BFMTV
États-Unis

Incendies à Hawaï: comment expliquer le si lourd bilan des feux qui ont ravagé l'archipel

La ville de Lahaina ravagée par les flammes, le 10 août 2023, dans l'ouest de Maui, à Hawaii.

La ville de Lahaina ravagée par les flammes, le 10 août 2023, dans l'ouest de Maui, à Hawaii. - Patrick T. Fallon / AFP

L'incendie de Lahaina a fait au moins 80 morts, ce qui en fait l'une des pires catastrophes naturelles connues par l'archipel d'Hawaï depuis les années 60. Alors qu'une enquête a été ouverte, des questions commencent à émerger sur la gestion des autorités.

Hawaï compte encore ses morts après plusieurs incendies fulgurants, dont l'un a réduit en cendres une ville historique de l'île de Maui et risque de devenir la pire catastrophe naturelle de l'histoire récente de l'archipel américain.

"Mes services s'engagent à comprendre les décisions qui ont été prises avant et pendant les incendies et à partager avec le public les résultats de cet audit", a annoncé la magistrate Anne Lopez dans un communiqué, alors qu'une enquête sur la gestion de ces feux a été ouverte.

Comment les incendies ont-ils démarré?

Une grande partie de l'archipel d'Hawaï était en alerte rouge incendie lorsque de multiples feux ont débuté mardi, mais leur cause reste encore inconnue.

Les autorités "n'ont pas été capables de déterminer ce qui a déclenché les incendies", a expliqué mercredi soir le major général Kenneth Hara, responsable de l'armée américaine à Hawaï.

Les premières flammes autour de la ville historique de Lahaina, qui a été presque complètement détruite, sont apparues aux aurores mardi. Un "feu de broussailles" a été signalé "à 6h37", selon le comté de Maui. Il a initialement été déclaré "100% maîtrisé peu après 9h", mais dans l'après-midi, une reprise du feu a été annoncée.

D'autres incendies étaient alors en cours ailleurs sur Maui et les flammes ont progressé très vite. La population de Lahaina a été prise de cours: une centaine de personnes s'est jetée à la mer pour échapper au brasier, selon les garde-côtes.

Une mauvaise gestion de crise?

L'incendie de Lahaina a fait au moins 80 morts, ce qui en fait l'une des pires catastrophes naturelles connues par l'archipel d'Hawaï depuis les années 60. Et le bilan va probablement s'alourdir. Le chef de la police du comté de Maui, John Pelletier, a affirmé ce jeudi que jusqu'à 1000 personnes pourraient manquer à l'appel.

Les habitants sont encore abasourdis par la rapidité du désastre, alors que l'ancienne capitale du royaume d'Hawaï ressemble désormais à un champ de ruines calcinées. Des questions commencent à émerger sur la gestion des autorités.

Les sirènes censées retentir en cas d'incendie n'ont pas été actionnées, a confirmé à CNN un porte-parole de l'agence responsable de la gestion des crises à Hawaï. Durant ce cauchemar, les locaux n'ont pu compter que sur le "réseau noix de coco" - le bouche-à-oreille -, dénonce un habitant.

Maui a subi de nombreuses coupures de courant pendant la crise et le numéro d'urgence 911 a cessé de fonctionner dans certaines parties de l'île, tandis que les sirènes d'alerte aux incendies n'ont pas été actionnées.

Les alertes, habituellement transmises par téléphone, n'ont pas pu être reçues car "il n'y avait pas de réseau" et "clairement, nous n'avons pas prévu de solutions de secours pour assurer la sécurité des habitants", a admis ce samedi Jill Tokuda, élue démocrate de Hawaï, sur CNN.

"Nous avons sous-estimé la dangerosité et la rapidité du feu", a-t-elle regretté. "Nous devons nous améliorer."

Comment expliquer la vitesse du feu?

Les flammes ont été nourries par un cocktail de conditions dévastatrices. Elles ont été attisées par des vents forts, qui ont dépassé les 100 km/h, selon les services météorologiques américains (NWS). Ils ont notamment été alimentés par Dora, un ouragan de catégorie 4, soufflant à plusieurs centaines de kilomètres au sud dans les eaux de l'océan Pacifique.

La topographie de Maui, une île qui compte deux volcans et plusieurs montagnes en son centre, avec une côte plutôt plate, a également joué un rôle.

Les rafales venues de l'océan se sont transformées en "vents descendants" qui "ont été poussés sur les pentes de l'île vers la ville", explique Thomas Smith, professeur de géographie environnementale à la London School of Economics. Ces vents descendants sont typiquement "secs et chauds", ce qui réduit l'humidité de la végétation et rend les incendies "plus extrêmes".

La région elle-même était prête à s'embraser, pour deux raisons. D'abord à cause d'une année moins pluvieuse que d'habitude. La partie ouest de Maui, là où se trouve Lahaina, subit une sécheresse "sévère" à "modérée", selon le US Drought Monitor.

Ensuite, à cause du déclin de l'agriculture sur l'île depuis les années 90, selon Clay Trauernicht, spécialiste des incendies à l'université d'Hawaï. Les champs autrefois bien entretenus, qui auraient pu ralentir le feu, ont été remplacés par de "vastes étendues de plantes non locales, laissées à l'abandon", a-t-il souligné sur Twitter.

A Lahaina, rapporte le New York Times, les fermetures d'exploitations de canne à sucre dans les années 1990 ont également entraîné l'arrêt de systèmes d'irrigation qui auraient pu limiter la progression des feux cette semaine.

Les pompiers ont dû lutter contre de multiples brasiers simultanés, ce qui a limité l'intervention des pays, leurs efforts étant divisés.

Le changement climatique a-t-il pesé?

S'il est toujours difficile d'attribuer un événement particulier au changement climatique, les scientifiques rappellent régulièrement que le réchauffement de la planète augmente la fréquence des événements extrêmes. Le monde vient ainsi de connaître son mois de juillet le plus chaud jamais enregistré.

Les incendies se sont propagés d'autant plus facilement que Maui a enregistré cette année moins de pluies que d'habitude. La partie ouest de l'île, où se trouve Lahaina, subit actuellement une sécheresse "sévère" à "modérée", selon le US Drought Monitor.

"Le changement climatique entraîne partout un réchauffement de l'atmosphère, (...) de sorte que le même incendie qui aurait été modéré il y a quelques décennies sera plus intense aujourd'hui", résume Yadvinder Malhi, professeur de science des écosystèmes à l'université d'Oxford.

Ce désastre intervient également au milieu d'un été marqué par une série d'événements météorologiques extrêmes partout sur la planète, dont une vague de chaleur intense dans le sud des États-Unis, des phénomènes liés au réchauffement climatique selon les experts.

Salomé Robles avec AFP