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Décret anti-immigration: une iranienne raconte son expulsion

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- - Des jeunes avocats se relaient à l'aéroport JFK de New-York, pour aider les voyageurs interpellés à la suite du décret anti-immigration DON EMMERT / AFP

Sara Yarjani, étudiante iranienne aux Etats-Unis, a été empêchée d'entrer sur le territoire américain. Elle raconte son expulsion depuis l'aéroport de Los Angeles.

Sara Yarjani croyait franchir les contrôles sans problème, comme d'habitude, en arrivant vendredi dernier à l'aéroport de Los Angeles: cette étudiante iranienne n'avait aucune idée du chaos que venait de déclencher un décret anti-immigration de Donald Trump.

Elle ignorait que 23 heures plus tard, elle serait expulsée et deviendrait l'une des premières victimes du décret signé le jour même par le nouveau président américain, interdisant temporairement l'entrée aux Etats-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane dont l'Iran.

Sara, qui s'est entretenue lundi soir avec l'AFP depuis Vienne où elle dispose d'un statut de résident permanent, explique que son calvaire a débuté peu après l'atterrissage de son avion vendredi soir alors que le décret anti-immigration était entré en vigueur, sans qu'elle le sache.

"J'avais été en vacances au Canada pour voir ma soeur avant d'aller en Autriche et je rentrais pour reprendre les cours", raconte cette jeune femme de 35 ans, diplômée d'université et étudiant la santé holistique au California Institute for Human Science, situé au nord de San Diego.

Quatre heures d'interrogatoires et de fouilles

"Je ne m'attendais pas du tout à être arrêtée. Je suis déjà entrée à plusieurs reprises dans ce pays et j'ai toujours été très bien traitée", poursuit-elle, "je franchissais d'habitude les contrôles douaniers en quelques minutes".

Cette fois, elle a vite compris que les choses avaient changé. L'agent des services de l'immigration auquel elle avait tendu son passeport l'a conservé et l'a emmenée dans une salle d'attente.

Elle a alors dû se tenir debout contre un mur, les bras levés, pour subir une fouille au corps effectuée par deux policières aboyant leurs consignes. Puis se voir intimer l'ordre de retirer son foulard, ses bijoux et les lacets de ses chaussures. Puis devoir remettre tout l'argent liquide dont elle disposait ainsi que son téléphone portable.

Elle allait retrouver plus tard ses effets personnels. Mais entretemps elle a dû subir quatre heures d'attente et d'interrogatoires, avec interdiction de passer le moindre coup de fil. Un policier affirmant que son visa d'étudiante n'était plus valable l'a obligée à signer un formulaire par lequel elle donnait son accord pour l'expulsion.

Des opposants au décret Trump limitant l'immigration manifestent à l'aéroport JFK de New York, le 30 janvier 2017
Des opposants au décret Trump limitant l'immigration manifestent à l'aéroport JFK de New York, le 30 janvier 2017 © Konrad Fiedler, AFP

Pagaille dans les aéroports américains

"Le policier m'a dit 'vous avez deux possibilités: soit vous acceptez et vous êtes d'accord pour partir de votre plein gré, soit vous serez expulsée de force au risque d'être interdite de revenir aux Etats-Unis durant un à cinq ans voire plus' ", se souvient-elle.

"Le policier s'exprimait sur un ton très menaçant et je sentais que je n'avais pas le choix".

C'est peu après minuit, lorsqu'elle a été autorisée à téléphoner brièvement à sa soeur pour l'informer de son expulsion, que Sara s'est rendue compte de la pagaille qui régnait dans les aéroports américains à cause du décret anti-immigration.

Une juge annule le décret avant son départ

"Je suis arrivée à Los Angeles à 20h35 vendredi et repartie à 19H30 le lendemain", se remémore-t-elle.

Alors que deux policières armées l'escortaient pour son vol de retour vers l'Europe, elle a pu rapidement jeter un coup d'oeil à son téléphone portable et voir qu'une juge avait partiellement bloqué l'application du décret.

"J'ai dit à l'une des policières qu'une juge avait pris une décision contre le décret et que je ne devais pas être mise dans l'avion, mais tout ce qu'elle m'a dit c'est 'ah, génial' tout en m'ordonnant de continuer à avancer", raconte-t-elle.

Soutenue par les responsables de son université

De retour en Autriche chez ses parents, Sara essaie toujours de comprendre ce qui s'est passé et de déterminer la conduite à tenir.

"J'ai travaillé si dur depuis un an et demi et cela a été si compliqué de pouvoir aller étudier là-bas un sujet qui me passionne réellement".

Elle souligne avoir été très soutenue par les responsables de son université qui se sont inquiétés de son sort, alors que des avocats de l'American Civil Liberties Union (ACLU) lui ont proposé leur aide.

"J'ai été traitée comme si j'avais commis un acte vraiment répréhensible", s'étonne-t-elle, "je ne pense pas que faire des études pour aider les gens soit un crime qui mérite l'expulsion".

G.D. avec AFP