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Russie

De l'espoir d'un sommet à l'entrée des chars russes en Ukraine, comment la situation s'est dégradée en une journée

Alors qu'une sortie de crise semblait envisageable lundi matin, la prise de parole de Vladimir Poutine dans la soirée est finalement venue faire éclater les espoirs de paix en Ukraine.

On pensait être plus proche de la paix que de la guerre. Mais au fil des heures ce lundi, la situation s'est nettement détériorée en Ukraine, avec pour épilogue la prise de parole de Vladimir Poutine, qui a annoncé reconnaître l'indépendance des séparatistes prorusses, s'attirant les foudres de la communauté internationale. Récit d'une journée d'escalade et de tensions.

· L'espoir d'un sommet Biden-Poutine

Tard dans la nuit de dimanche à lundi, un communiqué de l'Elysée vient apporter l'espoir d'une sortie de crise dans le dossier ukrainien. Un accord de principe a été trouvé pour organiser une rencontre entre les présidents russe Vladimir Poutine et américain Joe Biden, au bout de longs échanges téléphoniques initiés par leur homologue français Emmanuel Macron.

Une rencontre qui ne pourra se tenir "que si la Russie n'envahit pas l'Ukraine", prévient la présidence française.

· Le Kremlin fait finalement machine arrière

C'est une première annonce qui vient ébranler les espoirs d'une sortie de crise. Alors que les contours d'un sommet semblent se dessiner, le Kremlin juge finalement "prématurée" l'organisation d'une rencontre entre les présidents américain et russe. Selon Moscou, il faut avant tout se concentrer sur le dialogue entre les ministres des Affaires étrangères avant d'imaginer un sommet entre dirigeants.

"Il y a une entente sur le fait de devoir continuer le dialogue au niveau des ministres (des Affaires étrangères). Parler de plans concrets d'organisation de sommets est prématuré", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

· La Russie accuse l'Ukraine d'avoir détruit l'un de ses postes-frontières

Sur fond de combats entre forces de Kiev et séparatistes prorusses dans l'Est de l'Ukraine, les services de sécurité russes accusent l'Ukraine d'avoir tiré un obus sur une structure d'un de ses postes-frontières, sans faire de victimes. Une vidéo attribuée au FSB et publiée par l'agence publique Ria Novosti montre un petit bâtiment éventré au milieu d'une plaine boisée, des décombres éparpillés sur le sol.

Les forces armées de l'Ukraine démentent dans la foulée ces accusations, en évoquant un acte de désinformation russe.

"On ne peut pas les empêcher de produire ces fausses informations (...) mais nous insistons sur le fait que nous ne tirons sur aucune infrastructure civile ou sur la région de Rostov" en Russie, a déclaré Pavlo Kovalchuk, porte-parole des forces armées ukrainiennes, ajoutant qu'il "n'y a pas de tirs d'artillerie sur les forces d'occupation russes."

· Poutine déclare que le processus de paix en Ukraine n'a "aucune perspective"

Le président russe estime au cours d'une réunion du Conseil de sécurité russe, que les accords de paix de Minsk entre l'Ukraine et les séparatistes pro-russes n'ont "aucune perspective". Cette remarque fait suite à une présentation de son chargé des négociations de paix en Ukraine, Dmitri Kozak, qui estime lui-même que le processus de négociation "est au point mort depuis 2019" et que "jamais" les autorités ukrainienne ne mettront en oeuvre les accords.

Plus tôt dans la journée, dans l'Est de l'Ukraine, les leaders des deux territoires séparatistes pro-russes, la République populaire de Donetsk et celle de Lougansk, avaient demandé à Vladimir Poutine de reconnaître leur indépendance. En déclarant qu'il étudie la question, le président russe fait un pas de plus vers la rupture des accords de paix.

Au cours d'une allocution télévisée Vladimir Poutine l'annonce: il décide de reconnaître l'indépendance des séparatistes prorusses d'Ukraine, et signe dans la foulée des accords "d'amitié et d'entraide" avec ces territoires.

Une reconnaissance qui vient court-circuiter le processus de paix issu des accords de Minsk de 2015, signé par la Russie et l'Ukraine, sous médiation franco-allemande, et qui visait justement un retour sous souveraineté ukrainienne de ces zones.

La décision est vivement dénoncée par la communauté internationale. L'Union européenne y voit une "violation flagrante du droit international" et annonce qu'elle va réagir "avec fermeté".

Après avoir organisé un Conseil de défense en présence des principaux ministres et hauts responsables chargés des questions de défense et de sécurité, Emmanuel Macron "condamne" à son tour "la décision prise par le Président de la Fédération de Russie de reconnaître les régions séparatistes de l'est de l'Ukraine".

"Il s’agit clairement d'une violation unilatérale des engagements internationaux de la Russie et d'une atteinte à la souveraineté de l'Ukraine. Il demande une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que l'adoption de sanctions européennes ciblées", ajoute la présidence de la République.

Avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le président américain Joe Biden, Emmanuel Macron estime que la reconnaissance russe des régions séparatistes "ne restera pas sans réponse".

· Poutine ordonne à l'armée russe de "maintenir la paix" dans les territoires séparatistes

Les troupes russes vont entrer en territoire ukrainien. Après avoir reconnu leur indépendance, Vladimir Poutine ordonne à l'armée russe de "maintenir la paix" dans les territoires séparatistes prorusses d'Ukraine.

Une question reste en suspens: sur quelle zone Vladimir Poutine va-t-il mandater ses troupes? Depuis 2014, une partie du Donbass n'est plus sous contrôle des autorités ukrainiennes, mais aux mains des séparatistes. Mais le reste du Donbass reste aujourd'hui sous le contrôle de Kiev.

Les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l'ONU demandent une réunion d'urgence lundi soir en réaction à la reconnaissance de l'indépendance des territoires séparatistes en Ukraine et à la possible entrée de troupes russes dans le pays.

"Les prochaines heures et jours seront critiques. Le risque de conflit majeur est réel et doit être évité à tout prix", y déclare au début de la réunion la secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo.

L'ONU déplore "l'ordre de déployer des troupes russes dans l'est de l'Ukraine". Quant à l'ambassadeur ukrainien, il affirme que "les frontières de l'Ukraine ne changeront pas". Du côté de la Russie, on continue de faire preuve de fermeté, mais on n'exclut pas une résolution de ce conflit par des voies non-militaires, tout en faisant preuve de fermeté, affirmant ne pas avoir "l'intention de permettre un bain de sang dans le Donbass".

Louis Augry