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Japon

Architecture, simulation géante, système d'alerte... Comment le Japon se prépare aux séismes

Hanté par le souvenir de tremblements de terre meurtriers, l'archipel nippon a adopté des normes antisismiques parmi les plus strictes au monde.

Un puissant séisme a ravagé lundi 1er janvier la péninsule de Noto, dans le centre du Japon, tuant 48 personnes selon un bilan encore provisoire. Parmi les plus de 150 secousses importantes ressenties jusqu'à mardi matin, la plus intense a été enregistrée à une magnitude de 7,5 selon l'Institut américain de géophysique (USGS).

Situé sur la "ceinture de feu" du Pacifique, à la rencontre de plusieurs plaques tectoniques, le Japon est l'un des pays où les tremblements de terre sont les plus fréquents. Le pays a depuis un siècle ancré le risque sismique dans sa culture, jusqu'à devenir une référence en matière de prévention.

· Une population très sensibilisée

Hantés par le souvenir de terribles catastrophes, comme le séisme ayant emporté 6.500 personnes à Kobé en 1995, ou celui ayant entraîné un gigantesque tsunami en 2011, les habitants sont sensibilisés dès le plus jeune âge au risque de séisme.

À la moindre secousse, les Japonais savent qu'ils doivent couper le gaz et se précipiter sous une table. Dans leur vie quotidienne, ils adoptent aussi des réflexes simples, comme le fait d'éviter de placer des objets lourds en hauteur. À l'école, les petits Japonais sont nombreux à garder dans leur casier un casque de protection.

Au cas où ils se retrouveraient prisonniers des décombres, certains habitants achètent des kits de survie pour tenir jusqu'à l'arrivée des secours. Les pouvoirs publics anticipent eux aussi. Au 1er avril 2023, les autorités locales à Tokyo stockaient ainsi 9,5 millions de repas instantanés (riz, nouilles, biscuits secs) dans quelque 400 entrepôts.

Des écoliers de Tokyo s'abritent sous les tables pendant un exerce antisismique, le 1er septembre 2023
Des écoliers de Tokyo s'abritent sous les tables pendant un exerce antisismique, le 1er septembre 2023 © YOSHIKAZU TSUNO / AFP

"Cette culture de la prévention se distingue aussi par la diffusion extrêmement large d’informations, non seulement en période de vigilance, mais aussi en période dite de calme, entre deux aléas ou catastrophes", précise une note de l'Institut français des relations internationales (Ifri) publiée en 2019.

"Les collectivités territoriales sensibilisent la population en éditant et distribuant par exemple des brochures de prévention. Ensuite, les médias remplissent leur devoir légal en matière de prévention en diffusant largement les informations utiles à la sauvegarde de la population", détaille le chercheur Jean-François Heimburger, auteur de la note.

· Une simulation géante chaque année

Depuis 1960, le 1er septembre est une journée nationale de prévention sismique, durant laquelle des exercices de simulation et d'entraînement aux premiers secours sont effectués dans les écoles, entreprises et administrations.

La date correspond à la commémoration du tremblement de terre de Kanto en 1923, un drame qui fit plus de 100.000 morts et constitua une bascule dans la prise en compte du risque sismique au Japon.

Pour le centenaire de la catastrophe, l'exercice de septembre dernier était basé sur le scénario d'un séisme de magnitude 7,3 frappant le centre de Tokyo peu après 7 heures du matin, déclenchant de puissantes secousses dans l'ensemble de la zone métropolitaine, détaillait la télévision publique japonaise NHK.

Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (à gauche) tient une conférence de presse fictive à Tokyo lors de la Journée de la prévention des catastrophes, le 1er septembre 2023
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (à gauche) tient une conférence de presse fictive à Tokyo lors de la Journée de la prévention des catastrophes, le 1er septembre 2023 © STR / JIJI Press / AFP

Le gouvernement tout entier a été mobilisé. Au petit matin, les ministres se sont réunis pour mettre en place "une équipe spéciale d'intervention d'urgence" et organiser "la réponse des autorités. Le Premier ministre Kishida Fumio a même pris la parole lors d'une conférence presse fictive pour expliquer l'action de son gouvernement et rappeler aux habitants les règles de sécurité.

· Un système d'alerte performant

Le pays possède également un système d’alerte ultra performant, "J-Alert", qui sert aussi bien pour les risques naturels (séismes, tsunamis, éruptions volcaniques) que pour les menaces d'ordre militaire, nord-coréennes notamment.

J-Alert permet de diffuser des consignes aux citoyens en une poignée de secondes via les chaînes de télévision, la radio, les téléphones et des haut-parleurs dans les rues.

Une fois déclenchée, l'alerte conduit automatiquement à l’arrêt des centrales nucléaires et des trains à grande vitesse.

· Une architecture de pointe

Le séisme du Kanto en 1923 a marqué "la naissance des structures parasismiques au Japon", expliquait à l'AFP en août dernier Yoshiaki Nakano, expert de l'Institut national de recherche sur les sciences de la terre et la résilience aux catastrophes (NIED).

Le premier code japonais de construction parasismique a été introduit dès 1924. Définies par une loi de 1950, ces normes parmi les plus strictes au monde n'ont cessé d'être étoffées depuis, en tirant les enseignements d'autres tremblements de terre majeurs survenus par la suite dans l'archipel, qui subit à lui seul environ 10% des secousses de la planète.

Les gratte-ciels sont par exemple équipés de mécanismes anti-vibrations: des coussins en caoutchouc sous les fondations pour les isoler du sol, des amortisseurs répartis dans les étages, ou même des pendules de plusieurs centaines de tonnes installés au sommet.

François Blanchard