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Les attaques en RDC commanditées par un pasteur?

Des militaires patrouillent à proximité du siège de la télévision nationale congolaise, le 30 décembre, à Kinshasa.

Des militaires patrouillent à proximité du siège de la télévision nationale congolaise, le 30 décembre, à Kinshasa. - -

Lundi, des échanges de tirs ont eu lieu dans plusieurs villes de la République démocratique du Congo, dont la capitale Kinshasa, faisant 103 morts selon un bilan donné par le gouvernement, mardi. Les heurts sont partis d'une prise d'otage à la télévision nationale par des partisans d'un opposant politique.

Une prise d'otages suivie d'un bain de sang à travers le pays. Lundi, la République démocratique du Congo (RDC) a été le théâtre de violents affrontements entre des militaires et des opposants au gouvernement, qui avaient pris d'assaut la Radio-Télévision nationale congolaise dans la matinée ainsi que d'autres sites stratégiques. La riposte des forces militaires a été sans appel: 103 personnes ont été tuées, dont 95 assaillants. BFMTV.com fait le point sur ces événements et sur l'homme soupçonné de se cacher derrière ces attaques simultanées, le pasteur Joseph Mukungubila.

> Que s'est-il passé?

Lundi, une série d'attaques ont éclaté dans plusieurs villes de RDC, dont la capitale Kinshasa, où les assaillants ont pris d'assaut l'état-major militaire, l'aéroport international et le siège de la télévision nationale, où ils ont notamment fait irruption à l'antenne, armés de machettes, pour réclamer la lecture d'un communiqué anti-gouvernemental, obligeant la chaîne à interrompre ses programmes.

Les forces de l'ordre ont répliqué par des tirs à l'arme lourde, à Kinshasa et dans les villes de Lubumbashi et de Kindu, dans le sud et l'est du pays. Mardi, un bilan total de 103 morts, dont 95 parmi les assaillants et 8 du côté des militaires, a été établi par les autorités. Le gouvernement a par ailleurs annoncé que 39 assaillants, qualifiés de "terroristes", ont été arrêtés.

Un témoin oculaire a de son côté indiqué avoir vu une quarantaine de corps dans des camions de la garde républicaine chargés de la protection du président du pays, Joseph Kabila, à Lubumbashi. "Tous étaient habillés en civil, c'est difficile de dire si tous étaient des adeptes (de l'opposant Joseph Mukungubila, NDLR) ou s'il y avait aussi des civils qui n'avaient rien à voir", a-t-il précisé.

> Qui sont les assaillants?

Malgré une violente répression, les assaillants ont mis en place des attaques "bien orchestrées", selon une source proche du pouvoir citée par l'AFP, attaques qui ont obligé la mission de l'ONU pour la stabilisation en RDC, la Monusco, à placer ses troupes en état d'alerte dans les trois villes attaquées. Selon un journaliste présent sur place, les cadavres des assaillants tués lors de l'assaut à l'aéroport de Kinshasa portaient des tenues civiles. D'après lui, tous paraissaient très jeunes, âgés d'une vingtaine d'années pour la plupart. De son côté, le gouvernement a indiqué, qu'"aucun" policier ou militaire ne figurait parmi la "bande de terroristes" à l'origine des assauts.

Au cours de leurs différentes attaques, plusieurs des assaillants ont revendiqué être des partisans de Joseph Mukungubila, un pasteur et ancien candidat à la présidentielle de 2006.

> Qui est ce pasteur?

Le pasteur Paul Joseph Mukungubila Mutombo.
Le pasteur Paul Joseph Mukungubila Mutombo. © -

Paul Joseph Mukungubila Mutombo est connu en République démocratique du Congo pour avoir été candidat à l'élection présidentielle de 2006 face à l'actuel chef de l'Etat, Joseph Kabila. Originaire, comme ce dernier, de la région du Katanga, où se concentrent les mines, Joseph Mukunbila serait âgé de 66 ans, à en croire son site Internet, qui le présente comme un "prophète de l'Eternel" et expose les thèses politico-religieuses de ce pasteur aux revendications quelque peu floues.

On sait par exemple qu'il est très critique quant à la façon dont Kabila fils gère le pays, et qu'il tient un discours haineux vis-à-vis du Rwanda, pays voisin de la RDC. Il est également hostile aux accords de paix signés entre Kinshasa et les rebelles du M23, installés dans l'Est de la RDC. "Gideon Mukungubila (son surnom, NDLR) est venu pour vous libérer de l'esclavage des Rwandais", auraient d'ailleurs lancé les assaillants, lundi.

Dans la biographie de son compte Twitter, le pasteur va même jusqu'à s'auto-définir comme "le dernier messager pour toute l’humanité après Jésus Christ".

> Que réclame-t-il?

Dans un communiqué publié sur Facebook, Joseph Mukungubila a donné une toute autre version des violences de lundi. Pour lui, les provocations sont venues des forces gouvernementales. "Il est nécessaire de rétablir la vérité. Cela a commencé le dimanche 29 décembre au soir à Lubumbashi, dans la région du Katanga", explique ainsi le communiqué. "Des enfants, qui distribuaient une lettre ouverte que le Prophète Joseph Mukungubila a publiée, ont été interpellés par des forces armées. Ils ont été questionnés sur qui les avaient envoyés. Dans cette lettre, le Prophète Joseph Mukungubila a dit la vérité c’est-à-dire qu’on ne peut pas garder un étranger à la tete du pays", poursuit le texte. Et d'accuser les militaires d'avoir attaqué sa résidence de Lubumbubashi, effectivement visée par des tirs à l'arme lourde lundi.

Mardi, le gouvernement a affirmé que le "prophète" est "en fuite" à l'étranger. "Il s'est évaporé - courageusement (...) C'est que lui-même ne croit pas en la justesse de la cause qu'il est en train de revendiquer. Ce monsieur est un fugitif, il est en fuite", a ainsi déclaré le porte-parole du gouvernement, qui n'a toutefois pas confirmé la responsabilité du pasteur dans les trois attaques de lundi.

Interrogé par France 24, un professeur de Kinshasa s'est dit très perplexe. "On le dit derrière ces attaques coordonnées, mais cela reste difficile à croire car il s'agit de trois attaques simultanées. D'où lui viennent tous ces hommes et ses moyens?", interroge ainsi ce spécialiste. Joseph Mukungubila s'est en tout cas manifesté ce mardi, réclamant le départ du pouvoir de son rival Joseph Kabila et se défendant de toute fuite à l'étranger.