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Journalistes tués au Mali: le point sur l'enquête

Un journaliste malien brandit un quotidien local, "L'Essor", montrant la photo des deux journalistes dans les rues de Bamako, le 2 novembre.

Un journaliste malien brandit un quotidien local, "L'Essor", montrant la photo des deux journalistes dans les rues de Bamako, le 2 novembre. - -

Une quarantaine d'interpellations et de premières identifications: l'enquête pour retrouver les auteurs du meurtre de deux journalistes français de RFI, samedi, au Mali, se poursuit sur place. Avec de premiers résultats.

Quatre jours après l'assassinat de Ghislaine Dupont et Guillaume Verlon, les deux journalistes de RFI, à Kidal, au Mali, l'enquête se poursuit, sur place pour tenter de retrouver les meurtriers. Alors que le président malien a affirmé, lundi, que "tout" sera fait "pour retrouver les coupables" et que Paris a envoyé des enquêteurs en renfort sur place, plusieurs dizaines de personnes ont déjà été interpellées ces dernières heures. Qui sont ces personnes? De quels éléments disposent les enquêteurs? Alors qu'Aqmi a revendiqué mercredi soir l'assassinat des deux journalistes, sans que cette version ait été confirmée pour l'instant, BFMTV.com fait le point sur les derniers éléments connus de l'affaire.

> Combien de personnes ont été arrêtées?

Des sources sécuritaire et administrative maliennes ont indiqué, mardi, qu'au moins 35 personnes ont été arrêtées au cours des deux derniers jours et le début des investigations sur place. Pour l'heure, aucune information n'a été communiquée sur leur identité. Parallèlement, trois des quatre ravisseurs des deux journalistes français, qui ont participé à leur prise d'otage, ont été identifiés, selon Le Monde, qui cite une source locale, à Kidal, ainsi qu'une source gouvernementale française. En revanche, ces trois personnes ne figurent pas parmi les 35 interpellations.

> Qui sont les preneurs d'otages identifiés?

Toujours selon Le Monde, les trois membres du groupe de ravisseurs ont pu être identifiés grâce à un document laissé dans le pick-up retrouvé à proximité des cadavres des deux journalistes. Une pièce qui a permis d'identifier l'un des trois hommes comme un membre d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), déjà connu du renseignement. L'identification de cet individu, qui se serait trouvé sur les lieux de l'assassinat, a permis aux enquêteurs de remonter à deux autres membres du commando de preneurs d'otages, qui l'accompagnaient. Tous trois feraient partie du même clan familial.

Toutefois, Paris préfère rester prudent sur ces possibles identifications. "L'identification des assassins n'est pas simple. Il peut y avoir des convergences d'indices, mais ce sera à l'enquête de le vérifier", a tenu à relativiser le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, mercredi matin, sur France Inter, ajoutant: "Toute autre considération à cet instant me paraît plutôt de l'ordre du commentaire que de la réalité".

> Sont-ils connus des autorités?

D'après les informations du Monde, ces trois hommes avaient été interrogés plusieurs fois depuis le mois de mai 2013 par les services de renseignement, qui les avaient ensuite relâchés, faute de preuves sur leur implication dans les combats contre les troupes françaises présentes au Mali. Ces trois suspects vivaient dans un camp du Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad, à Kidal, et auraient combattu au sein de la brigade d'Abdelkrim el-Targui, un salafiste malien surnommé Abdelkrim le Touareg, très proche d'Ansar Dine. Il appartiendrait d'ailleurs à la famille du fondateur de ce groupe islamiste touareg.

"C'est un des dirigeants importants des mouvements islamistes touaregs", a indiqué sur BFMTV Samuel Laurent, spécialiste du terrorisme. Abdelkrim el-Targui aurait d'ailleurs eu un rôle majeur dans la détention des quatre otages français d'Arlit, ainsi que dans la négociation pour leur libération, survenue le 29 octobre. El-Targui aurait récupéré les quatre Français au début de l'année, à la mort d'Abou Zeïd, un des leaders d'Aqmi, tué par les forces françaises en février. Le nom d'Abdelkrim el-Targui est également apparu dans l'enquête sur l'enlèvement fin 2011, au Nord-Mali, des Français Phlippe Verdon et Serge Lazarevic.

> Pourquoi les journalistes français ont-ils été tués?

L'hypothèse qui prévaut, pour l'heure, est celle de la prise d'otages qui aurait mal tourné à la suite d'une panne du véhicule dans lequel les ravisseurs transportaient les deux journalistes. Le pick-up avait été retrouvé, samedi, à trente mètres des corps des deux Français, sans aucun impact de balle sur la carrosserie, les portes fermées et le volant bloqué. Paniqués, les preneurs d'otages pourraient donc avoir choisi de se débarrasser des journalistes, avant de s'enfuir.

Une hypothèse qui ne convainc toutefois pas tous les experts. "C'est possible mais c'est tout de même étonnant", estime ainsi Akrouf Chems, spécialiste du renseignement, interrogé par BFMTV. "C'est tout de même étrange que les ravisseurs laissent des indices directs sur leur identité", justifie-t-il, avant d'interroger: "Le pick-up a effectivement pu tomber en panne, mais est-ce qui a motivé l'assassinat des deux Français?"

> Comment travaillent les enquêteurs français sur place?

Sur le terrain, les enquêteurs procèdent comme sur une scène de crime "classique": ils se rendent sur les lieux de l'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, à une douzaine de kilomètres de Kidal, où ils font des prélèvements d'empreintes, de traces, de fibres et d'ADN, afin de collecter le maximum d'indices. "Ils analysent également la téléphonie, afin de déterminer auprès des relais sur place quels ont été les appels émis", explique Akrouf Chems.

L'idée étant de combiner les résultats de ces recherches avec les données du renseignement français ou de l'opération Serval, qui possède ses propres organes de renseignement. "La France fait tout cela en collaboration avec les autorités maliennes, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme", précise l'expert.

Adrienne Sigel