BFMTV
Algérie

En Algérie, qui pour assurer l'intérim d'Abdelaziz Bouteflika?

Abdelkader Bensalah - PATRICK KOVARIK / AFP

Abdelkader Bensalah - PATRICK KOVARIK / AFP - -

L'Algérie prépare l'après-Bouteflika. Après la démission du président sous la pression de la rue et de l'armée le 2 avril dernier, le pays doit faire face à une délicate phase de transition.

Qui assurera l'intérim du président démissionnaire Abdelaziz Bouteflika en Algérie? Le Parlement doit entériner le processus mardi, mais le remplaçant désigné par la Constitution, Abdelkader Bensalah, incarnation d'un "système" dont les Algériens veulent se débarrasser, devrait passer la main.

Après plus d'un mois de contestation massive et inédite à travers ce pays d'Afrique du Nord, Abdelaziz Bouteflika a finalement démissionné le 2 avril sous la pression conjuguée de la rue et de l'armée qui a menacé de ne plus reconnaître son autorité

Écarter Bensalah de l'intérim?

Une semaine après sa démission, les parlementaires de l'Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse) et du Conseil de la Nation (chambre haute) sont convoqués ensemble mardi matin pour acter la "vacance" à la tête de l'Etat. Ils doivent ensuite charger, conformément à la Constitution, le président de la chambre haute, poste occupé actuellement par Abdelkader Bensalah, d'assurer l'intérim à la tête de l'Etat pendant 90 jours.

Mais vendredi, premier jour de manifestations hebdomadaires depuis l'annonce du départ d'Abdelaziz Bouteflika, les Algériens ont à nouveau défilé en masse pour exiger que soient exclus du processus de transition les hommes-clés de l'appareil mis en place par ce dernier. Un trio a été particulièrement visé: Abdelkader Bensalah, le président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz et le Premier ministre Noureddine Bedoui.

Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, 34 députés sur 462), principal parti islamiste et longtemps soutien du camp Bouteflika avant de rompre en 2012, a indiqué qu'il boycotterait mardi la session parlementaire, refusant de "valider la désignation d'Abdelkader Bensalah comme chef de l'Etat par intérim" car "contraire aux revendications du peuple".

L'appel des manifestants semble avoir été entendu, puisque dimanche, l'éditorial du quotidien gouvernemental El Moudjahid, traditionnel vecteur de messages du pouvoir en Algérie, a suggéré d'écarter Abdelkader Bensalah de la présidence par intérim en lui trouvant un remplaçant pour présider la Chambre haute. Le journal a suggéré de trouver "un homme consensuel qui ait l'étoffe et le sens de l'Etat", mais sans s'avancer sur un nom.

"Il faudrait trouver le plus tôt possible une solution à la question de la présidence du Conseil de la Nation, du moment que l'actuelle figure ne semble pas être tolérée par le mouvement citoyen", a prôné El Moudjahid.

Blocage au niveau de la Constitution

Problème: le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, de facto le nouvel homme fort du pays, exige que la succession d'Abdelaziz Bouteflika se fasse dans le strict cadre de la Constitution. Celle-ci prévoit que le président du Conseil de la Nation transmette le pouvoir avant l'expiration du délai de 90 jours à un nouveau chef de l'Etat élu lors d'une présidentielle.

Le mouvement de contestation réclame lui de sortir de ce cadre pour mettre sur pied des institutions de transition permettant d'engager des réformes profondes et d'organiser des élections libres. En cas de retrait, de plus en plus probable, d'Abdelkader Bensalah, ce serait son successeur à la tête du Conseil de la Nation qui prendra l'intérim.

Mais "lui ou toute autre personne issue du Conseil de la Nation sera rejetée par la rue", souligne Rachid Grim, enseignant en Sciences politiques à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP) d'Alger. Si la présidence de la chambre haute était laissée vacante, la Constitution charge alors de l'intérim le président du Conseil constitutionnel, M. Belaiz, autre personnalité honnie par les manifestants.

"C'est là où il y a un vrai problème. L'armée tient à ce que cela (la transition) se fasse à l'intérieur de la Constitution et la rue veut que cela se fasse à l'extérieur de la Constitution. Si l'armée n'assouplit pas sa position, on va vers la rupture et la rue est difficile à maîtriser", s'inquiète Rachid Grim.

Lundi, l'éditorial d'El Moudjahid, passé au rythme des événements la semaine dernière de porte-voix de la présidence à celui de l'armée, a répété que la "réussite de la transition nécessite un passage en douceur, graduel, sans heurt, de l'actuel système à un système nouveau (...) afin d'éviter tout dérapage". Le journal a toutefois évoqué une piste de compromis avec la création d'"une commission indépendante" qui serait chargée de tout le processus électoral.

"L'Armée nationale populaire ne tient pas du tout à jouer un quelconque rôle politique" dans la transition, souligne aussi le quotidien d'État.

Jeanne Bulant avec AFP