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Attentat de Berlin: l'antiterrorisme allemand sur la sellette

Le camion qui a servi à l'attentat est évacué à Berlin, le 20 décembre 2016.

Le camion qui a servi à l'attentat est évacué à Berlin, le 20 décembre 2016. - Odd Andersen - AFP

Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung ce jeudi le centre allemand de lutte antiterroriste avait traité du cas d'Anis Amri à de nombreuses reprises en 2016, mais avait jugé peu probable qu'il commette un attentat.

Dix jours après l'attentat qui a fait 12 morts à Berlin, les interrogations restent entières sur la façon dont Anis Amri, l'auteur présumé de l'attaque, a déjoué des mois de surveillance, avant de s'enfuir au nez et à la barbe des polices d'Allemagne et d'Europe.

Mais il transparaît que l'antiterrorisme allemand a sous-estimé le danger représenté par Anis Amri: selon le quotidien Süddeutsche Zeitung ce jeudi, le centre allemand de lutte antiterroriste avait traité du cas d'Anis Amri à de nombreuses reprises en 2016, mais avait jugé peu probable qu'il commette un attentat. BFMTV.com fait le point.

> Amri connu de la police comme "sympathisant" de Daesh

Selon le Süddeutsche Zeitung, le centre allemand de lutte antiterroriste (GTAZ) a traité à de nombreuses reprises du cas d'Anis Amri en 2016, mais a jugé "peu probable" qu'il commette un attentat.

Dans son ultime rapport rendu cinq jours avant l'attentat, l'antiterrorisme avait pourtant relevé qu'Amri disposait d'une "expérience (du fonctionnement) de la police" et de "la conspiration" inhabituelle, même pour un islamiste radical.

Les autorités allemandes savaient que le jeune tunisien entretenait des contacts étroits avec les milieux jihadistes allemands et avait été catalogué par la police de Dortmund "sympathisant" du groupe Daesh (l'acronyme en arabe de l'Etat islamique).

Le parquet fédéral a d'ailleurs confirmé jeudi l'authenticité de la vidéo dans laquelle Daesh revendique le pire attentat islamiste commis sur le sol allemand.

> Recherches sur internet sur la fabrication d'une bombe

Les enquêteurs étaient aussi informés de longue date qu'Amri avait cherché sur internet les moyens de fabriquer une bombe et avait, dans une discussion en ligne, proposé ses services comme kamikaze, probablement à un membre de Daesh, rapporte le Süddeutsche Zeitung.

> Surveillance policière levée faute d'éléments suffisants

Par ailleurs, les experts du GTAZ avaient établi que le Tunisien disposait de huit identités connues, circulait librement et constamment sur le territoire allemand et avait ses entrées dans une école islamique de Dortmund soupçonnée de préparer ceux voulant rejoindre les rangs de l'EI.

Peu après l'attentat, les autorités allemandes avaient déjà admis que le Tunisien, arrivé d'Italie comme demandeur d'asile, était connu des services de police et classé comme individu potentiellement dangereux depuis des mois.

De février à septembre, il a même été placé à Berlin sous surveillance policière car il était soupçonné de préparer un attentat, avant que l'affaire ne soit classée, faute d'éléments suffisants.

Parmi les zones d'ombre de l'enquête figurent toujours les 48 heures qui ont suivi l'attentat: les enquêteurs perdent la trace d'Amri le lundi soir à Berlin pour le retrouver mercredi soir aux Pays-Bas. Il aurait ensuite rejoint Lyon en car, puis Chambéry et Milan en train, où il a été tué dans la nuit du 22 au 23 décembre lors d'un contrôle policier de routine.

> La question des complices

La justice allemande a relâché jeudi son unique suspect de complicité dans l'attentat de Berlin, alors que l'antiterrorisme était mis en cause par la presse pour avoir sous-estimé la dangerosité d'Anis Amri, l'assaillant présumé.

"La suite des investigations a montré" que la personne arrêtée mercredi, un Tunisien de 40 ans, "n'était pas le possible contact d'Anis Amri", a indiqué à la presse une porte-parole du parquet fédéral compétent en matière de terrorisme, Frauke Köhler, annonçant sa remise en liberté.

Selon elle, il avait été arrêté car il était soupçonné d'être le destinataire d'une photo et d'un message envoyés par son compatriote de 24 ans, considéré par les autorités allemandes comme l'auteur de l'attentat du 19 décembre et tué vendredi en Italie.

Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung, quelques minutes avant de foncer dans la foule d'un marché de Noël, Anis Amri avait envoyé à une personne non-identifiée un selfie et un message disant "Mon frère prie, tout va bien, Dieu le veut, je suis dans la voiture, prie pour moi". Ces informations semblent accréditer l'existence d'une complicité au moins passive, thèse sur laquelle les enquêteurs concentrent leurs efforts depuis plus d'une semaine, pour l'instant sans résultat.

"Les investigations concernant d'éventuels autres participants, commanditaires ou personnes informées (du projet d'attentat, ndlr) se poursuivent avec une intensité inchangée", a assuré Frauke Köhler.

> Sa course mortelle arrêtée par le freinage automatique

Enfin, le parquet fédéral allemand a confirmé jeudi les informations de plusieurs médias allemands indiquant que le système de freinage automatique du poids lourd avait arrêté la course mortelle du camion après 70 à 80 mètres, évitant "des conséquences encore pire".

Le conducteur attitré du camion volé par Amri, Lukasz Urban, était déjà mort au moment de l'attentat, alors que dans un premier temps les enquêteurs envisageaient qu'il ait pu arrêter le véhicule. Il sera enterré vendredi en Pologne.
V.R. avec AFP