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Équateur: tout comprendre à la crise sociale et politique qui secoue le pays

L'Équateur est confronté à une grave crise sociale depuis une semaine.

L'Équateur est confronté à une grave crise sociale depuis une semaine. - Martin BERNETTI / AFP

Depuis une semaine, l'Équateur est confronté à l'une de ses plus graves crises sociales, née après l'augmentation massive des prix des carburants.

L'Équateur est confronté depuis plusieurs jours à une mobilisation populaire contre une hausse massive des prix des carburants, qui a donné lieu mercredi à une manifestation géante de dizaines de milliers de personnes à Quito, sa capitale, et conduit le pays à suspendre la distribution des deux-tiers de sa production de pétrole. 

En une semaine, les manifestations ont fait au moins 122 blessés, selon la Croix-Rouge, le gouvernement évoquant 766 arrestations. Au total, 74.000 militaires et policiers ont été déployés pour faire face à la crise. L'Organisation des Etats américains (OEA), l'Union européenne, les États-Unis et l'Espagne ont condamné les violences, appelant au dialogue. L'ONU et l'Église catholique ont proposé une médiation. 

Au cours des différents mouvements de protestation, cinq civils, dont un dirigeant indigène, ont été tués, ont annoncé ce jeudi les services du Défenseur du peuple, un organisme d'Etat. "Nous appelons le gouvernement à mettre fin à la violence et à garantir le droit de manifester de manière pacifique", a-t-il ajouté dans leur communiqué.

  • Doublement des prix des carburants

L'étincelle de la contestation populaire s'est allumée le 1er octobre, quand le président Lenin Moreno, élu sous l'étiquette socialiste, a annoncé qu'il cessait de subventionner les carburants les moins chers et les plus utilisés dans le cadre d'un accord conclu avec le Fonds monétaire international (FMI). Celui-ci prévoit une aide de 4,2 milliards de dollars en échange de réformes.

Aucun président avant lui n'avait osé toucher aux subventions au carburant, un sujet tabou dans le pays. Le petit pays andin a aussi indiqué se retirer de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

Deux jours après, le 3 octobre, des manifestations contre l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs (avec des hausses allant jusqu'à 123%) ont dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre, faisant une trentaine de blessés. Le président a alors décrété l'état d'urgence pour 60 jours.

  • Les peuples autochtones au cœur des manifestations

Si le mouvement social prend une telle ampleur, c'est en raison de l'implication de la Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (CONAIE). L'organisation, créée en 1986, est le principal organe représentatif des peuples autochtones du pays. Ils sont associés aux changements abrupts de gouvernement, car, entre 1997 et 2005, trois présidents ont chuté après leurs manifestations.

Les indigènes, qui représentent 25% des 17,3 millions d'Equatoriens, sont en pointe de la contestation parce qu'ils sont les plus touchés par la pauvreté et travaillent majoritairement à la campagne. Si les prix des carburants s'envolent, ils devront payer davantage pour le transport de leurs produits, tout en redoutant que l'inflation s'emballe.

Ce jeudi, la principale organisation indigène d'Équateur a, par ailleurs, rejeté le dialogue avec le gouvernement de Lenin Moreno, appelant à "radicaliser les actions" de protestation contre la hausse du prix de l'essence. La tension est montée d'un cran, ce même jour, lorsque les manifestants indigènes ont annoncé retenir huit policiers. Ces membres des forces de l'ordre, sept hommes et une femme, ont été présentés en public lors d'un rassemblement des manifestants à Quito.

  • Moreno accuse son prédécesseur d'avoir "activé" un "plan de déstabilisation"

Le président, Lenin Moreno, sous pression, a déplacé le siège du gouvernement vers la capitale économique du pays, Guayaquil (sud-ouest), et a ordonné un couvre-feu nocturne de 60 jours autour des lieux de pouvoir. Il accuse son homologue vénézuélien Nicolas Maduro, et son prédécesseur, Rafael Correa, ex-allié devenu son adversaire politique, d'avoir "activé" un "plan de déstabilisation". 

L'ancien président Rafael Correa, en exil à Bruxelles depuis 2017, nie, quant à lui, toute tentative de putsch, demandant des élections anticipées. L'ex-dirigeant socialiste ne pouvant se présenter à un quatrième mandat présidentiel depuis une récente réforme, il a dit envisager une candidature de vice-président.

Malgré tout, Lenin Moreno, qui se revendique toujours comme socialiste, a reçu dans ce conflit le soutien inattendu de la droite et de l'armée. À Guayaquil, bastion des milieux d'affaires, des milliers d'Équatoriens ont manifesté le 9 octobre pour prendre sa défense. Ils semblent en effet apprécier l'accord qu'il a noué avec le FMI, dont le prêt de 4,2 milliards de dollars devrait permettre d'alléger le déficit et le manque de liquidité dans cette économie dollarisée.

Clément Boutin avec AFP