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Espagne

Carles Puigdemont ne "mène pas une politique d'homme d'Etat"

Ulysse Gosset décrypte les derniers mouvements de l'exécutif catlan destitué.

Ulysse Gosset décrypte les derniers mouvements de l'exécutif catlan destitué. - BFMTV

La stratégie de l'exécutif catalan déchu n'a pas le mérite de la plus exemplaire clarté. Notre éditorialiste des questions internationales Ulysse Gosset décrypte les derniers rebondissements après l'exil-surprise de Carles Puigdemont et de cinq de ses ministres à Bruxelles.

Et si le match entre indépendantistes catalans et unionistes se jouait finalement dans les urnes? Après les violences lors d'un scrutin illégal contesté, une déclaration d'indépendance suspendue, une destitution de l'exécutif et du législatif catalans, une inculpation pour rébellion assortie d'une peine pouvant aller jusqu'à 30 ans de prison, le feuilleton continue avec l'exil de Carles Puigdemont (le président catalan destitué) à Bruxelles.

Mais que va-t-il, avec une partie de son gouvernement elle aussi déchue par Madrid, y chercher? Ulysse Gosset, spécialiste des questions internationales pour BFMTV, décrypte pour nous cet énième rebondissement alors que le principe d'élections le 21 décembre pour renouveler le pouvoir catalan après la mise sous tutelle de la région semble acquis.

Une stratégie habile pour "gagner du temps"

"Carles Puigdemont ne demande pas l'asile (politique à la Belgique, NDLR), mais il demande la protection de l'Europe et de Bruxelles. S'il est au cœur de l'Europe, comme il dit, c'est pour interpeller les Européens, pour les appeler à l'aide et obtenir cette médiation (avec Madrid) qu'il espère depuis des mois sans succès. Il est à Bruxelles pour semer la zizanie, pour dire: 'Je suis là, vous ne pouvez pas m'ignorer.' Il demande à l'Union européenne de prendre position, mais l'UE refuse pour l'instant de céder et ne reconnaît pas l'indépendance de la Catalogne", commente Ulysse Gosset.

Le spécialiste pointe aussi une spécificité de la loi belge qui arrange bien les affaires du séparatiste.

"La loi belge est intéressante puisque même si Carles Puigdemont ne demande pas l'asile, il peut bénéficier de protections légales qui en cas de poursuites lui donnent du temps pour contourner les demandes d'extraditions qui pourraient arriver. C'est la raison pour laquelle il a choisi l'un des meilleurs avocats spécialisés dans ces questions puisqu'il avait défendu les indépendantistes basques de l'ETA."

L'acceptation du scrutin du 21 décembre, fait essentiel

Finalement, analyse Ulysse Gosset, l'exécutif catalan destitué se plie bon gré, mal gré aux injonctions de Madrid... tout en tentant de faire bouger les lignes depuis Bruxelles.

"Au delà de toutes les pirouettes et de toutes les circonvolutions auxquelles nous sommes habitués, le fait majeur aujourd'hui est qu'il accepte le principe du scrutin du 21 décembre. Ce parti indépendantiste qui refusait la dissolution de son parlement accepte de présenter des candidats pour l'élection du futur parlement catalan. C'est ce que voulait le Premier ministre Mariano Rajoy. Carles Puigdemont a finalement été obligé de se plier à la nouvelle tutelle espagnole qui exigeait la dissolution du parlement, sa destitution et des élections. Le fait qu'il participe est une manière de suspendre la déclaration d'indépendance qu'il a lui-même effectuée.
On voit bien que l'enjeu pour tous les camps, tant du côté des indépendantistes que des unionistes est de gagner. Lui, espère l'emporter. Et il espère que ce sera un nouveau pied de nez au pouvoir central de Madrid. Ce scrutin est capital."

Mais Carles Puigdemont a-t-il les épaules, l'étoffe pour porter le projet d'indépendance catalane? Alors qu'il s'exprimait à Bruxelles, la Cour constitutionnelle espagnole a suspendu la déclaration d'indépendance et donner ainsi une suite favorable à un recours du gouvernement. Notre éditorialiste juge assez sévèrement la position et la stratégie de l'indépendantiste.

"On est dans une forme de surréalisme politique, avec un dirigeant un peu fantasque qui s'exprime dans toutes les langues, français, anglais espagnol ou catalan et il explique pourquoi, mais qui ne mène pas une politique à la hauteur. Ce n'est pas une politique d'homme d'Etat", tranche-t-il.

David Namias avec Ulysse Gosset