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Crise ukrainienne: pour Hollande, Poutine ne "comprend que le rapport de force"

L'ancien président français, qui a négocié les accords de Minsk avec Moscou en 2014, estime que "l'est de l'Ukraine est désormais possession russe" et regrette qu'Emmanuel Macron ait souhaité "amadouer" Vladimir Poutine au début de son quinquennat.

Ce lundi soir, le président russe Vladimir Poutine a officiellement reconnu l'indépendance des Républiques de Donetsk et de Lougansk, légitimant ainsi une éventuelle offensive militaire dans ces territoires russophones situés dans la région ukrainienne du Donbass. François Hollande, qui a négocié les accords de Minsk avec Moscou en 2014, analyse les raisons du franchissement de cette ligne rouge.

"Un acte extrêmement grave"

"Il y a un acte extrêmement grave qui a été posé par Vladimir Poutine. D'une certaine façon, c'est un acte de force (...). Il ne fait pas les choses par hasard, il a des objectif. C'est ce que les Occidentaux peut-être peinent à comprendre. Il ne comprend que le rapport de force. (...) Ce que vient de faire Poutine après une longue séquence de fausses négociations, c'est d'engranger l'est de l'Ukraine. Si on veut regarder les choses crûment aujourd'hui, l'est de l'Ukraine est possession russe", a expliqué l'ancien chef de l'État ce mardi matin sur BFMTV-RMC.

Deux décrets du président russe, signés après une allocution télévisée, reconnaissent les "républiques populaires" de Donetsk et Lougansk et demandent au ministère de la Défense que "les forces armées de la Russie (y assument) les fonctions de maintien de la paix".

De ce déploiement militaire, ni calendrier ni informations sur son éventuelle ampleur n'ont été précisés.

"Toute faiblesse du camp occidental est utilisée"

Alors qu'Emmanuel Macron s'est rendu à Moscou mi-février pour longuement échanger avec le président russe, suivi par le chancelier allemand, ces heures de négociation n'ont pas permis de déminer la situation, juge l'ancien locataire de l'Élysée.

"Il pense que nous sommes, nous Occidentaux, faibles, dans le court-terme et d'une certaine façon dans l'accommodement, que nous ne sommes pas prêts à nous battre pour notre indépendance, que nous sommes toujours prêts à faire des concessions (...). Toute faiblesse du camp occidental est utilisée. Il voulait montrer qu'il était le maître du jeu et que tous les dirigeants venaient à Moscou", a encore regretté François Hollande.

"Je n'aurais pas offert des cadres symboliques" à Poutine

L'ex-président porte d'ailleurs un regard sévère sur la stratégie déployée par Emmanuel Macron au début de son mandat. Quelques semaines après son arrivée à l'Elysée, il avait accueilli avec faste Vladimir Poutine à Versailles, avant de l'inviter au fort de Brégançon à l'été 2019.

"Je pense que comme tout président arrivant en responsabilité, (Emmanuel Macron) a cherché à établir des relations avec les principaux dirigeants du monde et avec Poutine, c'était légitime. Fallait-il lui offrir des cadres symboliques, Versailles ou Brégançon, je ne sais pas. Je ne l'avais pas fait. Poutine est très attentif aux symboles. Je crois qu'il y a eu l'idée qu'il pourrait être amadoué. Non (....). Ce qui compte, c'est la robustesse, la consistance de nos positions", a encore insisté François Hollande.

La Russie a assuré ce mardi être toujours "prête" à des négociations avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui doit rencontrer jeudi à Genève son homologue russe, Sergueï Lavrov.

Marie-Pierre Bourgeois