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Espagne: des milliers d'agriculteurs manifestent dans les rues de Madrid

Venus des quatre coins de l'Espagne, des milliers d'agriculteurs ont laissé éclater leur colère dans les rues de Madrid. Comme en France, ils dénoncent les lourdeurs de "la paperasse" et réclament un meilleur "contrôle des importations".

"Le monde rural se meurt": le mouvement de colère des agriculteurs espagnols a gagné mercredi 21 février le centre de Madrid, où d'immenses colonnes de tracteurs ont manifesté contre la précarité du secteur, qui agite plusieurs pays européens.

Venus de toute l'Espagne, plusieurs milliers d'agriculteurs ont investi les rues de la capitale dans un concert de klaxons, de cloches de vaches et de tambours, à l'appel de l'organisation Union de Uniones (Union des Syndicats) mais aussi de groupes d'agriculteurs mobilisés sur les réseaux sociaux.

Parmi eux, 500 sont parvenus à rejoindre le centre-ville à bord de tracteurs, selon la préfecture. Regroupés en cinq colonnes d'une centaine de véhicules, ils ont rejoint le ministère de l'Agriculture derrière des pancartes indiquant: "le monde rural se meurt" ou "sans la campagne, la ville ne mange pas".

Tensions avec les forces de l'ordre

Point d'orgue d'un mouvement de colère ayant débuté voilà trois semaines, dans le sillage des manifestations organisées notamment en France et en Allemagne, cette manifestation a entraîné de nombreux embouteillages et suscité quelques tensions avec les forces de l'ordre.

"Ce que l'on souhaite, c'est être entendus, que les autorités comprennent qu'on ne peut plus continuer ainsi", a confié à l'AFP José Ignacio Rojo, 58 ans, venu manifester depuis Burgos (nord) contre des prix "qui ne permettent pas de vivre" et une "bureaucratie" jugée excessive.

Des tracteurs défilent dans les rues de Madrid, le 21 février 2024
Des tracteurs défilent dans les rues de Madrid, le 21 février 2024 © OSCAR DEL POZO / AFP

"Moi, je travaille 14 heures par jour. Et quand je finis mes journées dans les champs, il y a toujours de la paperasse qui m'attend", soupire le quinquagénaire, propriétaire avec sa fille d'une ferme de 330 hectares dédiée aux céréales et à l'élevage.

Un message relayé par Bernardino Hernandez, venu manifester avec une pancarte: "la bureaucratie ruine mon exploitation". "Rien que pour l'administration, il me faudrait une personne à plein temps, c'est impossible", assure cet agriculteur de 70 ans, chapeau de paille et moustache poivre et sel.

"Simplifier" les démarches, "contrôler" les importations...

Propriétaire de 40 hectares près de Cuenca (centre), ce viticulteur faisait travailler par le passé trois employés sur son exploitation. "Aujourd'hui, je n'en ai plus qu'un, à cause de la chute du prix du raisin", explique-t-il: "je travaille, mais je perds de l'argent".

Interrogé sur la télévision publique, le coordinateur national de Union de Uniones, Luis Cortés, a appelé le gouvernement espagnol à plus d'efforts pour "simplifier" les démarches administratives et protéger les agriculteurs, obligés pour beaucoup de "vendre à perte".

Il faut un meilleur "contrôle des importations", a plaidé le leader syndical, mettant en cause la concurrence déloyale des produits importés de pays non européens. Il faut qu'ils soient "soumis aux mêmes contraintes" environnementales "que celles imposées aux agriculteurs espagnols", a-t-il insisté.

Des agriculteurs manifestent à Madrid, le 21 février 2024
Des agriculteurs manifestent à Madrid, le 21 février 2024 © PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Outre ce rassemblement madrilène, plusieurs autres manifestations ont eu lieu mercredi en Espagne, notamment à Murcie (sud-est), Palencia (nord) et Malaga (sud), à l'appel cette fois-ci des trois organisations professionnelles représentatives du secteur: l'Asaja, la COAG et l'UPA.

Paquet de mesures

Dans un communiqué, le ministre de l'Agriculture Luis Planas a assuré être "pleinement impliqué" pour "apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs", en rappelant avoir dévoilé la semaine dernière un paquet de mesures de soutien au secteur à l'issue d'une rencontre avec les syndicats.

Le ministre s'est par ailleurs de nouveau engagé à défendre lundi à Bruxelles la mise en place de "clauses miroir", un mécanisme qui impose aux produits importés de respecter les mêmes règles que celles exigées aux agriculteurs européens.

Ce mouvement de colère agricole touche de nombreux autres pays européens depuis le début de l'année. En France, théâtre de vastes manifestations fin janvier, suspendues après une série d'annonces du gouvernement, une autoroute a de nouveau été coupée par des agriculteurs mercredi matin.

En Grèce, où des milliers d'agriculteurs et plus d'une centaine de tracteurs se sont rassemblés mardi devant le Parlement à Athènes, la manifestants ont commencé mercredi à quitter la ville. Ils doivent décider dans les prochains jours de la suite à donner au mouvement.

Face à cette flambée de colère, qui survient à quelques mois de élections européennes de début juin, la Commission européenne a elle aussi fait des concessions ces dernières semaines, notamment sur les objectifs de réduction de l'usage des pesticides dans l'UE.

F.B. avec AFP