BFMTV
Europe

Des Ukrainiens de tous bords cherchent une écoute parisienne

L'Ukrainienne Lyudmyla Kozlovska et l'avocat polonais Bartosz Kramek.

L'Ukrainienne Lyudmyla Kozlovska et l'avocat polonais Bartosz Kramek. - -

Pro-russes ou pro-européens, les Ukrainiens se sont fait entendre à Paris, alors que la crise se poursuit.

Alors que la secrétaire d'Etat adjointe américaine Victoria Nuland parle d'envoyer l'UE "se faire foutre", les Ukrainiens de tous bords sont nombreux à penser que l'opinion dans les pays européens est importante dans le dénouement de leur crise nationale.

Ainsi, des visiteurs ukrainiens descendent sur Paris pour prêcher leur bonne parole. Prenons le bord dit "pro-russe". La semaine dernière, à l'Institut de la Démocratie et de la Coopération, fondation d'études et de débats politiques portées sur les relations Est-Ouest et à forte coloration russe, un conseiller gouvernemental ukrainien, Rostyslav Ishchenko, a fait le déplacement à Paris pour parler devant autant de personnes que pouvait tenir ce petit institut, sur le thème: "L'Ukraine: champ de bataille ou trait d'union entre l'Europe et la Russie?"

La Russie dans l'impasse

Entouré de quelques Russes et Français, Ishchenko réussit à faire regretter le divorce semi-certain entre Ukraine et Russie. D'autant plus que cela voudrait dire un divorce entre Ukraine de l'est et Ukraine de l'ouest. Un de ses postulats était que la différence entre Russes et Ukrainiens était presque artificielle. Les Ukrainiens à Moscou se sentent rapidement Russes, et les Russes installés en Ukraine avaient rapidement le sentiment d'être Ukrainiens. Pour exemple, un cousin proche, Russe et Estonien, installé en Ukraine et qui est nationaliste ukrainien!

Bref, pour le sentiment national russe, le divorce d'avec l'Ukraine sera traumatisant. Or l'intervention militaire russe serait un désastre. Donc la Russie est dans une impasse, un dilemme, et se trouve face au piège géopolitique dans une situation de perdant perdant (lose lose). Tout ceci sur double fond d'ingérence occidentale et surtout américaine grotesque dans Euromaidan, et de montée de la frange ultra-nationaliste galicienne, de ce Ouest ukrainien appelé Galicie, qui est presque une sous-partie distincte de l'Ukraine traditionnelle.

Ne pas ignorer la voie du milieu

Un spécialiste français, David Teurtrie de l'Inalco, a rajouté que l'économie ukrainienne était à la traîne de la russe et même de la biélorusse, et que le désir de s'éloigner de la Russie n'était pas un authentique calcul économique, mais plutôt un projet géopolitique; Lequel est fortement manipulé par –on l'aurait deviné– les Occidentaux, Américains en tête.

Côté pro-Euromaidan, d'autres personnes circulaient cette semaine dans Paris, venus de là-bas. Une Ukrainienne de Sébastopol, d'origine mixte mais très pro-ukrainienne malgré son isolement relatif dans sa ville natale. Lyudmyla Kozlovska, présidente tournante d'Open Dialog, ONG polonaise qui œuvre à l'évolution vers la démocratie réelle dans les sociétés "post-totalitaires". Accueillie dans les locaux du Barreau de Paris, elle rappelle les pressions psychologiques énormes que les Ukrainiens subissent sur la question de la démocratie. "L'immense majorité des gens à Sébastopol ont cru que mon billet d'autocar Sébastopol-Kiev était payé par des étrangers, alors que j'ai payé de ma poche. Ils étaient simplement incrédules face à l'idée que quelqu'un fasse une action politique autonome".

Pour elle, l'usage de la langue ukrainienne, elle qui parle russe, ukrainien, polonais et anglais, est un symbole de modernité et d'europhilie. Que pense-t-elle de l'extrême droite? Le parti Svoboda n'est pas extrémiste et a plus ou moins réussi sa mue europhile. Par contre, le groupe Secteur Droit, des hommes solides et militants qui sont prêts à en découdre avec la police dans un esprit révolutionnaire et raciste, est un mystère. Qui sont-ils? Des provocateurs infiltrés par le Kremlin? C'est bien possible selon elle.

Toujours est-il qu'il y a une radicalisation d'Euromaidan consécutive à l'adoption de lois répressives, le 16 janvier. Selon elle, pour faire reculer le radicalisme, il faut que le monde extérieur aide les modérés. Il faut que l'UE gèle les avoirs des pontes du régime Ianoukovitch, cela aiderait. Quant aux Français et autres Occidentaux qui font un calcul pro russe, "c'est un mauvais calcul. Aimer poutine, c'est être des idiots utiles".

Le mot de la fin de cette semaine de concurrence des visions ukrainiennes va à Rostyslav Ishchenko, et ne manque pas d'élévation d'esprit: "Toutes les solutions sont mauvaises, mais celle qui sortira est celle que nous avons tous ignoré, et qui serait la voie du milieu."

Harold Hyman