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Chine

Ressortissant chinois tué à Paris: pourquoi la Chine hausse le ton contre la France

François Hollande et Xi Jinping au Palais du peuple à Pékin.

François Hollande et Xi Jinping au Palais du peuple à Pékin. - AFP

Les relations diplomatiques se sont tendues ces dernières heures entre Pékin et Paris, après la mort dimanche d'un ressortissant chinois dans le 19e arrondissement de la capitale. La question du tourisme fait parti des enjeux.

Alors que deux versions des faits s'opposent presque en tous points, la mort d'un ressortissant chinois de 56 ans à Paris dimanche est au centre d'un incident diplomatique entre la Chine et la France. Par la voix de la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Hua Chunying, Pékin a protesté auprès des autorités françaises et "exigé" que Paris fasse "toute la lumière sur cette affaire". La sécurité des ressortissants chinois est "une priorité des autorités françaises", a répondu le Quai d'Orsay. Pourquoi cette réaction de la Chine?

Le tourisme pèse lourd dans la balance

Ulysse Gosset, notre éditorialiste international, rappelle que "pour les Chinois, c’est beaucoup plus qu’un fait-divers qui a mal tourné. Ce n’est pas non plus vraiment une affaire d’Etat. Mais c’est une affaire très sensible".

Et elle est sensible pour les deux parties en raison de la question épineuse du tourisme. D'une part, "la chute du tourisme chinois, effrayé pour des raisons de sécurité (-26% en 2016), provoque des inquiétudes chez les officiels du tourisme français comme au Quai d’Orsay", a expliqué Ulysse Gosset et de l'autre, poursuit-il, "ce n’est pas la première fois qu’il y a un mort dans la communauté chinoise. Ce n’est pas la première fois que des Chinois sont détroussés à Paris. Cela suscite un vrai émoi en Chine. Actuellement, des centaines de millions de Chinois vont sur Internet et sont horrifiés."

De là, une peur française d'une envie de "boycott spontané" de l'Hexagone parmi les Chinois, envie que cette nouvelle affaire pourrait encourager. Les autorités françaises ont déjà pris des mesures pour rassurer les ressortissants chinois:

"A Paris, on a mis en place un plan Tourisme pour assurer la sécurité des touristes chinois en particulier avec des patrouilles volantes près des hôtels, de la vidéosurveillance sur l’autoroute A1 à la sortie de l’aéroport, avec des interprètes également. Ça porte ses fruits mais les Chinois veulent que ça aille encore plus vite".

Il ne s'agit pas de "montrer la France du doigt"

Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l'Iris, voit les choses d'une manière légèrement différente. Selon lui, il ne faut pas voir dans la réaction chinoise "un geste politique pour montrer du doigt la France". Ce n'est pas tant "une tension entre les deux pays" qui est en cause, que la manifestation d'une Chine bénéficiant d'une "position plus forte, plus confortable", une "Chine décomplexée". "Les Chinois sont très francophiles, il y a toujours eu une fascination réciproque entre les deux cultures qui cohabitent parfois avec quelques tensions", complète-t-il.

Le chercheur note que cette réaction diplomatique chinoise est "normale" puisque l'un de ses ressortissants a été tué. Mais il s'étonne au vu de "faits aussi incertains", "d'une histoire de personnes (le ressortissant chinois et les policiers, NDLR) et non d'un incident diplomatique" que "la réaction chinoise soit aussi musclée". Après tout, "s'il est démontré que l'homme a agressé la police, les choses vont s'apaiser. Sinon, il va falloir justifier de cet incident", explique Barthélémy Courmont.

Pour le spécialiste des relations sino-françaises, cette réaction témoigne d'une évolution. L'incident, qui serait passé quasiment inaperçu il y a quelques années encore, prend aujourd'hui une nouvelle dimension, car "depuis l'avènement de Xi Jinping, la Chine s'affirme". Et au sein de ce pays, "la société civile" gagne de l'influence. En témoignent, "la campagne anticorruption" ou "les différends maritimes en Mer de Chine" qui s'orchestrent "au nom d'une fierté retrouvée et d'un nationalisme qui ne dit pas son nom". Autrement dit, la Chine "discrète et humble de Deng Xiaoping des années 90, qui ne s'occupait que du développement économique" a vécu.

Le chercheur note aussi que "les réseaux sociaux, même s'ils sont réglementés en Chine, se sont considérablement développés avec 6 à 700 millions d'internautes". "Ce type d'informations parvient à passer."

David Namias