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TOUT COMPRENDRE - Qu’est-ce que le traité New Start, auquel la Russie suspend sa participation?

Barack Obama et Dmitri Medvedev signent le nouveau traité de réduction des armes stratégiques (START) à Prague, le 8 avril 2010.

Barack Obama et Dmitri Medvedev signent le nouveau traité de réduction des armes stratégiques (START) à Prague, le 8 avril 2010. - YURI KADOBNOV / AFP

Vladimir Poutine a déclaré que la Russie allait suspendre sa participation à ce traité sur le désarmement nucléaire. Depuis l'invasion de l'Ukraine, le Kremlin a brandi à plusieurs reprises la menace nucléaire.

Une "grave erreur" selon Joe Biden, une "décision irréfléchie" pour le gouvernement britannique. Ce mercredi, les deux chambres du Parlement russe ont acté à l'unanimité la suspension du traité New Start. La veille, Vladimir Poutine avait annoncé, dans son discours à la Nation, le retrait de cet accord sur le désarmement nucléaire, se disant en outre prêt à renouer avec les essais nucléaires.

• Quel est ce traité?

Le traité New Start est un héritage de la guerre froide portant sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération. Il a été signé entre les États-Unis et la Russie en avril 2010 à Prague par les présidents d'alors Barack Obama et Dmitri Medvedev. Il s'agit du dernier accord bilatéral du genre liant les deux pays.

Il vise à limiter les arsenaux nucléaires de ces deux puissances et fait suite au premier traité Start I (Strategic Arms Reduction Treaty, Traité sur la réduction des armes stratégiques, en français) signé en 1993 par George Bush et Mikhaïl Gorbatchev.

Le New Start fait alors partie intégrante de la politique du "reset", mise en place par Barack Obama en 2009 pour tenter de "réinitialiser" les relations avec le Kremlin. Plusieurs mois d'intenses négociations ont été nécessaires pour parvenir à la signature de cet accord. Il doit en principe expirer en 2026.

• Que contient-il?

Le traité New Start vise à limiter l'arsenal nucléaire de la Russie et des États-Unis, qui détiennent environ 90% du stock mondial. Les deux pays ne peuvent ainsi pas déployer plus de 1550 ogives chacun, soit une réduction de près de 30% par rapport à la limite précédente fixée en 2002.

L'accord limite aussi le nombre de lanceurs et bombardiers lourds à 800... Ce qui reste suffisant pour détruire la Terre plusieurs fois.

En outre, les signataires s'engagent également dans une démarche de transparence mutuelle puisque le traité implique aussi des inspections de sites militaires et nucléaires, un pilier de la politique de désarmement dite du "Faites confiance, mais vérifiez", prônée par l'ancien locataire de la Maison Blanche Ronald Reagan.

• Comment se portait jusque-là l'accord?

Ce sont notamment ces visites d'inspection qui avaient déjà fragilisé l'accord. En août dernier, le Kremlin avait annoncé suspendre les inspections américaines prévues sur ses sites militaires, en réponse à des supposées entraves américaines aux inspections russes similaires aux États-Unis, notamment à cause des restrictions de voyages depuis le début de l'invasion de l'Ukraine.

Alors que le ton était un peu retombé à propos des menaces d'une frappe nucléaire de la Russie en l'Ukraine, une réunion avait été prévue du 29 novembre au 6 décembre 2022 au Caire pour discuter d'une possible reprise des inspections. Mais la veille de la réunion, Moscou avait annoncé son report sine die, accusant Washington d'"hostilité" et de "toxicité".

Avant même la guerre en Ukraine, les relations entre Moscou et Washington étaient à un plus bas depuis la fin de la Guerre froide. L'accord n'avait pas été renouvelé sous la présidence de Donald Trump. Moscou et la nouvelle administration de Joe Biden avaient trouvé un accord in extremis en janvier 2021 pour le prolonger de cinq ans, jusqu'au 5 février 2026, dans un climat de défiance mutuelle.

• Que reproche Vladimir Poutine à ce traité?

C'est le président russe qui a directement annoncé la suspension du traité New Start lors de son discours à la nation ce mardi. Il a qualifié de "théâtre de l'absurde" le fait que l'Otan ait réclamé que la Russie applique New Start et autorise "l'accès aux inspections des sites nucléaires militaires" russes.

"Via les représentants de l'Otan, on nous adresse des ultimatums: 'Vous, la Russie, faites tout ce sur quoi on s'est mis d'accord, notamment New Start, et nous, nous ferons ce que bon nous semble'", a-t-il accusé.

Vladimir Poutine a suggéré que l'Otan rejoigne le New Start car "les États-Unis ne sont pas la seule puissance nucléaire". "La France et la Grande-Bretagne ont aussi des arsenaux nucléaires, elles les perfectionnent, les modernisent et ils sont dirigés contre nous", a-t-il ajouté, affirmant que ces arsenaux "font partie du potentiel de frappe combiné de l'alliance".

En outre, la Russie pointe du doigt la mise au point par Washington de systèmes capables d'arrêter les ogives.

• Quelles conséquences?

Le ministère russe des Affaires étrangères a toutefois précisé ce mardi que Moscou continuerait de respecter la limitation de son arsenal nucléaire malgré la suspension du New Start, jusqu'à la fin effective du traité le 5 février 2026.

La Russie a aussi affirmé qu'elle pourrait revenir sur cette suspension si Washington, qu'elle accuse de multiples violations, faisait preuve de "bonne foi" en vue d'une "désescalade globale".

Les propos de Vladimir Poutine n'impliquent pas que la Russie augmentera son nombre de têtes nucléaires. Mais le Kremlin se réserve néanmoins le droit de mener des essais nucléaires au cas où les États-Unis le feraient "en premier". Il a aussi appelé les forces russes à se tenir "prêtes réaliser à des essais d'armes nucléaires".

Le traité New Start revêtait avant tout d'une portée symbolique: malgré leurs divergences, les deux pays pouvaient s'entendre sur la question de la non-prolifération nucléaire. Déjà en 2019, les États-Unis, sous l'égide de Donald Trump, étaient sortis du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, un autre accord portant sur une certaines catégories de missiles nucléaires.

• Quelles réactions internationales?

Les réponses occidentales sont unanimes et attestent de la détérioration des relations avec la Russie. Dès l'annonce de Vladimir Poutine, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a qualifié cette décision de "très décevante et irresponsable", tout en assurant que les États-Unis restaient "prêts à discuter sur les armes stratégiques" avec Moscou.

Ce mercredi, Joe Biden a qualifié depuis Varsovie ce choix de "grave erreur", tandis que le gouvernement britannique a appelé le Kremlin à revenir sur sa "décision irréfléchie".

Paris a rappelé que le traité New Start constituait "un instrument essentiel de l'architecture internationale de maîtrise des armements nucléaires et de stabilité stratégique".

Du côté de l'Otan, le secrétaire général Jens Stoltenberg a pour sa part dit "regretter" la mesure russe.

Salomé Robles avec AFP