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Amérique Latine

Équateur: le gouvernement retire son décret polémique et met fin à une crise sans précédent

Des membres de la communauté indigène célèbrent l'accord entre le gouvernement équatorien et les leaders indigènes pour annuler un décret controversé

Des membres de la communauté indigène célèbrent l'accord entre le gouvernement équatorien et les leaders indigènes pour annuler un décret controversé - Luis Robayo / AFP

Le gouvernement équatorien a annoncé l'annulation d'un décret controversé qui augmentait drastiquement les tarifs des carburants. Il met ainsi fin à deux semaines de manifestations géantes, et à une crise sociale et politique massive pour le pays.

Le gouvernement équatorien et le mouvement indigène ont trouvé ce dimanche un accord pour sortir de la crise sociale sans précédent, grâce au retrait du décret controversé supprimant les subventions au carburant.

Le décret de Lenín Moreno, président libéral élu en 2017, avait pour conséquence des hausses massives des prix des carburants, allant jusqu'à 123% d'augmentation du tarif. Des manifestations géantes se sont peu à peu organisées, et depuis près de deux semaines, le pays était paralysé, entre blocages de routes, classes suspendues, transports publics quasi inexistants et puits pétroliers d'Amazonie à l'arrêt.

Le décret devait multiplier par deux les prix de l'essence

Cette crise sociale d'une ampleur sans précédent a poussé le gouvernement a faire marche arrière, en annulant le fameux décret qui augmentait les prix des carburants. Arnaud Peral, représentant en Equateur de l'ONU, a annoncé que sera rapidement préparé "un nouveau décret qui annule le décret 883" sur l'essence, et qu'"avec cet accord la mobilisation se termine".

"Les mesures appliquées dans tous nos territoires sont levées", a confirmé le président de la Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur (Conaie), Jaime Vargas. "A tous ceux qui ont participé à ce processus de paix, je les remercie", a déclaré de son côté le président Lenin Moreno.

Peu après cette annonce, des milliers de personnes ont déferlé dans les rues de Quito pour célébrer la nouvelle, agitant le drapeau jaune, bleu et rouge de l'Equateur tandis que retentissaient des klaxons en signe de joie.

Une violence "démesurée" face à la contestation 

Quito, capitale située à 2850 mètres d'altitude, a été le théâtre de débordements d'une violence inédite et de longs affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre. Ce dimanche, les heurts se sont poursuivis, avec des bâtiments incendiés, des barricades de pierres, des vitres brisées et des pneus brûlés sur la chaussée.

Le bilan des manifestations est lourd: sept morts, 1340 blessés et 1152 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple. Débordé face à cette situation incontrôlable, le président qui avait déjà déplacé le siège du gouvernement à Guayaquil, a décrété le couvre-feu et placé la ville sous contrôle militaire jusqu'à nouvel ordre.

"Il y a eu une convulsion sociale et un non-respect des droits humains, une violence démesurée contre le peuple et un terrorisme d'Etat", a dénoncé avant la conclusion de l'accord Jaime Vargas, le président de la Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur. "On n'avait jamais vu un niveau de violence brutale comme ces derniers jours", a renchéri un autre leader d'un mouvement indigène.

La communauté indigène, fer de lance de l'opposition

La communauté indigène - un quart de la population - était le fer de lance de la contestation contre les réformes économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) en échange d'un prêt de 4,2 milliards de dollars.

"Frères indigènes, je vous ai toujours traités avec respect et affection", avait lancé, en signe d'apaisement, le président Moreno en ouverture de la réunion de dialogue. "Cela n'a jamais été mon intention d'affecter les secteurs les plus démunis (...), les plus pauvres", avait insisté le chef de l'Etat.

La communauté indigène souffrait de plein fouet des effets du décret sur les carburants: généralement pauvre et travaillant dans l'agriculture, elle voyait ses coûts de transport s'envoler pour écouler ses produits. Puissante et organisée, elle avait fait venir ces derniers jours des milliers de ses membres des Andes et d'Amazonie pour camper à Quito. Par le passé, elle a déjà renversé trois présidents.

J. G. avec AFP