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Deux ans après #MeToo, le procès du producteur Harvey Weinstein s'ouvre à New York ce lundi

Harvey Weinstein

Harvey Weinstein - EDUARDO MUNOZ ALVAREZ / AFP

Parmi plus de 80 accusations d'harcèlement ou agression sexuelle, le procès ne concerne directement que deux femmes. Une condamnation de cet ancien patron du studio Miramax serait une victoire majeure pour le mouvement #MeToo.

Le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein est attendu ce lundi à New York à l'ouverture de son procès ultra-médiatisé pour agressions sexuelles, deux ans après un scandale qui a engendré le mouvement #MeToo et fait tomber de nombreux hommes de pouvoir.

Depuis les révélations du New York Times, le 5 octobre 2017, plus de 80 femmes, y compris des célébrités comme Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie ou Léa Seydoux, ont accusé cet ancien magnat hollywoodien de 67 ans de les avoir harcelées ou agressées sexuellement.

Le procès ne concerne directement que deux femmes

Mais le procès ne concerne directement que deux d'entre elles, témoin de la difficulté de construire un dossier pénal sans preuve matérielle et sans témoin, autour d'allégations qui remontent souvent à plusieurs années.

L'ancienne assistante de production Mimi Haleyi affirme qu'Harvey Weinstein l'a agressée sexuellement dans son appartement new-yorkais en juillet 2006. La seconde victime présumée, demeurée anonyme, l'accuse elle d'un viol en mars 2013 dans une chambre d'hôtel, également à New York. L'acte d'accusation a été modifié en août pour inclure l'actrice Annabella Sciorra, qui affirme avoir été sexuellement agressée par Harvey Weinstein en 1993.

Si les faits la concernant sont prescrits, ils doivent permettre à l'accusation d'étayer le chef d'inculpation de comportement sexuel "prédateur", qui fait risquer la perpétuité au producteur.

Une condamnation serait une victoire majeure pour #MeToo

Une condamnation de l'ancien patron du studio Miramax serait une victoire majeure pour le mouvement qui combat harcèlement sexuel et discrimination à Hollywood et au-delà. Car plus de deux ans après la naissance de #MeToo, si de nombreux hommes de pouvoir dénoncés par ce mouvement sont tombés en disgrâce, la quasi-totalité a échappé à des poursuites pénales. 

Le seul autre procès en vue concerne le chanteur R. Kelly, inculpé l'an dernier d'une série d'agressions sexuelles sur des jeunes femmes, parfois mineures. En septembre 2018, l'acteur américain Bill Cosby a certes été condamné à une peine minimum de trois ans de prison, mais les poursuites avaient été initiées fin 2015, avant la déferlante post-Weinstein.

"Suivi dans le monde entier"

"Il est clair que ce sera le procès pénal le plus en vue aux Etats-Unis", qui "sera suivi dans le monde entier", a résumé Gloria Allred, avocate de Mimi Haleyi et de l'actrice Annabella Sciorra.

Le juge d'Etat James Burke a accepté que la comédienne de 59 ans, qui dit avoir été violée par l'accusé durant la période 1993-94, témoigne au procès.

Si Harvey Weinstein est devenu un paria pour l'opinion depuis deux ans, l'accusation est loin d'être assurée d'obtenir la condamnation de celui qui fut le producteur indépendant le plus puissant du monde. Bien avant l'ouverture du procès, censé durer environ six semaines, les avocats du sexagénaire ont tenté de saper les témoignages des deux victimes présumées.

La défense a ainsi déjà produit courriers électroniques et textos montrant qu'elles étaient chacune restées en contact avec leur agresseur présumé plusieurs mois après les faits supposés. 

Des faits rapportés qui ne "sont qu'une partie de l'histoire"

Ces échanges "vous amèneront à penser que les faits rapportés jusqu'ici ne sont qu'une partie de l'histoire", affirmait en juillet l'avocate Donna Rotunno, qui mènera l'équipe de cinq avocats chargés de défendre Harvey Weinstein. Cette avocate de Chicago est connue pour avoir défendu plusieurs hommes accusés d'agression sexuelle et pour sa pugnacité. 

Connu pour son impatience et ses accès de colère, l'ex-producteur a changé plusieurs fois d'avocats avant de choisir cette pénaliste de Chicago qui a déjà défendu, avec succès, des dizaines d'hommes accusés de harcèlement ou d'agression sexuelle.

En face, l'accusation a obtenu, outre Annabella Sciorra, de pouvoir faire témoigner trois autres victimes présumées d'Harvey Weinstein, pour pouvoir brosser le tableau d'un prédateur sexuel insatiable.

Weinstein dit être en prise à des "démons intérieurs"

Le producteur a admis des "erreurs" et être en prise à des "démons" intérieurs, mais il a toujours affirmé que ses relations sexuelles étaient toutes consenties. Il a déclenché un tollé mi-décembre en s'indignant, dans un entretien au New York Post, de ne pas être reconnu comme un pionnier de la promotion des femmes à Hollywood.

"Les jurés et le juge sont censés ignorer tout ça", explique Joseph Cabosky, professeur à l'université de Caroline du Nord, "mais on sait très bien que c'est impossible".

Joan Illuzzi-Orbon, la procureure, adjointe du procureur de Manhattan Cyrus Vance, mènera l'accusation lors du procès, forte de plus de trois décennies d'expérience. Avant le début du procès, elle a obtenu le relèvement de la caution de l'accusé, qu'elle accusait de prendre des libertés avec sa surveillance électronique. Elle dirigeait en 2011 l'équipe qui enquêtait sur Dominique Strauss-Kahn et l'incident du Sofitel. Elle avait recommandé l'abandon des poursuites, finalement acté, contre le directeur du Fonds monétaire international.

Aucune des superstars attendues à la barre

Si aucune des superstars qui ont accusé Harvey Weinstein de les avoir harcelées ou agressées, comme Ashley Judd, Gwyneth Paltrow ou Angelina Jolie, ne sont attendues à la barre, certaines -comme Rosanna Arquette- ont prévu d'assister à certaines audiences.

A.J. avec AFP