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Appel à l'Ukraine: énième scandale ou point de bascule pour Donald Trump?

Donald Trump

Donald Trump - Nicholas Kamm / AFP

L'appel de Donald Trump à son homologue ukrainien a abouti à l'ouverture d'une enquête en vue d'une destitution du président américain. Mais cette procédure a peu de chances d'aboutir du fait de la majorité républicaine au Sénat. Elle pourrait même permettre à l'ex-magnat de l'immobilier de gagner des points en vue de l'élection présidentielle de 2020.

Depuis plusieurs jours, les appels au lancement d'une procédure de destitution de Donald Trump se sont intensifiés outre-Atlantique, débouchant, ce mardi, sur l'ouverture d'une enquête en vue de destituer le président américain

"Les actes du président jusqu'à ce jour ont violé la Constitution. Il doit en être tenu responsable. Personne n'est au-dessus des lois", a accusé Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants. 

Sur Twitter, le chef d'Etat américain a violemment réagi, dénonçant "une chasse aux sorcières de caniveau" et affirmant qu'il s'agit "d'harcèlement présidentiel".

Un appel téléphonique au président ukrainien

Le président américain est soupçonné d'avoir poussé, lors d'un appel téléphonique, le chef d'Etat ukrainien, Volodymyr Zelensky, à enquêter sur son rival politique Joe Biden, dont le fils a travaillé pour un groupe gazier ukrainien en 2014, en se servant d'une aide militaire comme moyen de pression.

Ces révélations, dévoilées par le Washington Post et le New York Times, s'ajoutent à l'existence d'un lanceur d'alerte, issu des services de renseignement, qui a saisi son inspection générale en août concernant une conversation entre Donald Trump et un dirigeant étranger sur fond de "promesse" troublante. L'administration Trump a refusé de transmettre au Congrès le contenu du signalement du lanceur d'alerte.

Si le président américain a reconnu avoir parlé au téléphone de Joe Biden avec Volodymyr Zelensky, il a cependant nié avoir "fait pression" sur lui "d'une quelconque manière".

"J'aurais pu faire pression. Cela aurait pu être acceptable que je le fasse. Mais je ne l'ai pas fait", a-t-il affirmé lundi en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York.

Donald Trump a par ailleurs annoncé, ce mardi, avoir autorisé la publication, mercredi, de la transcription complète de sa conversation téléphonique avec Volodymyr Zelensky.

Plus de 180 élus démocrates pour l'impeachment

Les différentes révélations de la presse américaine ont finalement débouché sur une procédure de destitution (impeachment, en anglais), après un appel en ce sens de plus de 180 élus démocrates de la Chambre des représentants, sur les 235 que compte la chambre basse du Congrès américain, selon un décompte de NBC News.

De jeunes élus démocrates ont ainsi fait pression sur Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, pour qu'elle déclenche une telle procédure, alors qu'elle réunissait ce mardi après-midi l'ensemble de son groupe parlementaire au complet pour en discuter. La charismatique Alexandria Ocasio-Cortez, représentante du 14ᵉ district de New York, a, par exemple, tweeté dimanche "qu'à ce point, le plus gros scandale national n'est pas la tendance du président à transgresser la loi mais le refus du parti démocrate à le destituer pour ça".

De nombreux candidats à la primaire démocrate pour les élections américaines de 2020 ont également annoncé être en faveur d'un impeachment, à l'image de Bernie Sanders ou de Joe Biden.

Donald Trump renforcé par une procédure de destitution?

Nancy Pelosi a agi jusqu'à présent avec une certaine frilosité car elle "ne veut pas que son parti rate les élections de 2020", souligne à BFMTV.com Jean-Eric Branaa, maître de conférence à l'université de Paris II et spécialiste de la politique américaine.

"L'impeachment, dans le droit américain, est une mise en accusation, lancée par la Chambre des représentants, qui est ensuite transmise au Sénat. Ce dernier se transforme alors en cour de justice. Or le Sénat est tenu, cette année, par les Républicains qui ne voteront jamais une destitution du président, surtout pendant une année électorale", explique Jean-Eric Branaa.

Ce calcul politique risqué de la cheffe de file des démocrates ne devrait donc vraisemblablement pas aboutir à une destitution du président. Il pourrait même le renforcer. 

"Face à un tel scénario, Donald Trump irait aux élections en disant qu'il a été innocenté par le Sénat et que les démocrates ne sont vraiment pas des gens fréquentables", poursuit Jean-Eric Branaa

Une procédure de destitution ne servirait donc, selon le spécialiste de la politique américaine, qu'à permettre à Donald Trump de "se victimiser".

Une procédure "très lourde"

Jean-Eric Branaa précise que l'impeachment est une "procédure très lourde qu'on ne déclenche que pour des cas graves".

Seulement deux présidents américains, Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998, ont fait l'objet d'une procédure de destitution. Richard Nixon a quant à lui préféré démissionner en 1974, éclaboussé par le scandale du Watergate, avant que la procédure d'impeachment n'arrive devant le Sénat.

Clément Boutin