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Mort d'un ressortissant chinois tué par la BAC: les versions de la police et des proches

Heurts entre la police et la communauté chinoise à Paris, lundi soir.

Heurts entre la police et la communauté chinoise à Paris, lundi soir. - BFMTV

Après la mort d'un de ses ressortissants dimanche à Paris, la communauté chinoise exprime sa colère et son inquiétude. Tout comme Pékin.

Après la mort à Paris dimanche soir d'un Chinois victime du tir d'un policier, la communauté chinoise de France a fait savoir sa colère et son indignation. De heurts ont éclaté mardi avec les forces de police. De son côté, Pékin a protesté auprès des autorités françaises qui assurent faire une "priorité" de la sécurité des ressortissants chinois en France.

Sur le fond de l'affaire, deux versions diamétralement opposées se font face: celle de la police et celle défendue par l'avocat du défunt et ses proches. Le point sur la situation.

> Que s'est-il passé?

Un père de famille chinois résident à Paris dans le 19e arrondissement est mort dimanche, atteint par le tir d'un policier. L'homme de 56 ans avait en main des ciseaux au moment où il a été abattu. C'est sur ce qu'il a fait de ce les policiers décrivent comme une arme par destination que les versions divergent. D'après nos informations, les policiers de la Bac étaient en civil avec un brassard police sur le bras. L'un d'eux a été touché à l'épaule.

La version de la police

Selon une source proche de l'enquête, "un voisin avait appelé la police pour signaler la présence d'un homme se déplaçant dans les parties communes avec un couteau à la main". Quand les policiers "sont arrivés en bas de la résidence, ils ont vu la future victime sur le balcon qui les invectivait", a ajouté cette source. Ils ont eu peur en entendant "des cris et des pleurs d'enfants dans l'appartement". 

"Dès l'ouverture de la porte", un homme s'est précipité pour agresser l'un des fonctionnaires, a expliqué une source policière, évoquant "un différend familial". L'homme "a planté les ciseaux dans le thorax du policier", le blessant à l'aisselle, a précisé une autre source policière. L'un de ses collègues a alors ouvert le feu, pour le protéger, blessant mortellement le père de famille.

Selon cette même source, aucun des enfants n'aurait assisté à la scène.

  • La version des proches du défunt

Mais pour la famille du défunt, le quinquagénaire "n'a blessé personne", a déclaré Me Calvin Job. "Un voisin a appelé la police en disant qu'il y avait des cris", mais il n'y a eu "aucun différend familial", a-t-il ajouté. L'homme, qui se trouvait avec ses enfants était "en train de tailler des poissons avec des ciseaux", selon lui. 

Lulu Zen, 27 ans, qui se présente comme le neveu de la victime, attendait mardi devant le commissariat du 19e arrondissement parce que selon lui, les policiers "ont caché la vérité": "Mes cousines, elles ont vu leur père tué par des policiers", affirme-t-il.

> S'agit-il d'une bavure policière?

Pour l'avocat de la famille de la victime, ça ne fait aucun doute. "Les conditions d'une bavure policière sont réunies". "Comment les policiers de la Bac appelés pour une nuisance sonore entrent violemment dans le domicile d'un individus, tirent à bout portant sur cet individu avec un fusil à pompe sans sommation?", s'interroge-t-il auprès de BFMTV. "Nous envisageons de porter plainte", continue l'avocat, posant "la question de la proportionnalité du tir policier". Un moyen de rejeter d'emblée la légitime défense dont pourraient arguer les policiers.

Le ministère de l'Intérieur se montre de son côté plus circonspect. Le communiqué de la Place Beauvau indique que l'Inspection générale de la police (IGPN) a été saisie pour enquêter sur ces faits. Une autre investigation cette fois judiciaire est menée par le parquet de Paris.

A ce stade de l'enquête et vu que les deux versions diffèrent en tout point, il est impossible de répondre à cette question.

> La victime avait-elle des antécédents judiciaires?

  • Non. Mais selon l'avocat de la famille, ce père de cinq enfants qui "parlait très peu le français" avait séjourné à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (I3P) en février 2012 après un précédent appel des voisins pour trouble de voisinage. Mais "il n'avait pas d'antécédents psychiatriques majeurs".

Selon nos informations, l'homme avait été interné quatre mois, à la suite d'une précédente information. Il avait jeter du matériel informatique par la fenêtre.

> Comment a réagi la communauté chinoise?

Ses représentants doivent être reçus ce mardi à 17h30 par le préfet de police Michel Cadot. A la mi-journée, une vingtaine de personnes de la communauté chinoise étaient rassemblées devant le commissariat du 19e arrondissement, près du quartier où l'homme a été tué. 

La veille au soir, environ 150 personnes s'étaient déjà réunies au même endroit pour protester. Des projectiles ont visé les forces de l'ordre, une voiture de police ainsi que trois autres véhicules ont été incendiés, et trois policiers ont été légèrement blessés. Trente-cinq personnes ont été interpellées.

Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl a condamné "fermement ces violences à l'égard des forces de l'ordre" et les a assurées "de son plein soutien", appelant "au calme afin de permettre à la procédure judiciaire en cours de se dérouler dans la sérénité".

De nouveaux heurts pourraient éclater ce mardi soir.

> Quel impact sur les relations franco-chinoises?

Les relations se sont tendues ces dernières heures. La Chine a demandé mardi à la France de garantir "la sécurité et les droits" de ses ressortissants et "exigé" que Paris fasse "toute la lumière sur cette affaire". La sécurité des ressortissants chinois est "une priorité des autorités françaises", a répondu le ministère français des Affaires étrangères.

David Namias et AFP