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Ebola: polémique après la contamination de l'infirmière espagnole

Le délégué du personnel de l'hôpital madrilène La Pas-Carlos III, ici le 7 août dernier, rejette la thèse de l'erreur humaine de l'infirmière.

Le délégué du personnel de l'hôpital madrilène La Pas-Carlos III, ici le 7 août dernier, rejette la thèse de l'erreur humaine de l'infirmière. - Gérard Julien - AFP

Agée de 44 ans, elle portait une double combinaison et deux paires de gants lorsqu'elle a été en contact avec un malade d'Ebola. Comment a-t-elle pu être contaminée malgré ces précautions?

L'inquiétude grandit en Espagne, alors qu'une infirmière espagnole a été contaminée par le virus Ebola au contact d'un patient hospitalisé à Madrid. L'hôpital La Pas - Carlos III est pourtant cité comme un hôpital de référence. Que s'est-il passé?

C'est apparemment en soignant un malade que cette femme d'une quarantaine d'année a été infectée. Elle est entrée dans la chambre du malade à deux reprises, l'une pour lui changer les langes et l'autre pour prendre ses vêtements après sa mort. La patiente a pris des vacances au lendemain du décès et aurait présenté des symptômes à partir du 30 septembre. Retour en trois questions sur un début de polémique en Espagne.

> Comment le personnel soignant est-il protégé?

La transmission du virus d'Ebola, ne se fait pas par voie aérienne comme la grippe ou la rougeole, mais par contact direct avec des fluides corporels de malades. Face à ces risques, les soignants sont en première ligne. Ils doivent donc se protéger en portant des masques sanitaires, des combinaisons, des lunettes de protection et des gants lors des soins aux malades et se laver régulièrement les mains avant et après un contact avec tout patient fiévreux. L'infirmière espagnole contaminée portait, selon ses collègues, une double combinaison et deux paires de gants.

Mais au-delà du corps du patient, le contact avec son environnement peut tout changer: "à la fin de la maladie, le virus est partout", explique sur BFMTV le professeur Elisabeth Bouvet, infectiologue à l'hôpital Bichat, à Paris. "Dans tous les liquides biologiques, mais aussi dans l'environnement du patient", comme les vêtements, les linges, etc.

Enfin, le traitement d'une personne décédée est décisif. Médecins sans frontières y est confronté tous les jours sur le terrain. "Le corps est placé dans un sac mortuaire, passé à la chlorine. Puis il est emmené à la morgue et le plus souvent, incinéré", explique le docteur Brigitte Vasset, directrice adjointe du département médical de MSF. Au sein de l'ONG, qui traite l'épidémie en Afrique de l'ouest, "tout se fait à deux. L'un surveille l'autre, pour éviter les effets de la fatigue ou une seconde d'inattention". 

> Une faille à l'hôpital Carlos III?

L'hôpital Carlos III à Madrid est réputé pour être un établissement de référence contre Ebola, comme l'a rappelé la Commission européenne mardi. Pourtant, les langues se délient du côté du personnel, qui refusent d'incomber la faute à l'infirmière contaminée. "Ce n'était pas une erreur humaine", affirme Elena Moral, du Syndicat national indépendant des fonctionnaires (CSI-F), citée par le quotidien espagnol El Pais. "C'était une erreur de protocole mal enclenché et qui n'a pas fonctionné de façon adéquate. (…) Nous n'avions pas les infrastructures suffisantes pour faire face à un virus de cette ampleur", ajoute-t-elle. "Le seul protocole qu'il y a eu pour nous, c'est un cours de 15 minutes pour expliquer comment on met et on enlève la combinaison", accuse encore une employée de l'hôpital.

Toujours selon le personnel, le matériel utilisé pour soigner les deux malades d'Ebola a été jeté via un ascenseur de service utilisé par des dizaines de personnes tous les jours. Les blouses utilisées ne seraient par ailleurs pas totalement imperméables. Antonio Caballero, représentant du personnel de l'hôpital, affirme de son côté que les autorités sanitaires espagnoles ont "peur parce qu'une certaine partie du protocole n'a pas fonctionné", rapporte encore El Pais.

Face à une montée de l'inquiétude en Europe, la Commission européenne a demandé à l'Espagne des "éclaircissements" pour détecter la faille qui a permis la contamination.Le problème, une fois identifié, "servira de leçon aux autres" pays, a estimé Frédéric Vincent, le porte-parole de la Commission.

> La transmission d'Ebola est-elle possible en France?

"Statistiquement, il y aura des cas de transmissions", admet Christian Bréchot, directeur général de l'Institut Pasteur sur BFMTV. Mais il se veut rassurant: "dans les pays comme l'Espagne, on peut parfaitement contrôler la transmission, et les mesures d'isolement sont efficaces. Il faut s'inquiéter, mais une fois qu'on a mis en place les mesures de protection, il ne faut pas céder à la panique."

A l'hôpital parisien Bichat, où Elisabeth Bouvet est infectiologue, "les formations ont été renforcées depuis le mois d'août dernier". Habillage, déshabillage, désinfection… "plusieurs centaines de personnes ont été formées", avec des exercices et des mises en situation pratique. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, et même François Hollande se sont vus rassurants sur le sujet. Le message est clair: la France se dit prête à affronter la transmission d'Ebola sur son sol.

https://twitter.com/ariane_k Ariane Kujawski Journaliste BFMTV