre des députés le 30 juin pour expliquer cette mesure controversée, a en revanche reçu la semaine dernière l'appui du patronat espagnol, pourtant opposé à l'indépendantisme, ainsi que de l'Eglise catalane.

Selon plusieurs analystes, Pedro Sanchez fait maintenant ce pari très risqué politiquement car les prochaines élections nationales, prévues au plus tard en janvier 2024, sont suffisamment éloignées. Reste désormais à voir si cette mesure - qui ne concernera pas Carles Puigdemont, toujours poursuivi par la justice espagnole - pourra permettre de faire avancer le dialogue en Catalogne, où le nouveau président régional indépendantiste, Pere Aragonés, est un modéré.

Des indépendantistes campent toujours sur leur exigence d'un référendum d'autodétermination, une revendication que le gouvernement rejette catégoriquement.

S. V. avec AFP