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Attentat au Kenya: la douloureuse quête des familles des étudiants portés disparus

Des Kényans prient pour les victimes dans une église à Nairobi, dimanche.

Des Kényans prient pour les victimes dans une église à Nairobi, dimanche. - Nichole Sobecki - AFP

Trois jours après le massacre perpétré dans une université kényane, certains étudiants ne sont pas réapparus. Leurs proches errent à leur recherche dans la ville.

Carolyne, la fille d'Abraham Koech n'est ni à la morgue, ni sur les listes de survivants. Son père la cherche depuis jeudi, quand de l'université de Garissa, elle l'a appelé pour lui dire que la fac était attaquée par un commando islamiste. Comme lui, ils sont encore des centaines à chercher, entre angoisse, espoir et colère, un nom sur les listes de rescapés ou un corps à la morgue de Nairobi.

"Je n'ai plus de nouvelles depuis jeudi, quand elle m'a appelé en disant 'Il y a des terroristes, je suis cachée sous mon lit'. Ensuite j'ai entendu des tirs nourris et ça a raccroché. J'ai essayé de la rappeler plusieurs fois, mais personne n'a répondu. Et à 16 heures, son téléphone s'est éteint", raconte Abraham Koech, au stade Nyayo de Nairobi. Ce père de famille est venu à ses frais de la région d'Iten, à 300 km au nord-ouest de Nairobi.

"Bonne ou mauvaise nouvelle, ils veulent savoir"

Sur les bords du terrain de football, des employés plient les tentes et les chaises du centre de crise, mis en place pour accueillir samedi soir les rescapés et leurs familles, de l'attaque perpétrée par les islamistes somaliens shebab qui a fait 148 morts. Carolyne n'y était pas. "J'ai aussi été à la morgue de Chiromo, mais je ne l'ai pas trouvée. Les balles ont déformé les têtes", confesse-t-il, n'excluant pas de ne pas avoir reconnu son corps. "J'attends une nouvelle liste de rescapés, j'ai encore de l'espoir", dit-il calmement.

Autour de lui, d'autres hommes et femmes, dont les nerfs lâchent parfois. Des membres de la Croix-Rouge tentent de réconforter trois femmes effondrées sur la pelouse. Assise, une femme pleure doucement en se confiant à Julia, "conseillère" de l'Église baptiste de Nairobi. "Les gens (...) ne savent pas où est leur enfant et reçoivent peu d'information. Certains sont anxieux, d'autres perdus, d'autres en colère particulièrement contre le gouvernement", explique Julia. "Ils veulent en finir rapidement. Ils préféreraient avoir des nouvelles, même mauvaises. Sans nouvelles vous êtes juste coincés ici", ajoute-t-elle. "Bonne ou mauvaise nouvelle, ils veulent savoir".

L'espoir de rescapés encore cachés

Ceux qui ne vivent pas à Nairobi sont venus à leurs frais et doivent se nourrir et se loger, car les autorités ne leur ont proposé aucune aide. "Cet homme vient de Machakos", à une soixantaine de km de Nairobi, montre-t-elle, "le gouvernement sait-il où il dort, dans quel état il est"?

L'homme de Machakos - qui ne veut pas donner son nom - cherche sa fille Faith, 20 ans, étudiante en informatique. "Jeudi matin, je l'ai appelée, son téléphone sonnait, mais personne ne répondait, puis le téléphone était éteint", se souvient-il. "Mon coeur souffre, je n'ai aucune nouvelle et je ne sais pas ce qui lui est arrivé". Il évoque "un groupe d'étudiants cachés dans la forêt" pour garder espoir. "Quelles que soient les nouvelles que je recevrai, je les prendrai telles quelles. Ce sera la fin de l'incertitude", poursuit-il.

Beaucoup de familles résignées

William et Samuel, 27 et 25 ans, attendent eux des nouvelles de leur frère Edward Khaemba, 21 ans, étudiant en sciences de l'éducation. Le matin de l'attaque, "il a dit à notre père qu'il était pris en otage. Ensuite, ça a coupé" et "depuis nous n'avons plus de nouvelles". Pas de trace d'Edward sur la nouvelle liste de survivants qui arrive. Mais Samuel reste sûr que son frère est vivant. Une bénévole lui confirme qu'il existe une liste de blessés mais personne ne sait où est cette liste.

La plupart des familles semblent néanmoins résolues au pire. Dimanche, ils n'étaient plus qu'une poignée à Nyayo et au moins 200 à la morgue de Chiromo. "C'est difficile, il n'y a aucune communication", explique Stephen Asande, qui cherche Josephine Nyaboke, sa nièce de 21 ans. "Les corps sont en mauvais état", dit-il, "il faut un processus d'identification par les empreintes digitales" systématiquement enregistrées sur les cartes d'identité. Lui se fait peu d'illusions: "Elle n'a pas communiqué depuis jeudi, regardons les choses en face, il y a quoi? 20% de chances qu'elle soit encore en vie?"

A. G. avec AFP