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Colombie: le pays se déchire après la décision de dépénaliser l'avortement jusqu'à 24 semaines

Des personnes pour (en vert) et contre (en bleu) l'avortement lors d'une manifestation en attendant la décision de la Cour constitutionnelle sur sa dépénalisation à Bogota, le 21 février 2022.

Des personnes pour (en vert) et contre (en bleu) l'avortement lors d'une manifestation en attendant la décision de la Cour constitutionnelle sur sa dépénalisation à Bogota, le 21 février 2022. - Raul ARBOLEDA / AFP

Le président ultraconservateur Ivan Duque a qualifié cette décision "d'atroce".

Une explosion de joie et des foulards verts qui tournoient en l'air. À l'annonce de la décision, les centaines de militantes réunies devant le palais de justice de Bogota exaltent. Depuis ce lundi, en Colombie, il est légal d'avorter jusqu'à 24 semaines de gestation, soit 6 mois, quelque soit le motif. Une décision de la Cour constitutionnelle qui prend effet immédiatement.

À quelques pas de là, en agitant des drapeaux bleus, les opposants à l'IVG manifestent leur désarroi, notamment en organisant des prières dans les rues. Ils sont notamment soutenu par le président conservateur Ivan Duque. La décision de la Cour constitutionnelle est historique dans un pays très catholique et encore fortement divisé sur la question.

Grand écart

Par cet arrêt, la Colombie fait un grand écart. Elle passe de la catégorie des pays les plus restrictifs en la matière à un pays très progressiste. Jusque-là, l'IVG n'était autorité qu'en cas de viol ou de danger pour la mère ou le fœtus. En dehors de ces exceptions, les femmes qui avortaient encouraient jusqu'à quatre ans et demi de prison. Cette ancienne loi prévoyait également l'objection de conscience pour les médecins qui ne voulaient pas pratiquer un IVG.

Aujourd'hui, "l'acte d'avortement ne sera punissable que s'il est pratiqué après la 24ème semaine de gestation", a déclaré la Cour constitutionnelle dans un communiqué. À titre de comparaison, en France, les députés doivent adopter ce mercredi une proposition de loi allongeant de 12 à 14 semaines le délai pour avorter.

"Après le droit de vote, il s'agit de la décision historique la plus importante pour la vie, l'autonomie et le plein et égal épanouissement des femmes", s'est félicitée sur Twitter la maire de Bogota, Claudia Lopez.

Opposition présidentielle

Mais dans ce pays encore fortement influencé par l'Eglise catholique, la décision a provoqué un tollé. "Dans cette décision je pense qu'il y a des choses très complexes. La première, (le délai) de 24 semaines. Nous ne parlons pas d'une vie en gestation, mais d'une vie qui est déjà dans l'attente de naître", a dénoncé Ivan Duque, le président colombien. En novembre dernier, des affrontements entre les partisans de deux camps avaient éclaté en marge d'une manifestation.

Ce qui cristallise également les critiques: le fait que la décision n'ait pas été discutée au congrès mais lors d'un vote de la Cour constitutionnel, qui s'est prononcée par cinq voix contre quatre. Et le jeu était serré: tout dépendait du choix d’un magistrat remplaçant.

"Nous sommes face à une décision qui concerne l'ensemble de la société colombienne et cinq personnes ne peuvent proposer à la nation quelque chose d'aussi atroce que de permettre l'interruption d'une vie jusqu'à six mois de gestation", a poursuivi Ivan Duque.

Un continent en mutation

En général, dans ce pays, la Cour constitutionnelle est plus progressiste que les autres institutions. C'est notamment elle, en 2013, qui a autorisé le mariage pour les couple de même sexe.

La décision de lundi intervient dans un contexte de libéralisation de l'accès à l'IVG en Amérique latine, un continent très conservateur sur la question. L'avortement n'est légal qu'en Colombie, en Argentine, en Uruguay, à Cuba et au Guyana. Dans la plupart des cas, il est autorisé jusqu'à entre 12 et 14 semaines de grossesse. Ailleurs, il reste quasiment partout passible d'emprisonnement.

Salomé Robles